Étienne Schneider, Pierre Gramegna et Jean Asselborn. Les trois ministres ont tenu une conférence de presse commune en marge de la visite de l’importante délégation luxembourgeoise en France. (Photo: SIP - Charles Caratini)

Étienne Schneider, Pierre Gramegna et Jean Asselborn. Les trois ministres ont tenu une conférence de presse commune en marge de la visite de l’importante délégation luxembourgeoise en France. (Photo: SIP - Charles Caratini)

Les députés de l’opposition avaient critiqué vendredi dernier sur RTL le fait que le ministre des Finances, Pierre Gramegna (DP), aurait préparé l’accord de non double imposition avec la France sans les consulter. Ce lundi, lors d’un «briefing» dans un hôtel luxueux entre les Champs Élysées et la Seine, en marge de la visite d’État en France, Pierre Gramegna assurait devant la presse luxembourgeoise présente qu’il s’agissait d’un accord «très bon pour le Luxembourg, mais aussi très bon pour nos relations avec la France».

Outre «davantage de sécurité juridique», outre une tolérance de 29 jours de travail en dehors du Luxembourg pour les frontaliers de France et outre un traité «modèle» pour les futurs traités de non double imposition, les fonds pourront bénéficier de certains avantages «en toute transparence, en toute légalité et en toute conformité avec Beps».

Le ministre des Finances expliquait en effet que le traité – une fois ratifié par les parlements respectifs – introduirait des taux favorables pour les fonds en ce qui concerne «les redevances, les dividendes et les intérêts».

«Environ la moitié des accords de non double imposition» du Luxembourg avec des pays tiers contiennent des taux favorables pour les fonds, expliquait Pierre Gramegna. «En ce qui concerne la France, ce n’était pas le cas.»

Traité inévitable?

Interrogé au sujet de la conformité avec les règles de l’OCDE, comme les mesures contre le «treaty shopping» et le risque éventuel de faire disparaître certaines activités de fonds, le ministre assurait que «Beps ne concerne que rarement – pour ne pas dire jamais – les fonds», qui seraient soumis à des règles très spécifiques.

Le Luxembourg n’aurait-il pas mieux fait de signer d’abord un accord modèle avec un partenaire moins coriace que la France? Le ministre reconnaissait qu’«on peut toujours discuter de la tactique».

En revanche, le fait d’avoir pu conclure si rapidement un accord de non double imposition avec la France serait selon lui un bon «signal» ou «une bonne nouvelle». Cela prouverait que le Luxembourg est «sérieux» dans la mise en œuvre des nouvelles dispositions de Beps, décidées par le G20 en octobre 2015.

Et d’ajouter: «Je peux le formuler autrement: certaines des dispositions sur lesquelles nous nous sommes mis d’accord avec la France de manière bilatérale, nous devrions de toute façon les mettre en œuvre dans les prochains 18 ou 24 mois par rapport au Beps.»

Télétravail, thème de la campagne électorale

Pierre Gramegna ainsi qu’Étienne Schneider (LSAP), ministre de l’Économie, saluaient en particulier les nouvelles dispositions du traité concernant les frontaliers et le seuil de tolérance de 29 jours quant à l’imposition.

Tandis que cette disposition serait la plus «bénéfique» pour le Luxembourg en comparaison avec la Belgique (24 jours de «tolérance») et l’Allemagne (19 jours), le ministre des Finances soulignait cependant qu’il fallait distinguer cette disposition des discussions concernant le télétravail.

«Ces 29 jours sont conçus de manière générale», expliquait Pierre Gramegna. Les 29 jours de tolérance couvrent en fait les journées pendant lesquelles un frontalier doit travailler à l’étranger. La «problématique du télétravail» concernerait l’imposition d’une personne qui a un contrat de travail avec une entreprise luxembourgeoise, mais qui travaille chez soi.

Étienne Schneider expliquait qu’il «développera» l’idée de partager des recettes fiscales pour promouvoir le télétravail pendant la campagne électorale: «Cela n’a rien à voir avec ce gouvernement.» Pierre Gramegna se montrait néanmoins également favorable et, tout comme le ministre de l’Économie auparavant, il déclarait avoir entamé ces discussions «informelles» avec les régions voisines du Grand-Duché.

Les Gafa s’invitent à la table des discussions

L’imposition des multinationales du numérique, souvent réduites aux «Gafa» (Google, Apple, Facebook et Amazon) étant discutée – sans trop d’avancées pour l’instant – au G20 des ministres des Finances à Buenos Aires ce lundi et mardi, Pierre Gramegna était interrogé par un journaliste sur la position du Luxembourg.

Je ne veux pas que notre pays soit compris comme un pays qui estime que c’est très bien que des entreprises puissent échapper à l’imposition.

Pierre Gramegna, ministre des Finances (DP)

Le gouvernement maintient ses réserves par rapport aux conséquences que pourrait avoir une approche du «cavalier seul», mais soulignait: «Je ne veux pas que notre pays soit compris comme un pays qui estime que c’est très bien que des entreprises puissent échapper à l’imposition.» Et de reconnaître que «nous ne l’avons peut-être pas suffisamment expliqué ainsi».

«Notre position est que nous devons en effet aborder le sujet de l’imposition des sociétés digitales, car elles sont nombreuses à ne payer que très peu ou presque pas d’impôts et cela ne peut durer», résumait le ministre des Finances.

Tandis que la Commission européenne doit selon lui proposer de passer par l’assiette fiscale, le Luxembourg veut analyser la proposition dans le détail, tout comme le rapport intermédiaire de l’OCDE présenté au G20 vendredi dernier, mais selon lequel un consensus ne serait pas en vue.

«Nous savons que la Commission européenne a son opinion et nous entendons beaucoup parler de la France, mais il faut aussi écouter les autres pays», concluait Pierre Gramegna.