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 (Photo: Charles Caratini)

C ’est une belle histoire de start-up luxembourgeoise qui grandit et se développe avec des ambitions planétaires portées par l’intérêt d’investisseurs internationaux. Par certains aspects, le story-board n’est pas sans rappeler l’aventure Skype. Cependant, si on est bien dans le domaine de la technologie au service du quotidien de millions d’utilisateurs potentiels, le volet luxembourgeois conserve un ancrage stratégique et une prégnance importante, qu’a perdus Skype au fil du temps.

Le «héros» ici, c’est Flashiz, solution de paiement mobile qui a eu le mérite, outre de naître au Grand-Duché en 2011, d’aborder le marché par le côté pratique et de se donner une avance significative, au moment où une flopée d’autres solutions et sociétés du créneau convergeaient (et convergent encore) vers le Luxembourg de la finance et de l’ICT réunis…

Flashiz a, depuis peu, changé d’ère, sans changer de cap. Cela ne ressortait pas franchement du communiqué officiel transmis depuis Paris, un matin d’octobre. On y apprenait, en gros, que Flashiz se trouvait acquise par le groupe irlandais Fexco, avec le partenariat financier du groupe BNP Paribas, via sa branche Personal Finance.

En fait, Flashiz, à la base, était surtout une marque, lancée par la société luxembourgeoise Mobey. Flashiz n’était pas une société, jusqu’il y a très peu de temps. Flashiz International est née début septembre dernier seulement.

Avant d’être rachetée par Fexco et BNP Paribas, Flashiz International a été créée, par les actionnaires et fondateurs historiques, pour asseoir l’ancrage grand-ducal. Le ministère de l’Économie a été tenu au courant de la stratégie, guidée par l’intérêt d’importants investisseurs internationaux, en l’occurrence les Irlandais de Fexco, qui ont été présentés au ministère en bout de négociations. «On a tenu tout le monde informé et on a fait du networking», souligne Alexandre Rochegude, cofondateur originel de Mobey et Flashiz, toujours aux manettes dans la nouvelle configuration. «Fondamentalement, rien n’a changé. Sauf que nous sommes une start-up luxembourgeoise intégrée dans un groupe international qui croit en notre projet et nous soutient dans nos ambitions en donnant de nouveaux moyens de développement.»

Fexco n’était manifestement pas seul sur les rangs. D’autres groupes importants étaient intéressés. «On a pu avoir un certain choix et aller vers un partenariat win-win dans une communion d’idées», résume Alexandre Rochegude. À l’origine, Flashiz cherchait une levée de fonds, proposait une augmentation de capital via le système classique des obligations convertibles. La mise a augmenté jusqu’au rachat complet des parts auprès des actionnaires luxembourgeois. Une première tranche de plus de 2 millions d’euros a été libérée et il est semble-t-il prévu que le total passe progressivement à quelque 5 millions d’euros.

Une belle plante

La portée luxembourgeoise n’a pas disparu, elle s’est légèrement transformée… Flashiz International englobe les sociétés Mobey – le socle historique de la solution, sortie du PwC’s Accelerator – et Fidelity Street, société sœur axée sur le développement commercial international. Alexandre Rochegude et Frédéric Stiernon en avaient été les principaux animateurs. Pour un montant non divulgué (mais que l’on dit confortable pour tout le monde) Flashiz International est donc intégralement rachetée par Fexco et le groupe BNP Paribas, qui prolonge sa logique d’investissement. BGL BNP Paribas était entrée dans le capital de Mobey en 2012, après que la start-up eut trouvé des locaux de départ – toujours d’actualité – dans le Future Lab, la pépinière d’entreprises portée par la BGL, au cœur de la rue Aldringen.

On notera que Mobey a changé. Dans un premier temps, les mandats d’administrateurs ont été renouvelés fin septembre. Puis modifiés de fond en comble le 3 octobre.

Seul Alexandre Rochegude reste. Exit Marc Aguilar (COO de BGL), Paul Helminger (administrateur de HotCity qui opère avec la ville de Luxembourg), Patrick Muller (gérant de Fischer), Daniel Chatelain (fondateur français et directeur du BayPay Forum en Californie), Stéphane Tostain (représentant de BNP Paribas France) et Patrick Austern (CEO suisse de Mobey). Il n’y a guère de remousdu côté des sortants, sans doute au vu de l’importance de la transaction.

