«Tout d’abord, on ne fait rien, et ensuite, on dit que c’est trop tard», a commenté Gérard Schockmel, devant la volonté du LSAP d’attendre que la situation l’exige pour mettre en place la vaccination obligatoire. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne/archives)

«Tout d’abord, on ne fait rien, et ensuite, on dit que c’est trop tard», a commenté Gérard Schockmel, devant la volonté du LSAP d’attendre que la situation l’exige pour mettre en place la vaccination obligatoire. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne/archives)

Alors que le LSAP veut repousser la mise en place de l’obligation vaccinale, Gérard Schockmel, expert en maladies infectieuses, juge au contraire que rien ne justifie d’attendre plus longtemps. Le gouvernement n’a que trop tardé, estime-t-il, pointant du doigt la ministre de la Santé, Paulette Lenert (LSAP).

L’obligation vaccinale pour les plus de 50 ans et le personnel des secteurs de la santé et des soins a reçu . Mais le LSAP, membre de la majorité, estime qu’il n’est pas à l’heure actuelle «nécessaire et proportionné» de mettre en œuvre une telle obligation et qu’il faut attendre pour cela que la situation l’exige.

Cependant, selon Gérard Schockmel, spécialiste des maladies infectieuses aux Hôpitaux Robert Schuman (HRS) et membre du panel d’experts , les délais pour que l’obligation fasse concrètement effet impliquent de devoir appliquer le processus dès que possible afin qu’ils soient effectifs pour l’hiver à venir.

Attendre plus longtemps ne consisterait qu’à persévérer dans une stratégie qui était condamnée d’avance, selon Gérard Schockmel. Qui reproche en outre à la ministre de la Santé, (LSAP), d’avoir trop longtemps ignoré les appels des experts et des institutions de santé à mettre en place l’obligation vaccinale.

Lors de l’adoption à la Chambre par la majorité de la motion ouvrant la voie à une obligation vaccinale, le LSAP, qui fait pourtant partie de la majorité, a déclaré qu’à l’heure actuelle, il n’était ni nécessaire ni proportionné d’introduire une telle obligation, et qu’il fallait attendre que la situation l’exige. Faut-il en effet attendre, une telle obligation étant désormais trop tardive pour briser la vague Omicron?

Gérard Schockmel. – «Tout d’abord, on ne fait rien, et ensuite, on dit que c’est trop tard… Dans notre rapport, nous expliquons que ce n’est pas par rapport à Omicron que ces mesures nous aideront. Mais pour la première fois, nous préparons l’hiver à venir. L’idée, c’est vraiment d’être prêts pour l’automne.

Ce n’est pas par rapport à Omicron que ces mesures nous aideront. Mais pour la première fois, nous préparons l’hiver à venir.
Gérard Schockmel

Gérard SchockmelHRS

Il faut commencer le processus dès maintenant pour être prêts à l’automne prochain?

«Si on regarde combien de temps tout cela prend – élaborer les textes, discuter, considérer les aspects médicaux, éthiques, juridiques, de droits de l’Homme –, il faut agir maintenant, car nous y serons tout juste pour Pâques, et peut-être même après.

Puis, le programme prendra aussi un certain temps à être mis en œuvre: si nous faisons, par exemple, comme en Autriche ou dans d’autres pays, il n’y aura pas de sanctions pendant un certain temps. Peut-être qu’on va aussi inviter ces personnes pour un entretien afin qu’elles puissent manifester leurs inquiétudes et prendre des informations. Et tout cela peut prendre à nouveau quelques mois pour aboutir.

Nous ne pouvons pas à nouveau rester inactifs. Ces démarches […], c’est maintenant qu’il faut les faire.
Gérard Schockmel

Gérard SchockmelHRS

Donc, il n’y a aucune raison, d’un point de vue épidémiologique, de repousser la mise en œuvre de l’obligation vaccinale?

