Roberto Mendolia est le président de l’ALEBA depuis 2019. (Photo: Matic Zorman / Maison Moderne)

Roberto Mendolia est le président de l’ALEBA depuis 2019. (Photo: Matic Zorman / Maison Moderne)

Le président de l’ALEBA s’inquiète quant à ce qui s’annonce comme une année difficile pour les salariés de la Place luxembourgeoise. Mais reste étonnamment calme, alors que son syndicat s’est vu retirer sa représentativité sectorielle.

Trois plans sociaux annoncés depuis le début de cette année, 460 emplois gravement menacés… 2021 pourrait-elle être une «annus horribilis» pour les employés de la place financière? , président de l’ALEBA, ne cache plus son inquiétude.

«Cette crise, c’est une bombe à retardement. Je ne suis pas devinni le grand économiste qui va dire ce qui va se passer. Par contre, des éléments factuels, il y en a, et je les constate. Des plans sociaux qui explosent, des chiffres de prévisions de croissance en baisse... Donc, quand vous êtes banquier et que vous êtes obligé de mettre de l’argent de côté en prévision de tous ceux qui ne pourront plus rembourser les prêts contractés pour survivre pendant la crise au moment où les aides d’État vont s’arrêter, que vous êtes dans un environnement de taux bas, que, d’un autre côté, on demande de l’investissement pour aller vers la digitalisation, vous devez envisager d’autres mesures… Tout cela amène au fait que les prévisions qui ressortent du terrain ne sont pas bonnes. C’est inquiétant et, au Luxembourg, il n’y a jamais de fumée sans feu», explique-t-il.

C’est assez simple : quand les résultats sont en baisse, on joue sur le pilier des effectifs.
Roberto Mendolia

Roberto MendoliaprésidentALEBA

Et les flammes sont déjà visibles. Pour rappel, (Mitsubishi UFJ Investor Services & Banking Luxembourg SA) devrait débuter prochainement, mettant une vingtaine de personnes, sur les 160 actuellement employées, dans l’incertitude. , une décision qui impacterait les 200 personnes qui y sont actuellement employées. Enfin, , depuis sa reprise par Royal Bank of Canada. 243 emplois sont menacés

«En 2021, tout le monde freine. Il y a des incertitudes, et on sait qu’il y a des provisions qui sont faites par les banquiers pour couvrir les éventuels manquements de paiement. Moi, je vois que les chiffres de certaines sociétés qui ne sont pas aussi bons que prévu. C’est assez simple: quand les résultats sont en baisse, on joue sur le pilier des effectifs. Autrement dit, un plan social. Je ne sais pas comment cela va se passer cette année, mais quand je vois comment elle commence, avec le nombre de plans sociaux, c’est inquiétant», alerte encore Roberto Mendolia.

Une guerre syndicale au pire des moments

Tout cela alors qu’une guerre syndicale a éclaté entre les organisations de défense des droits des salariés du secteur.

Sollicité par l’OGBL,  (LSAP), ministre de l’Emploi,  après avoir demandé une analyse de la situation de la part de l’Inspection du travail et des mines (ITM) . 

Un coup de Trafalgar très mal vécu puisque depuis 2005, l’ALEBA bénéficiait de la représentativité sectorielle, lui permettant notamment de signer en solo les conventions collectives. En 2019, cette représentativité n’avait pas été remise en cause par les deux autres syndicats, et ce même si l’ALEBA était passée sous la barre des 50% des voix (49,22%), donc assez loin devant l’OGBL (31,58%) et le LCGB (19,20%), tout en conservant quatre élus sur les huit du groupe 4 Services et intermédiation financiers à la Chambre des salariés.

Mais quelques mois plus tard, les relations entre l’ALEBA et les syndicats OGBL et LCGB vont se tendre . Au point de voir l’OGBL demander au ministre de revoir la représentativité sectorielle de l’ALEBA, avec la conclusion qui est connue maintenant.

Une plainte déposée à Genève

«Je reste très calme. Et, encore une fois, nous nous attendions à une telle décision. Par contre, la question est de savoir pour quelle raison quelqu’un s’est intéressé à cela», s’interroge Roberto Mendolia, qui reste pantois face à la manière. «Je m’interroge aussi sur ce qui a motivé la décision du ministre, qui ne m’a pas contacté pour discuter de la situation. Idem du côté de l’ITM, qui m’a seulement envoyé un questionnaire en 12 points pour réaliser son enquête et remettre un rapport au ministre», souligne-t-il.   

Au fur et à mesure, on a retiré des droits à  l’ALEBA, ce qui est  honteux.
Roberto Mendolia

Roberto MendoliaprésidentALEBA

L’ALEBA conteste en tout cas cette décision: «Nous avons mis nos avocats sur le sujet. Nous avons déposé une plainte auprès du comité de liberté syndicale de l’Organisation internationale du travail, à Genève, et il y a également une procédure auprès de la justice luxembourgeoise», assure Roberto Mendolia.

Ce dernier peste surtout contre la dégradation de la législation au Luxembourg. Selon lui, plusieurs lois ont été votées depuis 2006 qu«on peut considérer aisément comme discriminatoires pour les syndicats non nationaux», et notamment l’ALEBA. «Au fur et à mesure, on a retiré des droits à notre syndicat, ce qui est honteux. Mais il y a une loi en particulier, qui est une loi fratricide, qui permet à des syndicats concurrents de saisir le ministre pour décider du droit de vie ou de mort du syndicat sectoriel. C’est ce qui a été fait par nos frères syndicaux», fait-il amèrement remarquer.

En regrettant, en outre, de voir des syndicats faire du «syndicalisme politique».