Au cours de l’été, plusieurs groupes étrangers ont annoncé des investissements importants dans le développement d’outils industriels au Luxembourg. (Photo: Faymonville)

Au cours de l’été, plusieurs groupes étrangers ont annoncé des investissements importants dans le développement d’outils industriels au Luxembourg. (Photo: Faymonville)

Au cours de l’été, le ministre de l’Économie, Étienne Schneider, a quasiment maintenu en permanence les bras levés vers le ciel en signe de victoire. Coup sur coup, en effet, différentes entreprises, la plupart étrangères, ont annoncé d’importants investissements dans le pays.

Le fabricant grec de yaourts, Fage, construira une nouvelle unité de production, l’américain Avery Dennison étend ses activités ou encore la firme Euro-Composites d’Echternach injectera 61 millions pour agrandir son site. Nouvelle vague porteuse ou heureux hasard? Un peu les deux à la fois, selon l’analyse de René Winkin. Pour le directeur général de la Fedil, la Fédération des industriels luxembourgeois, «autant d’annonces en quelques semaines, c’est sans doute le fait du hasard». Mais il confirme bien qu’on sent que des entreprises commencent à réinvestir en Europe, et donc au Luxembourg aussi.

La raison est, selon lui, liée aux développements technologiques. «L’automatisation fait que le coût relatif de la main-d’œuvre, dans certains types de productions, joue un rôle moins déterminant que précédemment», observe-t-il. Ce n’est pas valable pour tout le monde, évidemment. Les activités grandes consommatrices d’énergies fossiles voient un autre désavantage dans la cherté de l’énergie et dans la politique de quotas de CO2, qui peut constituer un coût conséquent. Mais pour René Winkin, les percées de la digitalisation et la flexibilité qu’elle permet au niveau des lignes de production jouent aussi à nouveau en faveur du Vieux Continent. Avant, pour éviter trop de coupures dans la production, les lignes fonctionnaient sur de longues périodes, produisant le même produit en grande quantité. «Désormais, les progrès de la digitalisation permettent des séries plus courtes et d’offrir du sur-mesure au client», explique‑t-il. «Si elles s’éloignaient trop pour produire, ces sociétés perdraient dès lors cet avantage de la rapidité de réponse aux besoins de leurs clients, qu’il s’agisse des consommateurs ou d’autres industriels.»

Cette légère hausse est aussi à replacer dans le contexte de la politique de diversification de l’économie menée par le gouvernement.

René Winkin, Fedil

Il y a eu certes quelques grandes annonces qui ont connu d’importantes répercussions dans la presse. Mais, au niveau de la Fedil, on pointe aussi les investissements significatifs dans le processus de production réalisés de manière plus discrète par certaines industries du pays. Or, ils sont une réalité, comme on l’explique dans le milieu du corporate banking. La Bil note ainsi avoir «constaté ces derniers mois une légère hausse des demandes de financement». Beaucoup d’entre elles proviennent d’entreprises innovantes. «Elles peuvent bénéficier d’un prêt avec la garantie Innovfin, ce programme du Fonds européen d’investissement auquel nous participons et qui est destiné à les soutenir dans leur développement.» Mais, nous précise encore la banque, «cette légère hausse est aussi à replacer dans le contexte de la politique de diversification de l’économie menée par le gouvernement».

Un recul à relativiser

Malgré un niveau de l’emploi stable aux alentours de 35.000 salariés, le poids de l’industrie manufacturière s’est fortement réduit dans l’économie luxembourgeoise au fil des décennies. Il est actuellement d’environ 10%, contre encore 25% en 1985. La raison la plus évidente à cela est l’émergence, puis la nette domination des services financiers dans la structure économique du pays, en faisant un pays largement dominé par les services. À cela s’ajoute la réduction progressive du secteur sidérurgique. «Il faut aussi tenir compte de la plus grande spécialisation des tâches», note encore M. Winkin. «Des services comme la recherche & développement, la logistique et l’entretien sont largement externalisés et n’interviennent donc plus dans les chiffres de l’industrie.» Par contre, il réfute l’idée d’un certain «désinvestissement industriel» dont aurait pu pâtir le pays. «J’ai vécu peu d’expériences de sociétés qui ont quitté le pays. Certaines ont dû restructurer, d’autres ont vu leurs productions technologiquement dépassées, mais ça, c’est dans la logique des choses.»

