Si les fintech orientent et imposent le rythme de l’innovation dans l’ensemble du secteur bancaire, «elles n’ont pas encore réellement bousculé le paysage concurrentiel», selon le Forum économique mondial. (Photo: Licence CC)

Si les fintech orientent et imposent le rythme de l’innovation dans l’ensemble du secteur bancaire, «elles n’ont pas encore réellement bousculé le paysage concurrentiel», selon le Forum économique mondial. (Photo: Licence CC)

C’était une certitude qui, jusqu’à maintenant, ne faisait douter personne: les fintech vont reléguer les banques classiques au rang d’entreprises inutiles, comme internet a rendu en France les services du minitel obsolètes.

Incapables de s’adapter suffisamment rapidement à un marché en constante mutation, les éléphants de l’industrie bancaire devraient donc avoir une peur bleue des petites souris agiles que sont les start-up et qui essaiment dans le monde entier en proposant des solutions toujours plus simplifiées.

Mais il ne faut jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, rappelle le Forum économique mondial (FEM). Dans une étude publiée fin août, l’institution note en effet que les banques n’ont pas dit leur dernier mot.

Trop jeunes pour marcher toutes seules

Le document suggère que si les fintech orientent et imposent le rythme de l’innovation dans l’ensemble du secteur bancaire, «elles n’ont pas encore réellement bousculé le paysage concurrentiel».

Ces conclusions ne sont pas tirées d’un chapeau, insiste le FEM, mais constituent le point culminant de trois phases de recherche sur l’impact des fintech, débutées en décembre 2014.

La dernière d’entre elles s’est étendue sur 10 mois et se base sur l’avis de plus de 150 experts, à la fois issus de l’industrie financière et de start-up.

Les fintech ont surestimé la capacité des consommateurs à se détacher de leur banque.

Rapport du Forum économique mondial

Deux grandes observations découlent de ce travail. D’un côté, les fintech ont réussi à définir «la direction, la forme et le rythme de l’innovation dans quasiment tous les secteurs des services financiers», et ont permis de relever les attentes des clients.

Mais de l’autre, elles ont surestimé la capacité des consommateurs à se détacher de leur banque, et n’ont pas réussi à créer l’infrastructure nécessaire pour supporter leurs services «disruptifs». Les fintech restent donc encore dépendantes des établissements financiers classiques.

Des scénarios peu probables

Mais ne s’agit-il pas que d’une question de temps pour que les fintech dépassent leurs aînées les banques? C’est en tout cas ce que laisse sous-entendre le Comité de Bâle.

Dans un document soumis à consultation et publié à quelques jours d’intervalle de celui du FEM, le gendarme de la finance développe cinq scénarios possibles sur l’impact des fintech sur l’industrie bancaire dans les années à venir.

Et les propos de ceux qui prédisent que les banques seront bientôt dépassées par des start-up innovantes ou des géants de la technologie comme Amazon, qui a lancé en début d’année sa propre carte de paiement, ne sont pas exagérés. Au contraire, ils se vérifient déjà dans certaines situations, notent les auteurs du rapport.

La croissance des plateformes de paiement a fait que les banques fournissent déjà des services support.

Rapport du Comité de Bâle

Le premier scénario imagine que les banques auront la capacité de retenir leurs clients en se modernisant. Le second prévoit la fin des banques traditionnelles au profit de nouvelles banques, ou néo-banques, qui ne seraient autre que des compagnies du secteur technologique, start-up ou non, qui obtiennent des licences auprès des régulateurs locaux.

Ces deux situations sont toutefois peu probables, d’après le Comité de Bâle.

Dans le troisième, c’est une bonne collaboration entre acteurs traditionnels et nouveaux arrivants qui est retenue. Mais cette projection sous-entend que banques comme fintech n’essaient pas d’empiéter sur les activités des autres, ce qui est difficilement envisageable dans un secteur aussi concurrentiel.

Un avant-goût de l’avenir

Les deux scénarios restants sont par contre plus probables, selon les auteurs du document, qui donnent des exemples pour étayer leur point de vue.

Le premier décrit que les banques se font reléguer au rang de simples prestataires de services financiers, laissant la relation directe avec les clients aux fintech et autres géants de la technologie. Bien que ce scénario semble peu probable en premier lieu, il constitue déjà une réalité dans certains cas, précise-t-on. «La croissance des plateformes de paiement a fait que les banques fournissent déjà des services support en trésorerie ou en conformité», souligne le document. Et de citer comme autre exemple les systèmes de paiement qui passent par les réseaux sociaux, comme WeChat en Chine.

Des éléments de désintermédiation sont déjà visibles.

Rapport du Comité de Bâle

Le second prévoit que les banques classiques deviennent purement et simplement inutiles, «écartées des transactions financières par des plateformes et des technologies plus agiles qui permettent une mise en relation directe entre le consommateur final et ses besoins financiers».

Également «farfelu» au premier abord, ce scénario se vérifie déjà dans certains cas, rappellent les auteurs. «Des éléments de désintermédiation sont déjà visibles», écrivent-ils, comme les cryptomonnaies, qui permettent des transferts de valeur sans participation de banques traditionnelles ou encore des plateformes de prêts entre particuliers.

Le constat d’une industrie financière en pleine mutation est partagé par tout le monde. Mais si le système bancaire est en train de connaître un tournant essentiel de son existence, quelle direction prendra-t-il? Personne ne peut se vanter d’avoir une boule de cristal pour le prédire, mais il est tout de même bon d’y réfléchir dès maintenant. Et ces deux études ont l’intérêt d’ouvrir le débat.