Optimiste pour le pays, Xavier Bettel continue à prôner sa modernisation et assume les mesures moins populaires. (Photo: Marion Dessard)

Optimiste pour le pays, Xavier Bettel continue à prôner sa modernisation et assume les mesures moins populaires. (Photo: Marion Dessard)

Monsieur le Premier ministre, le CSV a d’ores et déjà dévoilé son calendrier pour les législatives de 2018. Quel sera le vôtre?

«Je viens d’un parti qui s’appelle démocratique. Je ne vais donc pas vous dire que ce sera Bettel un point c’est tout… En tout cas, je suis prêt à défendre nos couleurs et notre bilan.

Considérez-vous que vous avez désormais un compétiteur en la personne de Claude Wiseler?

«J’aurai un compétiteur quand il aura des arguments, quand il dévoilera la vision qu’il a du pays. Aujourd’hui, je sais que le CSV a fait son casting et que Claude Wiseler est arrivé en tête. J’aimerais donc qu’on débatte des arguments, car pour le moment, ce n’est que de la critique, des coups. Or, les Luxembourgeois attendent un projet. Les Luxembourgeois se posent des questions sur l’avenir et ce qu’on demande aux politiques.

Les gouvernements belges et luxembourgeois se sont rencontrés récemment pour annoncer – entre autres – la mise en place d’une liaison ferroviaire vers Bruxelles en 2h07 pour 2023…

«On aimerait que ce soit plus tôt. Mais le tronçon le plus petit entre Bruxelles et Luxembourg se trouve sur le sol luxembourgeois! Ce n’est donc pas à nous d’imposer un timing, mais tout ce qui pourra être fait avant 2023 nous réjouira. Deux heures, ce sera déjà bien mieux que la situation actuelle qui s’établit à plus de trois heures. Aujourd’hui, les trois capitales européennes – Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg – sont plus facilement accessibles en passant par Paris qu’en passant directement par Luxembourg. Je l’ai dit il y a quelques années, tout le monde a ri. Aujourd’hui, c’est devenu réalité.

J’ai beaucoup de mal à accepter les critiques de l’opposition qui assure qu’il faut programmer la question de la mobilité.

Xavier Bettel, Premier ministre

Cette liaison doit aussi servir à mettre en place un P+R à Stockem et une tarification unique pour les frontaliers. Est-ce que les réticences belges ont enfin fini par sauter?

«Tout ce que nous avons annoncé lors de la dernière rencontre Gäichel l’a été par accord. Nous avions annoncé que nous allions mettre en place un abonnement transfrontalier qui serait différent. On l’a fait. Le P+R avance aussi. Mais tout cela n’est pas sur notre territoire. J’ai d’ailleurs beaucoup de mal à accepter les critiques de l’opposition qui assure qu’il faut programmer la question de la mobilité, etc. Mais si la situation actuelle se présente, à savoir que le pays est un bouchon permanent, c’est parce qu’on n’a pas planifié auparavant. Je conseillerais donc au parti chrétien social d’être beaucoup plus discret, surtout avec leur nouvelle tête de liste qui a été en charge des travaux publics pendant de nombreuses années. Car quand on parle de vision, ce sujet est l’un des plus grands fiascos de leur politique. On connaissait les chiffres, Jean-Claude Juncker les avait annoncés il y a 10 ans. C’est un manque de courage politique.

On ne peut pas dire que j’ai eu peur du mécontentement.

Xavier Bettel, Premier ministre

Est-ce plus facile de faire passer ces messages de mécontentement quand on est dans l’opposition que maintenant que vous êtes au pouvoir?

«En tant que Premier ministre, on ne peut pas dire que j’ai eu peur du mécontentement. J’ai pris des mesures qui n’étaient pas populaires, mais nécessaires. Si je veux que ce pays ait un avenir et un développement harmonieux sans avoir recours à du bricolage lié à une absence de préparation, je dois le faire maintenant. Nous aurions été dans une meilleure situation actuellement si cette préparation avait également été réalisée il y a 10 ans.

J’aimerais que les gens me jugent à partir de mi-mandat sur les résultats. Et c’est maintenant.

Xavier Bettel, Premier ministre

Vous venez de faire référence au bilan du CSV, mais quelle est votre analyse à un peu plus de la moitié de votre mandat quant à la modernisation du pays que vous aviez annoncée à votre arrivée au ministère d’État?

