Au Luxembourg, les terres agricoles se composent principalement de prairies, permanentes ou non (51%), et de terres arables (47%), qui servent essentiellement à la production d’aliments pour animaux et de fourrage – une conséquence de la faible qualité des terres du pays, classées en zone défavorisée. (Illustration: Maison Moderne)

Au Luxembourg, les terres agricoles se composent principalement de prairies, permanentes ou non (51%), et de terres arables (47%), qui servent essentiellement à la production d’aliments pour animaux et de fourrage – une conséquence de la faible qualité des terres du pays, classées en zone défavorisée. (Illustration: Maison Moderne)

Avec 5,18% de surface agricole biologique en 2020, l’objectif d’atteindre 20% d’ici 2025 paraît lointain, voire irréaliste, au rythme de croissance actuel. Le ministre de l’Agriculture, Romain Schneider, parie sur un emballement de la dynamique.

«Même si nous arrivons à 6% ou 6,5% de surface agricole biologique, cela ne changera rien: c’est complètement irréaliste d’espérer atteindre 20%», constate sans appel le président de la Chambre d’agriculture et vice-président de la Centrale paysanne luxembourgeoise, Guy Feyder.

Pourtant, un an après la présentation du plan d’action national de promotion de l’agriculture biologique, Pan-Bio 2025, qui vise 20% de surface agricole biologique à l’horizon 2025, le ministre de l’Agriculture, (LSAP), se réjouit:

Une part plus faible que la moyenne de l’Union européenne (8%), mais qui illustre «une progression très encourageante de l’agriculture biologique ces dernières années», selon Romain Schneider. Encourageante, peut-être, mais si l’augmentation est bien réelle, elle reste, depuis 2010, linéaire et modeste. Surtout à ce rythme, les 20% de surface biologique paraissent inatteignables.

Romain Schneider veut malgré tout croire à un emballement du processus en cours. «La dynamique existe, c’est une roue qui tourne et qui va s’accélérer», parie-t-il.

Pour l’instant, la dynamique semble cependant assez légère: 12 exploitations agricoles, disposant au total de 457 hectares, ont entamé leur conversion vers l’agriculture biologique en 2020. Ce qui correspond à moins de 1% de la SAU.

«À en juger par ces données, le Luxembourg présente l’un des plus faibles potentiels de croissance» des pays européens, estime ainsi la Commission européenne dans une communication du 18 décembre 2020.

De quoi être inquiet? «Si je regarde seulement ces chiffres, oui», admet Romain Schneider. «Mais pas si je regarde la dynamique», insiste-t-il.

Offre et demande

Le «fort potentiel» du pays devrait permettre d’inverser cette tendance, selon lui: l’Institut de recherche de l’agriculture biologique (Fibl) remarque ainsi que le Luxembourg se trouve en troisième position des pays européens dont les ménages dépensent le plus pour les produits biologiques (265 euros/personne), tout en se situant à la 20e place au niveau de la production biologique.

La demande serait donc bien présente du côté du consommateur. Le plus important à réaliser désormais est d’augmenter la production biologique et, pour cela, de «convaincre les agriculteurs», selon le ministre.

Ce qui n’est pas gagné, à entendre Guy Feyder, pour qui la problématique semble totalement inversée: pour que les agriculteurs se convertissent au biologique, «il faut que le pouvoir politique convainque les consommateurs d’acheter biologique, sinon les débouchés ne sont pas garantis», assure-t-il. «Les agriculteurs prendraient des risques énormes sans être certains que les produits puissent être vendus sur le marché à hauteur des coûts de production.»

Et l’agriculture luxembourgeoise, très spécialisée dans l’élevage bovin et laitier, ne bénéficierait pas de débouchés suffisants. «En ce moment, l’offre est déjà plus forte que la demande», juge le président de la Chambre d’agriculture.

Besoin d’exporter

Sur le 1,5 million de litres de lait biologique produits chaque année (400 millions sont produits au total), «il est déjà nécessaire d’en exporter la moitié», faute de demande, assure Guy Feyder.

Côté viande bovine, 25.000 bêtes sont abattues chaque année au Luxembourg, dont 400 ou 500 issues de normes biologiques. Mais «très peu d’animaux sont achetés» au niveau local, assure Guy Feyder. «À mon avis, c’est le prix qui coince», avance-t-il.

«Si le marché était là, si la demande était là, la transition vers le bio ne serait pas du tout compliquée, on n’aurait même pas besoin d’aides d’État», assure-t-il.

Le constat est bien sûr différent du côté du ministère: s’il admet que la transition du secteur laitier sera «plus difficile», Romain Schneider assure par contre que le secteur bovin est «en constante croissance» et que de grands acteurs luxembourgeois de la distribution alimentaire sont en demande. «Il faut que les producteurs suivent», estime-t-il. Et c’est sans compter la viande de porc ou de poulet, pour laquelle la demande serait aussi forte.

Une niche: les fruits et légumes

Une niche existe aussi au niveau des fruits et légumes, en demande dans les supermarchés, où 95% de l’offre reste issue de l’importation. «Il faut que l’offre devienne luxembourgeoise», explique le ministre. Tout en reconnaissant que le gain en nombre d’hectares bio resterait limité, peu de surface étant nécessaire pour la production.

Une option qui ne serait pas envisageable, selon Guy Feyder, la qualité des terres du pays ne le permettant pas: «Le Luxembourg se trouve dans une zone défavorisée, et, dans cette zone, on trouve des terres en herbe, du fourrage et très peu de légumes», explique-t-il. «Et comme nous n’avons pas eu cette possibilité au cours de l’Histoire, nous n’avons pas la culture ni la filière en place pour que le fermier le fasse. Donc c’est juste une bonne idée pour le public.»

Or, la transition vers le biologique «ne peut en général pas être faite par le lait et l’élevage de viande bovine», assure Guy Feyder. «Et, au Luxembourg, si l’on vise 25.000 hectares en bio, on ne peut pas se priver du lait et du bovin. Cela aurait dû être pris en compte.»

Une première étape

«J’aurais préféré ne pas parler de 20%, mais davantage de transition de la production vers le développement durable», reconnaît Romain Schneider. «Mais l’UE impose son propre objectif de 25% de surface biologique d’ici 2030, d’où la nécessité d’être en ligne avec la politique de l’UE.»

20% n’est donc qu’une première étape fixée sur le plan national. Pour éviter les potentielles sanctions de l’UE, ce sera 25% qu’il faudra atteindre d’ici 2030. Avec en ligne de mire 2050 et l’objectif ultime du plan national: 100% de surface biologique… Un défi qui paraît encore inaccessible.

Cet article est issu de la newsletter Paperjam Green, le rendez-vous mensuel pour suivre l’actualité verte au Luxembourg.