Gaëlle Haag: «S’assurer que l’on a suffisamment de cash de côté pour parer à des imprévus.» (Photo: Patricia Pitsch / Maison Moderne)

Gaëlle Haag: «S’assurer que l’on a suffisamment de cash de côté pour parer à des imprévus.» (Photo: Patricia Pitsch / Maison Moderne)

Gaëlle Haag, 36 ans, est loin d’être une novice dans la finance. La CEO et cofondatrice de Startalers a géré, entre autres, le réseau commercial européen chez KBL epb durant six ans.

Qu’est-ce qui vous a motivé à changer de vie en 2018?

Gaëlle Haag. – «J’ai trouvé le moyen de faire coexister mon expérience et mes compétences avec une cause qui me tient vraiment à cœur: l’autonomisation des femmes et un monde avec plus d’inclusion, plus de diversité. 

C’est un changement de vie que je ne regrette pas une seconde. J’ai en plus deux petites filles, je veux pouvoir leur laisser un monde meilleur que celui dans lequel elles sont nées.

Quel est le point de départ de Startalers?

«Nous sommes parties d’un constat global sur l’industrie de la gestion privée en banque qui pour moi, n’était plus adaptée à la réalité et aux besoins des consommateurs, et en particulier ceux des femmes. 

Seulement 10% des femmes investissent, c’est deux fois moins que les hommes. Or, elles gagnent moins et vivent en moyenne plus longtemps, donc elles ont un besoin accru de s’occuper de leurs finances à long terme pour maintenir leur niveau de vie.

Seuls 2% du capital-risque aujourd’hui va vers des entreprises qui sont gérées par des femmes.

Gaëlle Haag, CEO de Startalers

Un an plus tard, on y est presque. Nous sommes sur le point de lancer notre premier produit et j’espère que, d’ici la fin de l’année, nous pourrons apporter à nos clients une solution complète.

Comment envisagez-vous d’accompagner les femmes?

«L’idée, c’est de commencer par la partie éducation: accompagner nos utilisatrices dans la compréhension des bases de la finance et surtout la gestion de leur argent, de manière à ce qu’elles puissent prendre les bonnes décisions par elles-mêmes. De reprendre le contrôle de leur avenir financier. Elles peuvent le faire en soutenant des causes dans lesquelles elles croient, investir de manière durable. Et en faisant ça, soutenir d’autres femmes entrepreneuses qui ont du mal à accéder à des financements.

Seuls 2% du capital-risque aujourd’hui va vers des entreprises qui sont gérées par des femmes. Alors que ces entreprises ont en moyenne un rendement supérieur à ceux gérés par des hommes. Donc c’est un bon placement. Ce n’est pas du féminisme, c’est du bon sens, simplement.

De plus, nous souhaitons qu’elles puissent prendre des décisions en connaissance de cause pour éviter de mauvaises surprises en cas de divorce ou de décès du conjoint, par exemple.

Comment en êtes-vous arrivée à ces constats?

«On a découvert, lors de nos rencontres clients, que les femmes ne réfléchissent pas tellement en rendement à court terme, mais plutôt en objectifs de vie: sécuriser leur niveau de vie à la retraite, financer les études de leurs enfants, les aider à démarrer dans la vie ou réaliser un rêve, un voyage ou lancer son entreprise.

Aujourd’hui, une grande partie de la population féminine est active, gagne son argent, investit dans sa résidence principale, mais ne fait pas travailler cet argent en le laissant sur son compte d’épargne. Il y a un manque à gagner énorme.

Depuis un an, vous avez aussi travaillé votre visibilité...

«Effectivement. En un an, on est passé d’une idée à des produits concrets, des tests avec une petite centaine de femmes, des centaines d’interviews pour comprendre les besoins réels de nos potentielles utilisatrices. 

Il y a vraiment un besoin de s’intéresser beaucoup plus à son avenir financier à long terme et de le planifier.

Gaëlle Haag, CEO de Startalers

Nous avons gagné un prix lors du premier Arch Summit. Nous avons aussi été sélectionnés dans le programme d’accompagnement Fit 4 Start, dans lequel nous sommes encore pour le moment. Nous avons également été sélectionnés à Fintech Belgium où nous avons été présenter nos services et solutions à Bruxelles.

Selon vous, pourquoi est-ce difficile d’épargner?

«Il y a plusieurs raisons. Suite à la crise financière, une grande méfiance est apparue à l’égard à tout ce qui est instrument financier. Ensuite, un certain nombre de personnes ont bien du mal à joindre les deux bouts et donc à mettre de côté.

Puis, il y a aussi un phénomène générationnel. Les «millennials», comme on les appelle, ont apparemment tendance à dépenser plus que leurs parents. Une étude révèle que les «millennials» en Europe ont en moyenne moins de 1.000 euros sur leur compte épargne. 

