Denis Montel, de l’agence RDAI, nous présente le nouvel aménagement intérieur de la boutique Hermès à Luxembourg. (Photo: Alex Profit)

Denis Montel, de l’agence RDAI, nous présente le nouvel aménagement intérieur de la boutique Hermès à Luxembourg. (Photo: Alex Profit)

À l’occasion de la réouverture du magasin Hermès à Luxembourg, Denis Montel, directeur général et directeur artistique de l’agence d’architecture RDAI, nous explique le concept de réaménagement et l’architecture intérieure qui a été déployée.

Comment créer un espace singulier tout en conservant la signature Hermès?

Denis Montel. – «Pour les magasins Hermès, nous intervenons souvent dans des projets de rénovation. Ces espaces ont déjà leur propre personnalité, des éléments distinctifs qui sont liés à chaque adresse. Notre travail est de trouver la singularité de chaque lieu tout en conservant une homogénéité entre les différents magasins. Pour cela, nous portons une grande attention au mobilier, qui est adapté à chaque famille de produits. Ce mobilier est libre dans son format, ses finitions et sa palette. Par ailleurs, nous nous intéressons au revêtement de sol, qui est ici une mosaïque en grès cérame. Le dessin est le même que celui du magasin au 24 faubourg Saint-Honoré à Paris, mais nous en changeons le code couleurs. Habituellement, nous jouons avec trois couleurs, mais pour le magasin à Luxembourg, nous avons choisi d’en introduire cinq, dont une qui change avec la lumière, comme une petite touche impertinente. Ce sont là des éléments signature qui ne sont jamais les mêmes d’un magasin à l’autre.

Comment concevez-vous ces éléments de mobilier dont vous venez de parler?

«Chaque pièce de mobilier doit évidemment répondre à une fonction. Ce sont des éléments de présentation et de stockage qui sont équipés en lumière, parfois de prises USB. Les tiroirs, s’ils semblent identiques à l’extérieur, sont pourtant tous différents dans leur aménagement intérieur pour répondre exactement au besoin du produit qu’ils contiennent. D’une manière générale, le dessin de ces meubles reste sobre, sans surexpressivité. Ils sont conçus suite à un travail de collaboration avec les équipes des différents métiers pour bien comprendre les spécificités de chaque produit, ainsi qu’avec les équipes de vente et de distribution.

Vue du nouveau mobilier qui prend place devant le nouvel escalier. (Photo: Timothée Chambovet)

Vue du nouveau mobilier qui prend place devant le nouvel escalier. (Photo: Timothée Chambovet)

Hermès est implanté depuis 2005 au 13 rue Philippe II, à Luxembourg. Quels sont les éléments qui sont repris dans le nouvel aménagement, et ceux qui changent?

«C’est simple, nous avons tout changé! Mais c’est souvent le cas dans les magasins rénovés. Il faut créer un nouveau visage, offrir un espace différent et surprenant. Auparavant, l’escalier n’était pas visible et n’invitait pas les clients à aller découvrir l’étage. Nous avons donc totalement changé cet élément, en le déplaçant, en le mettant en valeur par un jeu de transparence avec les éléments qui sont positionnés devant lui. Nous avons essayé de pousser les murs et le plafond pour rendre cet espace plus généreux et lumineux. Une nouvelle fenêtre a été créée dans la continuité de la descente d’escalier, ce qui apporte plus de lumière naturelle et une nouvelle échappée vers la ville. À l’étage, on s’est réapproprié les fenêtres pour apporter plus de lumière naturelle, qui est essentielle pour nous.

La matière occupe une place centrale pour Hermès, mais aussi dans votre travail. Quel rôle joue-t-elle ici, et quelles sont les matières prédominantes?

«L’espace du magasin n’est pas très grand, mais la palette mise en œuvre est dense. Nous avons utilisé du bois de merisier, de la pierre naturelle, du cuir, des enduits naturels pour les murs, le grès pour le sol… À l’étage, nous avons aussi créé du mobilier recouvert de laque teintée qui entre en continuité avec le tapis tissé dans un dégradé de bleu et ocre rosé. La conception de ce magasin a été un peu particulière par rapport aux autres, car, habituellement, nous nous rendons sur place pour comprendre les lieux, nous imprégner de l’ambiance de la ville. Or, pour le magasin à Luxembourg, cette période de recherche est tombée pendant la période de confinement. Donc, impossible pour nous de venir au Luxembourg. Nous avons par conséquent travaillé à partir de documents, de photographies, de la ville et de ses environs. C’est comme cela que nous avons découvert les aquarelles que William Turner a réalisées lors de son séjour au Luxembourg. Elles nous ont guidés pour déterminer la palette chromatique. Nous nous sommes aussi appuyés sur la tonalité des façades en ville, la palette d’ocres qui est mise en œuvre.

Fidéliser la clientèle, créer des signes d’appartenance à une communauté, sont des éléments importants pour les commerces aujourd’hui. Comment cela se traduit-il dans cet aménagement intérieur?

«Il s’agit avant tout d’un attachement à la Maison Hermès, aux objets qu’elle propose. Mais nous essayons toujours de construire des espaces qui ont une échelle juste, qui sont correctement dimensionnés pour créer un sentiment d’espace chaleureux et accueillant, en portant un soin particulier aux détails. Nous poursuivons les valeurs de la Maison dans les espaces de vente. Le nouvel aménagement apporte un souffle nouveau, avec plus de lumière et un espace que nous espérons plus agréable, mais qui reste profondément ancré dans son territoire.

Une des caractéristiques d’Hermès est de créer des signes d’élégance qui ne sont pas ostentatoires. Comment cela se manifeste-t-il dans l’architecture intérieure du magasin?

«Nous utilisons des matériaux qualitatifs, travaillons avec des artisans qui apportent un réel savoir-faire. Les aménagements sont réalisés avec les meilleures qualités de tissu, de bois, de cuir. Tout est pensé dans la retenue et l’élégance. La palette de couleurs s’inscrit délicatement dans le contexte urbain.

Le monde équestre est une des grandes références de la Maison. La retrouve-t-on ici aussi?

«Ce métier, qui réunit les savoir-faire d’origine de la Maison, est très valorisé au sein du magasin, car les objets sont ici présentés littéralement au cœur de celui-ci, sur le seul grand mur qui est disposé au centre de l’espace. Et il y a bien évidemment la présence du cuir, que l’on retrouve sur les fauteuils, mais aussi sur le gainage des plateaux des tables.

Dernièrement, et encore plus depuis la pandémie, les habitudes d’achat évoluent vers le digital. Est-ce que le digital est aussi présent dans l’espace du magasin?

«Nous nous sommes effectivement posé la question de la présence du digital au sein du magasin, et nous sommes arrivés à la conclusion que le digital doit être là avant tout pour être au service des clients et augmenter l’efficacité des équipes de vente. Il ne doit pas être un dispositif à magnifier. Lorsqu’on est en magasin, c’est le contact avec le conseiller qui prime, le plaisir de l’échange et de la discussion avec le client.»