Les «entrepreneurs locaux» ont cédé la placeà deux administrateurs irlandais, Gavin O’Neill et Gerard Murphy.

Par ailleurs, Alexandre Rochegude reste CEO et administrateur de la nouvelle société Flashiz International, sous l’égide du groupe Fexco.

Qui est ce repreneur? «Parmi les arguments séduisants, il y a le fait que Fexco demeure un groupe quasi familial, en tout cas d’actionnaires impliqués dans le développement de l’entreprise.Ce ne sont pas juste des financiers», expliqueM. Rochegude. Société de services financiers née en 1981, Fexco emploie quelque1.800 personnes pour l’ensemble de ses activités en Irlande, au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Asie-Pacifique, au Moyen-Orient, en Australie. Elle s’est installée en acteur important des paiements internationaux, des opérations de change, du traitement de transactions, des solutions de services gérés pour les entreprises et l’externalisation.

Ce profil avait tout pour l’amenervers le Luxembourg et sa plateforme bénie pour les développements digitaux etles solutions financières, portée par la vague des paiements mobiles.

«Oui, l’environnement de la plateforme d’affaires luxembourgeoise nous séduit», opine Adrian Mulvihill, qui passe dernièrement beaucoupde temps à Luxembourg, en tant que délégué de Fexco faisant un lien permanent avecla start-up. «C’est un argument de plus, mais ce n’est pas l’argument de départ. Nous croyons dansle paiement mobile comme à une évidence planétaire. Nous devons en être parce que cela fait partie intégrante de notre métier. Et Flashiz est une solution multicanal exceptionnelle. Nous aurions aimé l’inventer, mais eux l’ont faite ici. Alors nous travaillons en partenariat étroit. Le business est à faire, les services sont à développer, le cross-boarder payment pose des challenges fabuleux. Nous voulons, avec Flashiz qui nous apporte un atout technique majeur et à qui nous apportons support financier et expérience, être des leaders sur ces marchés.»

Du marché pilote à la prospection internationale

À vrai dire, on perçoit l’enthousiasme derrière le discours corporate. Et c’est sans doute cette «start-up touch» qui conserve et qui fait avancer.

Concrètement, l’équipe de Flashiz maintient et développe son ancrage, pour la R&D, pour la gestion de la stratégie commerciale et l’administration centrale. «Nous étions une quinzaine à l’été 2012, observe Alexandre Rochegude. Nous sommes près de 30 personnes, avec les quelques postes orientés sur le développement stratégique et commercial à l’étranger, notamment en Espagne et en France. Nous avons un plan de recrutement en cours et serons 20 à 30 de plus dans les mois à venir.»

Déjà, Chris Marcilla est venu récemment renforcer l’équipe luxembourgeoise en tant que managing director. Cet expert des nouvelles technologies et du business developpement a notamment occupé les fonctions de COO chez P&T Consulting et a en particulier SeeZam dans son développement (la société est aujourd’hui en cours d’intégration chez Systemat). «Ici, on voit très vite le potentiel de croissance, dit-il. C’est exponentiel. Partie de rien, la solution a mué en société dont le business model a un avenir colossal. Le paiement mobile, tout le monde y vient ou y viendra. La bonne solution, les commerçants convaincus et le bon retour des utilisateurs comme des opérateurs financiers, c’est assez évident comme environnement favorable!»

Flashiz a misé sur le Luxembourg comme marché pilote. Sans bruit, le système de code à flasher sur son téléphone a conquis des acteurs importants, comme Vinci Park (32 parkings), le réseau Fischer (45.000 personnes en clientèle quotidienne), les cinémas Utopolis… Flashiz Espagne a ferré de gros poissons, comme depuis peu la fédération des restaurants et cafés (pas négligeable dans un pays à gros vecteur touristique!) ou un réseau de librairies. Flashiz France devrait annoncer prochainement des contrats porteurs avec de gros acteurs de la grande distribution et de la restauration. On notera, à ce stade, que l’apport de BNP Paribas n’est pas anodin dans le paysage, puisque, dans les fers de lance du groupe bancaire, il y a par exemple le réseau Cetelem. Fexco, au passage, se dit ravi de porter son marché vers les pays francophones, ainsi que germaniques, au carrefour desquels le Luxembourg apporte une maîtrise culturelle bienvenue…

Mais la plateforme luxembourgeoise et ses nouveaux propriétaires aux moyens étendus voient beaucoup plus loin que l’échelle européenne. «Nous sommes bien présents aux États-Unis depuis six mois, sourit Alexandre Rochegude, devenu missionnaire, globe-trotter et VRP efficace d’un système sur lequel même la Silicon Valley a flashé. L’Australie est «on» désormais. Singapourest sur la carte «et nous signons avec un important pays d’Asie», dévoile le CEOde Flashiz International.