«Ce serait une erreur parce que personne ne sait ce qui viendra après Omicron. Ce que nous savons, c’est que le virus continuera de circuler. Il y aura donc des variants qui circuleront en parallèle, et, si les souches les plus transmissibles vont supplanter les autres, il n’y a aucune garantie que celles-ci soient forcément moins virulentes, comme c’est le cas pour Omicron.

Donc, nous ne pouvons pas à nouveau rester inactifs. Ces démarches – alors qu’elles ne feront peut-être effet qu’en juin ou en juillet, et alors même que nous constatons que la stratégie de ne pas avoir d’obligation vaccinale ne suffit pas –, c’est maintenant qu’il faut les faire, évidemment.

L’année passée, le gouvernement a décidé de ne forcer personne à se faire vacciner. Une stratégie qui était condamnée d’avance.
Gérard Schockmel

Gérard SchockmelHRS

Vous blâmez la stratégie mise en place par le gouvernement pour contrer le Covid?

«L’année passée, le gouvernement a décidé de ne forcer personne à se faire vacciner. Une stratégie qui était condamnée d’avance. D’abord, on a fait des cadeaux aux non-vaccinés. En ne les forçant pas s’ils ne voulaient pas se faire vacciner. En interdisant aux hôpitaux et aux maisons de soins de savoir qui, parmi le personnel, est vacciné ou non – ce qui est, d’un point de vue légal, fortement douteux. En introduisant le régime CovidCheck 3G, ce qui revient à considérer que le test est tout aussi bien que la vaccination. Mais le fait de se faire tester ne résout aucun problème: il n’y a que l’immunité qui peut nous sortir de la pandémie. Se tester trois fois par jour pendant six mois ne crée aucune immunité.

Finalement, cela n’a pas marché. Puis, on a mis sous pression extrême les non-vaccinés, en leur enlevant leurs droits de citoyens. Maintenant, ils sont, avec le 2G, quasiment exclus de la vie sociale. Alors, évidemment, les gens développent une rancœur, ils se sentent trahis… Tout cela, c’est le résultat d’une très mauvaise politique, qui a divisé la société.

Vous reprochez au gouvernement de ne pas avoir introduit plus tôt l’obligation vaccinale?

«Pendant toute l’année 2021, Paulette Lenert a ignoré les recommandations des experts en faveur d’une obligation vaccinale. Elle n’a préparé aucun texte, organisé aucun débat, donc il n’y a eu aucune possibilité de discuter de quelque chose de concret.

Paulette Lenert n’a préparé aucun texte, organisé aucun débat, donc il n’y a eu aucune possibilité de discuter de quelque chose de concret.
Gérard Schockmel

Gérard SchockmelHRS

Le 29 décembre, dans une interview, elle a même déclaré qu’elle préférerait discuter de l’obligation vaccinale tranquillement une fois que la pandémie serait passée. Une fois la pandémie passée… À ce moment-là, il y avait déjà les recommandations des maisons de soins et de retraite, celles de la Fédération des hôpitaux, des anesthésistes, du Collège médical – tous en faveur d’une obligation vaccinale.

Finalement, c’est la ministre de la Justice, (déi Gréng), qui a fait la démarche de préparer ce texte. Donc tout cela n’a guère aidé.

Qu’est-ce qui explique, selon vous, une telle réticence à mettre en œuvre l’obligation vaccinale?

«Le calcul politique a toujours été clair: on ne veut pas pousser trop loin les gens pour ne pas se rendre impopulaire, tout en espérant que le virus fera l’affaire et que l’immunité augmentera au fur et à mesure que les gens s’infecteront.

Le calcul politique a toujours été clair: on ne veut pas pousser trop loin les gens pour ne pas se rendre impopulaire.
Gérard Schockmel

Gérard SchockmelHRS

En outre, quelqu’un qui s’infecte ne va pas faire de procès à Madame la Ministre. Mais s’il y a obligation vaccinale, ceux qui n’aiment pas cela vont développer des rancunes envers Madame la Ministre, et il y aura donc des votes perdus. Ce sont ces deux raisonnements-là qu’il faut finalement suspecter.»