Renaud Oury a plus de 24 ans d’expérience dans l’industrie des fonds au Luxembourg. Il a rejoint le Groupe Apex en juillet 2019. (Photo: Mike Zenari)

Renaud Oury a plus de 24 ans d’expérience dans l’industrie des fonds au Luxembourg. Il a rejoint le Groupe Apex en juillet 2019. (Photo: Mike Zenari)

Renaud Oury d’Apex Group s’est entretenu avec Delano à propos des changements dans la façon dont les commanditaires investissent dans les fonds de capital-investissement et de ce qu’implique la façon dont les fonds de private equity luxembourgeois sont gérés.

Les derniers chiffres de Preqin, un fournisseur de données, indiquent que cette année, les fonds de private equity ont été clôturés avec moins d’investisseurs (les limited partners par opposition aux general partners qui sont en charge de la gestion), mais que ceux-ci investissent des sommes plus importantes. C’est le cas au niveau mondial et pour les sociétés de capital-investissement basées au Luxembourg, selon Renaud Oury, directeur des revenus et des données chez Apex Group, un fournisseur de services aux fonds et aux entreprises. Deux facteurs «qui pourraient être considérés comme un peu contradictoires» sont à l’origine de cette tendance, explique Renaud Oury.

En ce qui concerne la «taille plus importante des tickets» observée sur le marché, il confirme que «nous voyons des limited partners plus importants investir des montants plus importants dans les fonds». Cela est dû au «fait que la sophistication des investisseurs a augmenté», ce qui se traduit par «un certain nombre d’éléments». Tout d’abord, «les investisseurs demandent plus de transparence de la part des fonds. Ils demandent l’accès à des rapports de données et à des mesures ESG en temps réel.»

«Comme les limited partners deviennent plus importants, ils commencent à avoir un impact sur le type d’informations qu’ils peuvent recevoir des fonds. Tout cela se fait normalement par le biais de lettres d’accompagnement, dans lesquelles l’investisseur peut demander des rapports plus complets ou supplémentaires, une accélération des délais de production des rapports, ou même parfois de meilleures conditions économiques, telles que des frais de gestion moins élevés, par exemple, ou un carried interest plus favorable. Nous constatons donc que les grands investisseurs sont effectivement en mesure d’imposer un tel partenariat aux general partners», observe Renaud Oury. «Nous le voyons au Luxembourg, mais pas seulement.»

La demande des particuliers

«Le deuxième élément que nous avons observé, et qui, je pense, est vraiment intéressant du point de vue de l’investisseur, est que les investissements alternatifs, et spécifiquement le capital-investissement, sont devenus extrêmement attractifs pour les investisseurs individuels. Ils veulent avoir accès aux investissements en capital-investissement», estime-t-il. La demande des particuliers est «certainement motivée par la forte croissance générée dans l’environnement du private equity. Et pendant la pandémie, vous avez peut-être constaté que l’épargne des investisseurs particuliers a augmenté, donc qu’il y a plus d’argent à investir. Ils veulent donc pouvoir avoir accès aux fonds de capital-investissement. Et je pense qu’il y a aussi un élément peut-être psychologique, c’est-à-dire que pendant la pandémie, beaucoup de consommateurs ont commencé à vraiment regarder comment leur argent était dépensé quand ils allaient acheter quelque chose, et dans le private equity, vous êtes beaucoup plus proches de l’investissement que dans les fonds traditionnels.»

Les investisseurs particuliers, bien sûr, ne peuvent généralement pas placer leurs économies directement dans un fonds de private equity, mais un certain nombre de plateformes s’ouvrent à eux, explique Renaud Oury. «Les investisseurs particuliers ne sont pas en mesure de le faire parce que la taille du ticket est trop importante et donc, pour pouvoir avoir accès aux fonds de capital-investissement, nous avons vu un certain nombre de plateformes spécifiques et de véhicules spécifiques qui ont émergé pour répondre à ces demandes. Certains fonds nourriciers ont été créés pour attirer les souscriptions des investisseurs individuels. Ainsi, collectivement, ils deviennent un investisseur nourricier dans un fonds nécessitant des engagements plus importants.» Il cite l’exemple d’iCapital, qui «est vraiment une excellente plateforme à cet effet».

Des liens general partners-limited partners plus ciblés

Dans un schéma de type «qui de l’œuf ou de la poule…», Delano s’est demandé si les investissements plus importants entraînaient un besoin de données plus important, ou si ce besoin accru de données impliquait des placements plus importants. «Actuellement, c’est vraiment la relation entre le general partner et le limited partner qui évolue. Aujourd’hui, les general partners et les limited partners se considèrent davantage comme des partenaires. Et les limited partners sont désireux de faire plus d’investissements. Mais pour cela, ils exigent plus de transparence, et plus de types de rapports. C’est donc parce qu’ils sont plus grands, effectivement, qu’ils ont davantage leur mot à dire sur le type d’informations qu’ils veulent obtenir du fonds.»

