Si le Parlement et la Commission plaident pour une harmonisation fiscale face aux géants du web, le Luxembourg souhaite «le maintien d’un ‘level playing field’ dans le respect de la compétitivité globale de l’Union européenne». (Photo: Licence C.C.)

Si le Parlement et la Commission plaident pour une harmonisation fiscale face aux géants du web, le Luxembourg souhaite «le maintien d’un ‘level playing field’ dans le respect de la compétitivité globale de l’Union européenne». (Photo: Licence C.C.)

Si l’idée de standardiser au niveau européen le calcul de l’assiette de l’impôt sur les sociétés et la manière de consolider les profits – ou les pertes – des filiales de multinationales n’est pas nouvelle, elle pourrait prendre un nouveau souffle mercredi. À cette date, les membres de la commission des affaires économiques et monétaires devraient adopter le rapport de l’eurodéputé Alain Lamassoure (Parti populaire européen) destiné à adapter la fiscalité des entreprises sur les questions numériques. Objectif: lutter contre l’évasion fiscale basée sur les différences entre États membres.

Se basant sur le projet présenté à l’automne 2016 par la Commission à la suite des révélations «LuxLeaks» ou «Panama Papers» qui dévoilaient l’ampleur des pratiques de certaines multinationales pour limiter le montant des impôts dus aux États sur lesquels elles sont implantées, le rapport Lamassoure propose d’introduire une nouvelle donne.

Qualifier «la présence numérique» des multinationales

Alors que les deux textes défendus par Pierre Moscovici, commissaire aux Affaires économiques et financières, fiscalité et douanes, – l’un sur l’assiette, l’autre sur la consolidation des profits – souhaitaient s’appliquer de manière obligatoire à l’ensemble des groupes de plus de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires consolidé, le rapport de l’ancien président de la commission d’enquête spéciale Taxe, puis Tax2, plaide pour que ce contrôle s’applique à toutes les entreprises. Quelle que soit leur taille.

Et il défend surtout l’idée de prendre en compte la numérisation des activités. Aux trois critères définis par la Commission pour définir le cadre d’une juste répartition entre filiales – chiffre d’affaires de la filiale, ses immobilisations et sa main-d’œuvre –, le rapport du Parlement ajoute celui de la collecte et de l’exploitation des données personnelles. Un dernier point qui permet de qualifier la «présence numérique» d’un groupe dans un pays pour éviter la situation dans laquelle une multinationale paie des taxes sans commune mesure avec les profits générés. Comme c’est le cas actuellement.

Réticence luxembourgeoise

L’introduction de ce nouveau critère se heurte toutefois à quelques écueils, comme le risque de double imposition ou le cas de figure d’une entreprise qui enregistrerait des pertes dans un État membre. Selon Le Monde, Bruxelles pourrait contourner ces difficultés de deux manières. D’une part en proposant une taxe limitée aux seuls revenus publicitaires générés par Google, Apple, Facebook et Amazon et basés sur l’exploitation des données personnelles des utilisateurs. D’autre part en amendant sa proposition Accis de 2016 pour y introduire la notion de «présence permanente virtuelle» proposée par Alain Lamassoure. La proposition doit être présentée le 21 mars prochain.

De son côté, le Luxembourg s’est toujours montré réticent à l’introduction d’un alignement des taux d’imposition des entreprises, afin de préserver la compétitivité du pays. En octobre dernier, lors de la visite de Pierre Moscovici au Grand-Duché, Xavier Bettel avait réitéré cette position officielle, à savoir «le maintien d’un ‘level playing field’ dans le respect de la compétitivité globale de l’Union européenne».

Ne pas être moins concurrentiel que les autres.

Xavier Bettel, Premier ministre

Dans une réponse parlementaire adressée à Laurent Mosar (CSV), il précisait également que «la question d’une éventuelle harmonisation des assiettes fiscales des entreprises, voire d’un alignement des taux d’imposition entre États membres, revêt une dimension additionnelle» par rapport au «paquet de mesures touchant les entreprises qui a d’ores et déjà permis d’aboutir à une certaine convergence».

En clair, la volonté luxembourgeoise «de ne pas être moins concurrentiel que les autres» dans «un contexte international et pas qu’européen», comme il l’indiquait auprès de Paperjam en septembre 2017, en référence à la compétition que subit la Place face «à Singapour, à Hong Kong, à Zurich, à Londres, à Dubaï».