Une marge à conquérir

La prospection aux États-Unis s’intensifie. Une paire d’exemples suffisent à mesurer l’intérêt de ce marché américain qui émerge seulement aux alternatives à la bonne vieille carte de crédit. «Le responsable d’une chaîne de magasins me confiait, raconte M. Rochegude, que pour eux, chaque seconde gagnée en caisse, représente 3 millions de dollars de plus en fin d’année.» Or Flashiz permet de combiner, en un seul acte, le paiement, la carte de fidélité et les coupons de réduction par exemple.

L’autre exemple vient des Starbucks: le réseau a sa propre appli pour smartphone(qui ne fonctionne pas hors du continent américain) grâce à laquelle, aujourd’hui, un café sur 10 est payé. C’est dire la marge à capter…

Avec les nouveaux moyens arrivés pour l’an 3 de Flashiz, 2014 s’annonce comme l’année du déploiement accéléré et de la croissance bilantaire. Les prévisions? Une croissance à deux chiffres évidemment, 2 à 4 nouveaux pays couverts en Europe, au moins un de plus sur l’Asie. Et une ambition ciblée. «On a vu grand dès le départ, mais sans faire de bruit avant d’avoir convaincu sur le terrain, témoigne Alexandre Rochegude. On ne s’arrête paset on veut innover encore. Nous aurons une nouvelle appli bientôt, par exemple. Les marchés sont là,les concurrents continuent d’arriver. À nousde garder l’avance.»

Flashiz veut devenir un acteur global, sur une planète du e-payment encore fragmentée. Les partenaires industriels et financiers ont bien compris la démarche. Le voyage, à bord du vaisseau luxembourgeois, ne fait sans doute que commencer.

Étude

En ligne avec le «smart commerce»

Le «smart (ou smarter) commerce» (commerce intelligent) fait beaucoup s’agiter les sphères de l’ICT et des finances, au travers des nouvelles tendances du shopping digital.

EY a effectué une étude («Smart Commerce – Bank battle for customers at the frontline of digital retail»), après sondage de dirigeants de sociétés actives dans la banque ou les TMT (télécommunications, médias et technologie).

Quatre sondés sur dix voient ce phénomène devenir de masse dans les deux prochaines années. Il ressort aussi, observe Gaël Denis (partner EY Luxembourg), qu’une «vaste majorité des acteurs bancaires craignent de perdre le contrôle de la relation client» s’ils ne s’intègrent pas au smart commerce.

62% veulent se positionner comme «fournisseurs de solutions intégrées», paiement mobile «mais aussi d’autres services liés au processus transactionneld’achat». Ils prévoient le lancement de solutions dans les deux ans.

80% croient en la capacité des banques à supporter des opérations promotionnelles digitales pour le compte des commerçants. Trois challenges seront à relever: «S’adapter à une culture interne souvent conservatrice, sélectionner la meilleure solution disponible sur le marché et travailler en étroite collaboration avec les régulateurs afin que ceux-ci intègrent le smart commerce dans leur approche.»

«Cela nous amène à penser que les craintes des acteurs bancaires sont justifiées, explique Gaël Denis. Mais qu’ils peuvent aussi trouver dans le smart commerce des opportunités pour étendre leurs services jusque dans l’acte d’achat, le ‘couponing’ ou autres programmes promotionnels numériques.»

Aspects juridiques internationaux

Par ailleurs, l’AIJA (Association internationale des jeunes avocats) s’intéressera aux «astuces et pièges à éviter» dans l’e-commerce. Un séminaire (www.aija.org) se tiendra dans le cadre d’un événement organisé par les membres luxembourgeois, les 21 et 22 novembre à l’hôtel Le Royal.

Les questions autour de l’e-shop se concentreront sur la localisation territoriale, les bases légales, fiscales, la gestion, la sécurité…