Au Luxembourg, l’obésité et le surpoids touchent près de 50% des adultes. (Photo: ECPO)

Au Luxembourg, l’obésité et le surpoids touchent près de 50% des adultes. (Photo: ECPO)

Paresse, manque de volonté, mauvaises habitudes: il est difficile de dépasser les préjugés attachés à l’obésité. Pourtant, il s’agit d’une maladie chronique, multifactorielle (génétique, psychologique, neurophysiologique), qu’il s’agit de traiter comme telle – en dépassant l’idée qu’une diète restrictive suffit.

«Tous les moyens sont bons pour stigmatiser l’obésité», se désole le docteur Hanen Samouda. Chercheuse spécialisée dans les domaines de l’obésité et de la composition corporelle au LIH, elle se bat pour faire reconnaître l’obésité comme une maladie chronique multifactorielle – et contre l’idée fausse selon laquelle ce phénomène serait uniquement le résultat d’un choix personnel et de mauvaises habitudes de vie.

Selon une enquête sur la santé des résidents conduite au Luxembourg en 2019, la proportion d’adultes obèses a augmenté entre 2014 et 2019, passant de 15,6% d’adultes obèses à 16,5%. La médecine scolaire a, quant à elle, recensé 4,3% d’obésité et 7,5% de surcharge pondérale chez des enfants de l’école fondamentale sur l’année scolaire 2019-2020. Les adolescents de l’école secondaire sont, quant à eux, 9,9% à être atteints d’obésité et 9,3% de surcharge pondérale.

Mais les moyens manquent pour étudier l’obésité, pourtant reconnue comme priorité mondiale de santé publique. L’étude concernant les enfants n’est ainsi pas représentative de tout le pays, puisqu’elle ne concerne que les jeunes ayant eu un examen médical pendant la période. «Nous manquons de budget pour faire une étude en population générale infantile», regrette Hanen Samouda.

L’IMC, un instrument incomplet

En outre, les instruments généralement utilisés dans le cadre de ces études se révèlent désormais obsolètes ou incomplets. C’est le cas de l’indice de masse corporelle (IMC, le rapport poids/taille), critère de l’étude: il est considéré «à tort» comme la référence pour la définition de l’obésité, selon Hanen Samouda. «Un poids élevé ne veut rien dire», précise pourtant la chercheuse.

Elle a d’ailleurs récemment mis au point, en collaboration avec le docteur Jérémie Langlet, du LIH, un – indétectable par l’IMC, mais essentiel dans le dépistage de l’obésité – qui a l’avantage d’être très facile d’utilisation.

Pour traiter avec efficacité l’obésité, les nouvelles lignes directrices canadiennes de pratique clinique de l’obésité chez l’adulte font en tout cas référence. Elles sont d’ailleurs soutenues officiellement en Europe par l’Association européenne pour l’étude de l’obésité (EASO). Celles-ci recommandent de classer l’obésité en fonction de ses causes multifactorielles, et non en fonction du statut pondéral. De fait, «le poids n’est que l’expression du problème. Perdre du poids ne permet pas de régler les causes sous-jacentes», précise Hanen Samouda.

Une maladie multifactorielle

Les facteurs à l’origine de l’obésité sont en effet très divers, de la génétique (70 à 80% de notre poids est déterminé par nos gênes) aux aspects neuronaux (du fait d’un dérèglement du cerveau qui ne contrôle plus correctement la prise alimentaire ou la sensation de faim) en passant par la santé mentale, le milieu socioéconomique (certaines personnes ne peuvent pas accéder à un mode de vie sain) ou l’influence du marketing alimentaire (publicités).

Il s’agit donc de considérer les aspects métaboliques, physiques et psychologiques – ou leur absence – afin de déterminer un traitement personnalisé de l’obésité en fonction des besoins spécifiques du patient. «Il faut arrêter le travail sur le poids et se concentrer davantage sur les causes et les complications», insiste Hanen Samouda. De fait, la seule perte de poids ne se maintient souvent pas sur le long terme. Et «faire le yo-yo avec son poids est aussi un problème pour la santé», précise la chercheuse du LIH.

Trois thérapies reconnues

Si des travaux pour développer des traitements sont toujours en cours, trois thérapies sont actuellement reconnues: l’approche cognitivo-comportementale (qui permet de mieux connecter le cerveau avec le reste du corps, notamment l’estomac, de déculpabiliser, de mieux gérer les sensations de faim), la chirurgie bariatrique (sleeve gastrectomie, bypass gastrique ou anneau gastrique, qui permettent une sensation de satiété plus rapide, mais dont les effets secondaires sont lourds) et la pharmacothérapie.

Plusieurs médicaments sont ainsi mis sur le marché, dont deux par le groupe Novo Nordisk (le Saxenda et le Wegovy), qui s’administrent sous forme de piqûres quotidiennes ou hebdomadaires et agissent sur la sensation de satiété et le dérèglement hormonal – mais qui ne sont pas pris en charge par la Sécurité sociale au Luxembourg. «Entre rien du tout, une diète restrictive et la chirurgie, un médicament peut être une bonne alternative», estime Hanen Samouda. «Cela permet de réguler le processus neurophysiologique et agit davantage sur le long terme.»

La stigmatisation, un catalyseur de la maladie

La reconnaissance de l’obésité comme maladie permettrait donc de traiter le phénomène à la hauteur de la problématique. Et d’éviter une stigmatisation des personnes atteintes, ce qui aggrave leur situation en devenant un «catalyseur de la maladie» et en entraînant une hausse du stress psychologique, de la dépression et de l’anxiété. Et, in fine, une aggravation de la prise de poids et de l’obésité.

Mais ce changement de paradigme sera «difficile», admet Hanen Samouda. «Nous n’acceptons pas de normaliser l’obésité». Ni de dépasser nos préjugés l’assimilant à la paresse et au manque de volonté. Il le faudra pourtant si nous voulons que la situation s’améliore. Dans les pays à revenus élevés comme le Luxembourg, la tendance est à la stagnation, mais à un niveau très élevé. Et elle est en hausse continue dans les pays à faibles revenus et à revenus intermédiaires.