«Cette modernisation est permanente. Nous avons commencé par avoir une situation financière qui n’était pas saine. On a donc dû mettre en place des mesures qui n’étaient pas populaires, mais nécessaires. Résultat: le budget n’a jamais été aussi fort en investissements, car nous investissions dans le futur de ce pays. Nous sommes dans une situation où nous avons besoin de renforcer la consommation, c’est la raison pour laquelle nous faisons une réforme fiscale. On a besoin d’un pays qui avance, qui possède les infrastructures nécessaires et d’un pays qui sait se remettre en question. Quand on a supprimé le secret bancaire, tout le monde a dit que c’était la fin du Luxembourg. Regardez les chiffres des banques… 

Idem quand je regarde ceux du chômage aujourd’hui et ceux quand je suis arrivé. À cette époque, j’avais des scores à plus de 80% d’opinions favorables. Et j’ai énormément perdu, ce que j’avais prédit en congrès du DP. Mais j’avais dit aussi que j’aimerais que les gens me jugent à partir de mi-mandat sur les résultats. Et c’est maintenant. Car nous ne devons pas avoir honte de ce qui a été accompli, au contraire, nous pouvons être fiers. On a une bonne équipe, qui est soudée, qui a une empreinte sociale, qui est libérale, qui est écologique et qui démontre que tout cela n’est pas incompatible.

L’ADR et le CSV ont successivement refusé de présenter une candidate pour le poste laissé vacant au Conseil d’État, poste pour lequel le gouvernement a finalement choisi Isabelle Schlesser. Comment interprétez-vous la décision des deux partis?

«Je tiens tout d’abord à préciser que j’ai proposé le siège vacant à l’ADR par anticipation de la réforme du Conseil d’État qui prévoit que toutes les sensibilités à la Chambre soient représentées. Comme il est prévu une juste représentation des genres au sein de l’institution, j’ai donc demandé à l’ADR qu’ils proposent une candidate. Ce qu’ils ont décliné. Le CSV a fait de même, en demandant une rencontre sur le sujet avec les autres partis. Or je m’étais déjà entretenu avec tous les partis. Je regrette l’attitude de l’ADR, encore plus celle du CSV qui a voulu faire de la politique autour d’une institution sérieuse qu’est le Conseil d’État. Le choix porté sur Madame Schlesser démontre par ailleurs que la compétence et l’engagement personnels sont deux critères déterminants.

La maison pour les start-up se déploiera sur 5.000 m2, rue Glesener.

Xavier Bettel, Premier ministre

Qu’en est-il du projet de Luxembourg House of Fintech?

«Le projet d’une maison pour les start-up en général se déploiera sur 5.000 m2 dans l’ancien commissariat de la rue Glesener, en collaboration avec la Ville de Luxembourg. Nous voulons que le Lhoft fasse partie intégrante de ce projet et que ce soit une plateforme pour les fintech avec un focus sur la connaissance. Il est important que les prochaines générations soient prêtes, soient formées aux nouvelles techniques. Pour cela, il nous faut des lieux d’échanges comme le Lhoft.

Quid de la réforme du Service information et presse du gouvernement?

«Le Sip a maintenant un nouveau directeur et le service va progressivement changer avec une évolution de sa mission. Il aura davantage un rôle de centralisation et de distribution de l’information, dans la logique du projet sur l’administration transparente qui prévoit de publier d’office les informations – non sensibles – dont dispose le gouvernement. Ce service sera assuré par le Sip. De même qu’un soutien plus appuyé aux ministères en tant qu’agence centrale. 

Je n’ai pas envie de promettre quelque chose qui ne sera pas réalisable.

Xavier Bettel, Premier ministre

Vous aviez aussi annoncé vouloir réformer l’aide à la presse pour tenir compte des «nouveaux médias». Comment avance ce chantier? 

«Je ne partage évidemment pas l’avis qu’en 2016, la définition de la presse ne vaut que pour le papier. Dire cela est méconnaître la réalité. Je ne peux pas encore vous en révéler les détails, mais le nouveau texte est en phase d’élaboration avancée. J’espère pouvoir le présenter aux acteurs de la presse prochainement.

Quel est votre bilan des premières Assises culturelles?

«Je me réjouis de cette première organisation qui a tout de même mobilisé 450 personnes du secteur. Mais surtout je voudrais préciser que ce n’était qu’un point de départ, le début d’un dialogue. Nous avons sondé la population pour savoir ce que les gens pensent de la culture. Il était aussi important d’avoir les avis du secteur. Nous allons poursuivre le chantier, c’est pour cela que Jo Kox s’occupera du suivi des échanges.

L’heure n’est pas encore aux annonces en la matière…

«Je n’ai pas envie de promettre quelque chose qui ne sera pas réalisable. Je sais simplement que le musée en projet consacré à l’expression artistique luxembourgeoise est une priorité. De même que d’autres grands chantiers comme les archives nationales.

Retrouvez la seconde partie de cet entretien dans la newsletter de Paperjam à 16 heures.