Il y a vraiment un besoin de conscientisation sur le fait que vivre dans l’instant présent c’est bien, mais avec l’état de nos caisses de pension, on n’est pas du tout sûr que cet État providence que nos parents et nos grands-parents ont connu va perdurer et que nous aussi nous serons à l’abri parce que nous avons cotisé tous les mois.

S’assurer que l’on a suffisamment de cash de côté pour parer à des imprévus.

Gaëlle Haag, CEO de Startalers

Il faut s’intéresser beaucoup plus à son avenir financier à long terme et le planifier. C’est là où le temps joue en notre faveur, car le phénomène d’intérêts cumulés joue en particulier sur la durée. Même en mettant de côté un tout petit peu chaque mois, mais en commençant très tôt, l’impact est beaucoup plus important qu’en commençant 10 ans avant la retraite et en mettant un maximum de côté à ce moment-là.

Il y a certainement un manque d’éducation financière au sein de la population en général, et en particulier dans les tranches «millennials» et des générations 30-40 ans, qui ont globalement moins ce réflexe d’épargne que leurs parents.

Qu’est-ce qu’un bon investissement?

«Un investissement diversifié et sur le long terme.

L’argent dont on sait qu’on aura besoin dans les cinq ans doit rester le plus liquide possible. Ce n’est pas cet argent qu’il faut investir, mais plutôt l’argent dont on sait qu’on met de côté pour atteindre un objectif à plus de dix ans.

La clé, c’est de répartir son risque à travers différents secteurs, différentes géographies, différentes entreprises et à travers différents fournisseurs également.

Pour éviter les angoisses…

«L’investisseur n’est pas rationnel. Il y a énormément d’émotions, on parle d’argent avec lequel nous avons une relation très conflictuelle. Et le fait de regarder tous les jours, les marchés à court terme étant très volatiles, crée énormément d’angoisses, et cela peut amener l’investisseur à des décisions qui ne sont pas du tout optimales.

Quels conseils donneriez-vous?

«S’assurer que l’on a suffisamment de cash de côté pour parer à des imprévus, soit entre trois et six mois de salaire net de côté.

Et puis, se concentrer sur ses objectifs: qu’est-ce que je vais faire de cet argent? Quels sont mes rêves, mes projets? De quel montant ai-je besoin pour financer les études de mes enfants? De quelle sécurité ai-je besoin? Et de mettre ça sur papier. 

On passe tellement de temps à travailler. Autant que ce soit dans quelque chose qui nous passionne.

Gaëlle Haag, CEO de Startalers

Quelles expériences tirez-vous de la création de votre entreprise?

«Pour le moment, nous sommes encore petits. Quand on commence dans une start-up, l’enjeu, je pense, est de trouver les bonnes personnes. Les choix que l’on fait au début sont encore plus critiques que dans une grande entreprise où finalement, si on se trompe, les dommages collatéraux sont moins conséquents.

D’un autre côté, c’est aussi une grande aventure humaine, et moi ça me fascine. On passe tellement de temps à travailler. Autant que ce soit dans quelque chose qui nous passionne.

J’avais besoin aussi de liberté, de plus de créativité, de pouvoir être dans un environnement innovant, être propriétaire et décisionnaire sur mon agenda, mes priorités. Pour le meilleur et pour le pire. 

J’implique beaucoup mes enfants dans l’aventure.

Gaëlle Haag, CEO de Startalers

Quelle est votre entreprise idéale?

«Une entreprise qui, au-delà de sa création de richesse, œuvre pour le bien commun et qui soit représentative de l’écosystème et du monde dans lequel elle vit.

Une entreprise avec une vraie diversité d’âge, de personnes, de cultures et qui fonctionne en harmonie. Une entreprise où chacun se sent à sa place et a envie de contribuer à une cause qui dépasse sa propre personne.

Vous impliquez vos enfants aussi dans votre aventure d’entrepreneuse…

«Il est vrai aussi que j’implique beaucoup mes enfants dans l’aventure Startalers. Mes filles m’ont aidé pour trouver le nom de la société, on a ‘brainstormé’ ensemble. L’ainée m’avait dessiné un logo et on l’a gardé comme souvenir, en adoptant quelque peu les couleurs.

Je répète mes discours à la maison, mes filles jouant les spectatrices. Elles sont de bons conseils je dois dire… [rires]

Plus sérieusement, c’est l’occasion pour moi de les conscientiser sur la gestion de leur argent de poche. Qu’elles sachent également que j’essaye, par mon engagement professionnel, de contribuer à plus de diversité.»

Gaëlle Haag en trois dates-clés:

2005 – Consultante chez McKinsey

2012 – Responsable Stratégie chez KBL – gestion de tout le réseau commercial européen

2018 – Lancement de la société Startalers

Retrouvez l’intégralité de la série #FemaleLeadership.