Dr. Aida Nazarikhorram: «Je vois de nombreuses possibilités pour développer différents types de robots et d’applications pour des publics aux besoins différents.» (Photo: Patricia Pitsch / Maison Moderne)

Dr. Aida Nazarikhorram: «Je vois de nombreuses possibilités pour développer différents types de robots et d’applications pour des publics aux besoins différents.» (Photo: Patricia Pitsch / Maison Moderne)

Également diplômée de la London Business School, le docteur Aida Nazarikhorram a la volonté de répondre à «de réelles problématiques» dans le but de «changer la vie des gens dans le bon sens».

Votre QTrobot a été très remarqué au CES de Las Vegas début janvier…

Aida Nazarikhorram. – «Nous avions eu beaucoup de visibilité à l’échelle européenne ces derniers mois, mais pas encore à l’échelle mondiale. Et ce CES à Las Vegas a été une incroyable opportunité pour acquérir cette visibilité à plus grande échelle.

Nous y avons remporté l’Innovation Award dans la catégorie «Tech for a Better World». Ce qui a braqué les projecteurs sur notre QTrobot. Beaucoup de gens s’intéressent à présent à notre technologie, mais aussi aux idées qui se cachent derrière.

Comment est né le QTRobot?

«Avec le cofondateur de LuxAI qui est également mon mari, nous réfléchissions depuis longtemps à la manière d’intégrer l’IA robotique dans le système de la santé. Nous avons beaucoup réfléchi sur le type de produit, rencontré des professionnels de la santé, de là nous est venue l’idée d’un robot pour les enfants autistes.

Premièrement, dans l’optique de créer un produit à grande valeur ajoutée pour ces enfants en termes de santé. Et deuxièmement, très peu d’outils de ce genre sont disponibles actuellement sur le marché.

Pourquoi l’autisme?

«Il y a deux à trois décennies, la maladie ne concernait qu’un enfant sur 1.000, mais maintenant cela concerne un enfant sur 59.

De plus, il s’agit de troubles chroniques et donc d’un véritable défi à relever au quotidien, c’est pourquoi ces enfants doivent être encadrés et soutenus par des exercices spécifiques depuis leur plus jeune âge. S’ils ne reçoivent pas cet encadrement, les enfants autistes auront beaucoup de mal à intégrer un jour la société et avoir une vie «facile».

Avec LuxAI, l’idée est de rendre ces contenus et entraînements éducatifs accessibles pour que les enfants puissent développer tout leur potentiel et toutes leurs capacités mentales, pour bien grandir et trouver leur place.

Pour vous, que signifie faire du business?

«Pour moi, faire du business signifie apporter quelque chose afin de résoudre un problème. Avoir juste un produit commercial et faire de l’argent, ce n’est pas vraiment très attrayant. Je veux faire la différence en répondant à des problématiques et changer la vie des gens dans le bon sens.

Il y a quelques années, vous êtes venue en aide aux personnes diabétiques en Iran…

«Depuis que je suis jeune, j’ai toujours aimé aider les autres. Et je n’avais que 25 ans lorsque j’ai commencé à travailler en tant que clinicienne.

Dans la région où j’exerçais, j’ai constaté que de nombreuses personnes souffraient de maladies chroniques, comme le diabète. C’est comme ça que j’ai créé l’ONG Kish Diabetes en Iran. Nous offrons des consultations médicales et un suivi aux patients. Nous gérons également un fonds afin de fournir des médicaments spécialement pour les enfants. Car les traitements et diagnostics pour les enfants diabétiques sont très coûteux pour les familles.

Grâce à ce fonds, nous faisons en sorte que ces enfants bénéficient de soins complets.

L’ONG existe toujours?

«Oui. l’ONG fonctionne toujours grâce à une équipe médicale. Pour ma part, j’ai travaillé sur ce projet durant trois ans jusqu’à mon arrivée au Luxembourg en 2014.

Être impliquée dans ce que je fais en dehors de la question du genre.

Dr. Aida Nazarikhorram, cofondatrice de LuxAI

De quel nouveau produit rêvez-vous?

Les opportunités de développement dans le domaine de la santé sont très importantes, y compris pour notre robot. Je pense que notre produit ne pourrait pas uniquement être bénéfique pour les enfants autistes, mais il peut l’être aussi pour tous les autres enfants dans leur développement et leur apprentissage.

En cas d’hospitalisation sur le long terme par exemple, le robot peut délivrer des contenus scolaires et stimuler des interactions sociales. Dans le même temps, de nombreuses personnes âgées vivent seules et peuvent souffrir de problèmes de santé tels que des troubles cognitifs ou physiques, et elles peuvent avoir besoin d’exercices et de stimulation. Notre robot pourrait les soutenir en tant que compagnon et en tant que coach dans leur processus de rééducation.

