Bernardo Fort-Brescia, fondateur principal d’Arquitectonica: «Lorsque vous venez souvent dans une ville, vous y devenez attaché». (Photo: DR)

Bernardo Fort-Brescia, fondateur principal d’Arquitectonica: «Lorsque vous venez souvent dans une ville, vous y devenez attaché». (Photo: DR)

Monsieur Fort-Brescia, après la Banque de Luxembourg, l’îlot mixte de la Porte de l’Europe sera le second projet que vous réalisez à Luxembourg. Est-ce que cela vous fait plaisir?

«Luxembourg est un endroit très important dans ma carrière, car c’est ici que j’ai eu l’occasion de réaliser mon premier projet en Europe. J’y ai beaucoup de très bons souvenirs. Vous savez, lorsque vous venez souvent dans une ville, comme ce fut le cas pour le projet de la Banque de Luxembourg, vous y devenez attaché. Je suis très content de pouvoir réaliser un nouveau projet ici, car c’est une ville importante dans ma vie.

Vous revenez, mais avec un tout autre projet, une autre localisation, une autre stratégie…

«C’est en effet complètement différent, mais tout aussi unique. Je dois reconnaître que j’ai beaucoup de chance, car j’ai l’occasion de travailler sur deux sites exceptionnels en termes de localisation à Luxembourg. La première fois sur une des rues les plus emblématiques de la ville, le boulevard Royal, et maintenant au Kirchberg, et qui plus est à l’entrée du quartier, sur un terrain extrêmement visible et stratégique. Ces deux localisations ont un fort impact visuel sur le visage de la ville. J’ai l’opportunité de concevoir un projet où il est possible de créer une différence. Les architectes aiment aussi avoir un impact sur la société, et avec ce projet de la place de l’Europe, c’est cette chance qui m’est donnée, de pouvoir ajouter de la valeur à un lieu de vie.

Avez-vous remarqué un changement entre Luxembourg d’il y a 15 ans et Luxembourg d’aujourd’hui?

«C’est une ville totalement différente de celle que j’ai découverte il y a 15 ans. Luxembourg est aujourd’hui beaucoup plus vibrante. Lors du projet de la banque, c’était encore une petite ville tranquille. Aujourd’hui, je ressens beaucoup plus le fait qu’on se trouve dans une capitale européenne, avec une énergie spécifique, beaucoup de personnes qui viennent y travailler, et encore plus cosmopolitaine.

Est-ce que cela a eu une influence sur la conception de votre projet?

«Oui, car lorsque vous regardez le projet, il prend en considération le public et le fait qu’il y a du monde. Nous avons fait des analyses pour estimer le nombre de personnes qui travaillent actuellement autour et celles qui y travailleront dans les années à venir et cela représente beaucoup de personnes. Pour faire un projet comme celui-ci, vous avez besoin d’une certaine masse critique de personnes qui le pratiquent, sinon, cela ne peut pas fonctionner. Nous n’aurions pas pu faire ce projet au commencement de l’urbanisation du Kirchberg, par exemple. Je pense que c’est le bon moment de le faire. Si vous pensez à tous ces nouveaux logements qui vont arriver, nous allons pouvoir offrir un nouveau lieu de vie à tous ces gens. On peut aussi compter sur les personnes qui travaillent à la Cour de justice, dans les bâtiments autour, qui fréquentent les hôtels voisins, les spectateurs de la Philharmonie… Il y a différents groupes d’utilisateurs du site que nous pouvons capter. Par ailleurs, je suis très content que le programme comporte aussi du logement, car c’est grâce au logement qu’il est possible de créer une vie de quartier. Les habitants sont là le week-end, pendant la nuit. Ce sont eux aussi qui font le lieu, et qui permettent à ce petit microcosme d’avoir une vie.

Est-ce qu’il y a d’autres éléments qui permettront d’attirer les gens après les horaires de bureau et donc de créer une vie après 18h, ce qui fait cruellement défaut au Kirchberg?

«Dans le programme, il y a des restaurants. Et pendant les mois d’été, la place sera très agréable à utiliser. Ce sera la première place publique ouverte au Kirchberg où il sera possible de profiter de terrasses de la sorte. Mis à part la place d’Armes, ou place Guillaume, vous n’avez pas beaucoup d’autres endroits où profiter de ce type de programme. Nous allons créer un centre urbain au Kirchberg. Et aussi, le fait que nous existons va donner plus de valeur aux équipements autour. Plus de personnes iront à la Philharmonie, utiliseront les hôtels. Il pourra y avoir de nouvelles synergies. Il ne faut pas oublier non plus qu’un arrêt du tram est prévu juste devant la nouvelle place, et que le site est desservi pour un des plus grands parkings de la ville. Les connexions au site sont donc très faciles. Il y aura aussi les liaisons cyclables. Par ailleurs, grâce à la mixité des commerces, il sera possible de créer de l’attractivité. Tout cela va contribuer à attirer et retenir les populations sur le site.

Vous ne vous sentez pas un peu à l’étroit avec tous ces grands bâtiments autour?

«J’aime le fait que le terrain soit compact, que l’échelle ne soit pas trop grande. J’aime l’intimité qui peut se dégager de cet espace. Souvent, les lieux de shopping sont vastes et impersonnels. Pourtant, nous apprécions tous de faire notre shopping dans la rue, car l’échelle est plus petite, plus resserrée et vous pouvez ressentir les différentes ambiances autour de vous. J’aime que ce projet n’ait pas la dimension d’un ‘mega mall’, mais celle d’un lieu intermédiaire de proximité. Je pense que c’est la bonne échelle pour ce quartier, car il y a une urbanité qui va pouvoir s’en dégager.»

Interview issue d’Archiduc.lu.