Annick Elias, partner Deloitte Luxembourg (Photo: Deloitte Luxembourg)

Annick Elias, partner Deloitte Luxembourg (Photo: Deloitte Luxembourg)

Nous avons remarqué que de manière générale, comparé aux métiers de la banque, les sociétés de gestion ont davantage attendu avant de commencer à analyser les impacts de Mifid II sur leur activité. Pourtant ces impacts sont très structurants et pourraient remettre en question les stratégies prises par les sociétés de gestion.

À titre d’exemples:

1. Les provisions de Mifid II sur le bannissement de la rétrocession des frais mettront une pression accrue sur les frais appliqués par les sociétés de gestion

Le bannissement des frais de rétrocession dans le cadre de la gestion sous mandat et du conseil indépendant va nécessiter la création de parts de fonds sans frais de rétrocession (clean share classes) pour les investisseurs privés. La coexistence de parts avec des niveaux de frais différents sur un même fonds pourrait générer une pression accrue sur les frais appliqués par les sociétés de gestion. En effet, les distributeurs vont devoir clairement justifier auprès de leurs investisseurs le choix des parts avec rétrocession.

Ainsi donc, il est important que les gestionnaires anticipent ces questions en avance pour redéfinir leur gamme de fonds de manière optimale ainsi que la stratégie relative de pricing.

2. Redéfinir la stratégie de distribution en fonction du type d’investisseur ciblé

Toujours dû aux nouvelles provisions de Mifid sur le bannissement de la rétrocession des frais, il est fortement possible que les clients privés ne seront plus enclins à payer les services de conseil d’un distributeur et préféreront passer par des plateformes de distribution qui seront moins onéreuses. C’est le phénomène que nous avons pu observer en Angleterre suite à l’implémentation de la «Retail Distribution Review».

Ainsi donc, il serait opportun de revoir le choix des canaux de distribution sur base des nouvelles contraintes imposées par Mifid II, et ce en fonction du type d’investisseur ciblé.

Au-delà des décisions stratégiques devant être prises, les chantiers de mise en conformité seront chronophages.

Mifid II va notamment nécessiter de revoir toute la relation société de gestion – distributeur. Cette revue se matérialisera par une mise à jour des contrats de distribution, mais aussi une analyse des flux d’information devant être mise en place.

Par exemple, la définition des marchés cibles est un sujet sur lequel sociétés de gestion et distributeurs devront rapidement s’accorder. En effet, la relation n:n (une société de gestion distribuant ses fonds à travers un réseau de n distributeurs et inversement un distributeur mettant à disposition de ses investisseurs des fonds de n sociétés de gestion) induit une complexité de réconciliation de ces marchés cibles. Afin d’éviter une surcharge de travail pour gérer cette complexité, les marchés cibles devront être définis d’une manière pragmatique et harmonisée, prenant aussi en compte le gold-plating qui pourrait être appliqué dans certains pays européens. Les groupes de place joueront un rôle clé dans l’identification de ces solutions.

Même si l’entrée en vigueur de la directive vient d’être retardée d'un an, nous recommandons aux sociétés de gestion d’initier aussi vite que possible les discussions avec le réseau de distribution. Cela leur permettra de repositionner leur gamme de produits et leur modèle de distribution, pour ensuite entreprendre les chantiers de mise en conformité.