Du côté des entreprises qui ont annoncé leur choix du Luxembourg, certaines l’ont justifié. Fanuc, le fabricant japonais de robots industriels, qui a annoncé, fin 2015 déjà, le déplacement d’activités des Pays-Bas vers le Luxembourg, avait commandé auprès de l’institut allemand Fraunhofer une analyse comparative afin de définir le meilleur site d’implantation. Luxembourg, en compétition avec de grands centres comme Stuttgart, Gdansk et Rotterdam, a remporté la mise. Un choix justifié par la situation géographique et le niveau des infrastructures. Pour Retal, producteur ukrainien de bouchons en plastique et préformes pour conditionnements alimentaires, c’est, entre autres, la présence du canadien Husky, un important fabricant d’équipements de moulage par injection, au Luxembourg, qui a fait pencher la balance en faveur du Grand-Duché. Comme quoi, un investissement en attire un autre et rien, donc, ne peut être négligé.

Les grands projets en cours

Fanuc (10 millions EUR)
Le leader international des systèmes d’automatisation industrielle, dont le siège européen est à Echternach, déplacera son centre européen de stockage et de distribution de robots des Pays-Bas vers le Grand-Duché. Un entrepôt logistique de 20.000m2 sera donc établi à Contern, en 2017, dans la zone Eurohub Centre. Le groupe devrait créer entre 50 et 90 emplois pour atteindre près de 300 salariés au Luxembourg. D’autres travaux d’aménagement sont aussi prévus à Echternach.

DuPont (270 millions EUR (estimation))
Le groupe chimique américain installera, sur son site de Contern, une deuxième ligne de production du Tyvek, un matériau plastique à l’apparence de tissu. Le site a été retenu en raison de son savoir-faire. Aucun montant officiel n’a été communiqué, mais l’investissement devrait tourner autour des 300 millions de dollars (270 millions d’euros).

Faymonville (15 millions EUR)
Basée à Lentzweiler depuis 2003, l’entreprise Faymonville développe et produit des semiremorques pour les convois exceptionnels et le transport du float glass. Elle a récemment investi pour la construction d’une nouvelle usine de 10.000m2 orientée vers la production sur mesure de remorques. Le groupe est aussi en train de concentrer son centre logistique au Luxembourg. Il a prévu un plan global d’investissement de 15 millions d’euros sur plusieurs années.

Fage (100 millions EUR)
Le groupe alimentaire hellénique investira massivement dans la création d’une nouvelle unité de production de yaourts. Le groupe l’a annoncé fin juillet et prévoit de l’installer sur un terrain de 15 hectares sur la zone industrielle Wolser à Dudelange. L’unité devrait produire 40.000 tonnes de yaourts pour les marchés européens et créer une centaine d’emplois.

Hydro Aluminium (15 millions EUR)
Le groupe Hydro investit 15 millions d’euros dans son unité de recyclage d’aluminium de Clervaux. Le but est à la fois d’augmenter la production au-delà de 100.000 tonnes par an et de réduire la consommation énergétique. L’unité luxembourgeoise, une des sept du groupe actives dans ce domaine, emploie plus de 50 personnes.

Brasserie de Luxembourg (25 millions EUR)
La Brasserie de Luxembourg Mousel-Diekirch a programmé, en octobre 2015, un investissement de 25 millions d’euros pour la construction d’une nouvelle brasserie sur son site de Diekirch. La filiale du groupe belgo-brésilien AB InBev a ainsi pu rassurer quant au maintien de la production au Grand-Duché. La nouvelle unité sera opérationnelle en 2018.

Avery Dennison (58 millions EUR)
Le producteur américain de rouleaux de papier à étiquettes pour les industries alimentaires et cosmétiques prépare une extension de 12.000m2 sur son site de Rodange. Il veut installer une nouvelle ligne de production, un agrandissement de la capacité de stockage et de la partie expédition. La nouvelle extension, dont l’investissement est estimé à 58 millions d’euros, devrait être opérationnelle en 2018.

Euro-Composites (61 millions EUR)
Installée à Echternach depuis 30 ans, Euro‑Composites continue à croire dans l’intérêt de ce site. Elle a annoncé fin juillet son intention d’injecter 61 millions d’euros pour agrandir son site de production et acquérir des nouveaux équipements de pointe. Spécialisée dans les panneaux en matériaux composites, l’entreprise veut augmenter sa capacité de production. 230 nouveaux emplois devraient venir s’ajouter aux 800 déjà existants.

Retal (non précisé)
Le groupe ukrainien, spécialisé dans la production de bouchons en plastique et de préformes pour bouteilles et films, s’est installé à Foetz en mai dernier. Il y a déployé une unité de production de 4.000m2 qui abrite trois lignes de préformes et deux de fabrication de bouchons. Il veut en faire son outil pour desservir les marchés d’Europe du Nord. 25 personnes y sont employées.