Renaud Oury poursuit: «L’une des tendances générales que nous avons vraiment pu voir à l’échelle mondiale est que les ‘allocateurs’ allouent davantage aux noms qu’ils connaissent, et aux noms auxquels ils font confiance. Ils réduisent donc le nombre de general partners avec lesquels ils travaillent, et élargissent ainsi les tickets.» Cette consolidation est motivée par plusieurs facteurs: «Définitivement, en termes de rendement, en fonction, encore une fois, du type de rapports qu’ils peuvent obtenir d’un fonds, lorsqu’ils ont construit une relation de confiance avec un general partner, ils veulent pouvoir en tirer parti. Je pense qu’il est assez intéressant de voir que les demandes de transparence supplémentaire sont encore plus fréquentes lorsque les limited partners sont déjà des investisseurs dans l’un des fonds établis du general partner. Ainsi, lorsqu’ils commencent à avoir une relation à long terme avec le general partner, ils commencent à demander des informations supplémentaires, une transparence supplémentaire, et cela les incitera également à continuer à travailler et à investir avec les fonds.»

Des investissements technologiques

Ces changements n’ont pas le même impact sur les prestataires de services aux fonds que sur les sociétés de fonds, affirme Renaud Oury. «Non, nous ne travaillons pas avec moins de firmes. Nous avons même de plus en plus de clients. L’année dernière, plus de 700 nouveaux clients ont commencé à travailler avec nous. Cette tendance va se poursuivre en 2021.» Pour faire face à ces nouvelles exigences en matière de données et de rapports, des entreprises comme Apex entreprennent un «investissement informatique massif pour être en mesure de fournir ces informations à nos clients, afin qu’ils puissent les transmettre à leurs investisseurs.»

«Nous avons décidé, d’un point de vue stratégique depuis plusieurs années, d’opérer dans une architecture informatique ouverte. Qu’est-ce que cela signifie? Cela signifie que nous utilisons différents types de plateformes informatiques pour pouvoir servir nos clients. Sans vouloir être trop technique, nous utilisons Efront, mais aussi Investfront. Et pour les fonds immobiliers, nous utilisons Yardi. Cela signifie donc que nous disposons des différentes plateformes qui nous permettent de nous intégrer en temps réel aux plateformes de nos clients. Pouvoir disposer de cette technologie qui peut passer directement d’Apex, ou de n’importe quel fournisseur de services, aux plateformes de données de nos clients est quelque chose de très important. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous utilisons effectivement différents systèmes en parallèle, afin de pouvoir adapter efficacement nos systèmes et les connecter aux systèmes finaux de nos clients.»

Plus de transparence à venir

Pour ce qui est de l’avenir, «je suis convaincu que la transparence, l’exigence de rapports supplémentaires et de données en temps réel, les rapports ESG, vont augmenter, vraiment augmenter. Je pense que nous n’en sommes qu’au début de l’intérêt des investisseurs pour les questions ESG. C’est quelque chose qui est vraiment important. Nous voyons de plus en plus de demandes de la part des investisseurs et aussi du régulateur. Donc définitivement, oui, cette transparence va augmenter en termes de concentration des limited partners.» Bien que Renaud Oury n’ait pas été en mesure de fournir une prévision de croissance spécifique, il est convaincu que les demandes accrues de données «vont continuer à augmenter».

Ce qui alimente ce nouveau flux de chiffres, c’est l’intérêt accru des investisseurs pour les critères ESG, et dans une bien moindre mesure la nouvelle réglementation SFDR de l’UE. «C’est vraiment demandé par le client final. Ce n’est donc pas motivé par la SFDR, mais cela reste l’un des éléments importants ici.»

Il devient un point de données de base pour évaluer l’empreinte carbone des investissements sous-jacents. «Nous constatons que l’investisseur final veut vraiment savoir où il investit et s’assurer qu’il a un impact. Nous voyons donc une tendance émergente en termes d’investissements à impact. Et ce qui est intéressant avec l’investissement à impact, c’est qu’il y a quelques années, les personnes qui investissaient dans un investissement à impact devaient choisir soit d’avoir un impact, soit d’obtenir un rendement. Aujourd’hui, ils peuvent avoir les deux. Ils peuvent savoir qu’ils auront un impact, qu’ils contribueront effectivement à changer quelque chose, qu’ils seront en mesure d’investir en accord avec ce qu’ils croient être bon, et ils auront un rendement qui pourrait même être plus élevé que le rendement d’un fonds non ESG.»

Publié à l’origine dans Delano’s Private Equity  de Delano. Soyez parmi les premiers à lire les interviews et les articles de l’édition imprimée en vous aujourd’hui.

Cet article a été écrit pour , traduit et édité pour Paperjam.