Je vois donc dans l’avenir de nombreuses possibilités pour développer différents types de robots et d’applications pour des publics aux besoins différents.

Comment gérez-vous votre entreprise?

«Je crois qu’un bon management commence par une bonne embauche! Nous avons beaucoup de chance chez LuxAI dans le sens où les gens qui travaillent avec nous sont fortement passionnés par ce qu’ils font. Ils sont tellement «auto-motivés» qu’en fait, ils n’ont pas besoin de notre management tous les jours. Une partie de notre équipe est «self-managed» (ndlr, auto-managée). Notre rôle principal en tant que fondateurs est de nous assurer que nous tous travaillons pour un objectif commun. Nous devons nous assurer que notre développement soit axé sur un produit qui a du sens et qui peut apporter une véritable valeur ajoutée à nos clients.

Il faut savoir être patient, continuer à travailler sans relâche. La réussite viendra.

Dr. Aida Nazarikhorram, cofondatrice de LuxAI

C’est aussi notre rôle de nous assurer que tous les membres de notre équipe soient en phase avec ces objectifs et pleinement motivés pour les atteindre à travers leurs tâches au quotidien.

Dans votre pays d’origine, l’Iran, les femmes qui créent leur entreprise sont-elles nombreuses?

«En Iran, je dirais que les femmes de ma génération sont extrêmement compétitives. Elles travaillent dur, elles sont passionnées par la construction de leur carrière professionnelle. Elles ne sont pas vraiment comme les femmes traditionnelles. La plupart d’entre elles sont très éduquées.

De plus en plus de femmes accèdent à des positions de leaders, en particulier dans le domaine médical.

Avancer étape par étape.

Dr. Aida Nazarikhorram, cofondatrice de LuxAI

Que signifie pour vous être une femme?

«Personnellement, je me dis, ok, je dois travailler dur, être impliquée dans ce que je fais et cela, en dehors de la question du genre. Je pense que la question est de savoir quelle est la passion pour notre job, ce que nous sommes prêts à fournir comme travail et efforts.

Néanmoins, je pense tout de même que l’approche féminine peut avoir beaucoup d’impact sur l’équipe, que ce soit pour la cohésion du groupe, la résolution de problèmes, le test de produit… Des études montrent que la présence d’une fondatrice à bord augmente les chances de croissance d’une jeune entreprise et que les entreprises à croissance très rapide ont 75% plus de chances d’avoir en leur sein une fondatrice.»

Par quel concept êtes-vous convaincue?

«Il faut savoir être patient, continuer à travailler sans relâche. Même si ça peut prendre du temps, la réussite viendra.

Travailler dur parfois ne suffit pas, c’est vrai, il faut penser aussi à planifier nos projets, avancer étape par étape.

Nous travaillons actuellement sur une version du robot qui sera accessible aux parents et pourra être utilisée à la maison.

Dr. Aida Nazarikhorram, cofondatrice de LuxAI

Avez-vous eu un mentor?

«Oui. Dans notre équipe, nous avions des personnes douées en robotique, IA, IT… Moi, je disposais du bagage médical et en matière de communication. Mais il y a avait d’autres choses qu’on ne maîtrisait pas. Et nous avons eu la chance de pouvoir bénéficier de mentors.

Quand nous avons commencé à travailler sur notre société à l’Université du Luxembourg, nous avons également pu bénéficier du proof of concept. Le Fonds national de la recherche nous a permis de concrétiser nos idées et de travailler sur la commercialisation de notre produit. Au Luxembourg, je dois dire qu’il y a de grandes opportunités pour les entrepreneurs qui se lancent, que ce soit en matière de conseils, de possibilité de bénéficier de mentors… De plus, le ministère de l’Économie et Luxinnovation soutiennent énormément les start-up.

Quelles sont les prochaines étapes pour LuxAI?

«Nous finalisons actuellement la production et dans deux mois, la production du QTrobot sera prête pour le marché mondial. Notre produit sera disponible pour les enfants et professionnels du monde entier.

Nous sommes pour cela en discussion avec des distributeurs en Europe, en Amérique du Nord et en Asie, pour voir comment adapter les contenus de notre robot, de manière à être en concordance avec la société, les langues, les cultures du pays.

Le QTrobot sera-t-il un jour accessible à toutes les bourses?

«Le modèle actuel est principalement destiné aux centres et professionnels du monde médical pour le travail au quotidien avec les enfants. Le prix du QTrobot est donc comparable à ceux appliqués dans le cadre de ces thérapies.

Nous travaillons actuellement sur une version du robot qui sera accessible aux parents et pourra être utilisée à la maison.»

Le Dr. Aida Nazarikhorram en trois dates:

2011– Diplômée de la faculté de Médecine en Iran

2014 – Arrivée au Luxembourg

2016 – Fondation de LuxAI

Retrouvez l’intégralité de la série #FemaleLeadership