Les locaux d'Amazon à Clausen (Photo: Jessica Theis)

Les locaux d'Amazon à Clausen (Photo: Jessica Theis)

Coup dur pour le géant américain du commerce en ligne Amazon et ses entités au Luxembourg qui se font attaquer en justice devant le Tribunal de commerce par la société Zentralstelle für private Überspielungsrechte (ZPÜ), regroupant les organisations de gestion collective (des musiciens aux écrivains et aux journalistes en passant par les réalisateurs de cinéma) en Allemagne. L’assignation a été engagée parce qu’Amazon ne paie pas les droits à la copie privée depuis 2010. Le système de redevance sur la copie privée en Allemagne s’appuie sur un prélèvement forfaitaire sur les supports pouvant enregistrer des œuvres comme les clés USB ou le CD-R et autres cartes SD, ainsi que sur les appareils permettant l’enregistrement ou le stockage. 

Or, selon la loi allemande, le paiement de la redevance sur la copie privée s’applique à tous les opérateurs qui commercialisent ou fabriquent des biens et services en Allemagne, même s’ils n’y sont pas établis, comme c’est le cas d’Amazon Eu sàrl qui s’est installé au Luxembourg, à la fois en raison de la fiscalité favorable mais aussi précisément en raison de l’absence d’une législation sur la copie privée.

S’il existe bien une loi au Luxembourg sur les droits d’auteurs depuis 2004, les autorités n’ont jamais pris de règlement grand-ducal pour assurer une compensation équitable aux auteurs pour la copie privée.

Rémunération équitable et avocat luxembourgeois

ZPÜ a lancé une assignation en décembre contre plusieurs sociétés luxembourgeoises du groupe américain, pour obliger ce dernier à fournir des informations sur le nombre et le type de supports distribués en Allemagne. En fonction des données fournies, la redevance pourra être calculée, pour être reversée à ZPÜ qui la redistribuera ensuite aux auteurs.

L’avocat Pol Urbany, spécialiste des droits d’auteurs, défend les intérêts de ZPÜ et explique dans une interview exclusive à paperJam, à paraître ce jeudi, les enjeux juridiques et financiers de cette procédure: elle va faire parler d’elle, notamment parce qu'elle défriche une matière extrêmement complexe, même pour les professionnels, celle du droit à une «rémunération équitable» pour la copie privée, qui cohabite parallèlement avec le droit d’auteur. «Amazon EU sàrl et ses autres entités au Luxembourg ont refusé de fournir (les) informations, alors que ZPÜ leur en a fait la demande formelle. C’est en raison du non-respect de ces obligations que la ZPÜ a dû agir en justice», explique l’avocat.

Selon Me Urbany, ZPÜ estime provisoirement son préjudice à un million d’euros. «Mais compte tenu de la part de marché gigantesque des assignés, relève l’avocat, tout porte à croire que les montants sont bien plus importants et pourront s’élever, in fine, à plusieurs millions d’euros soustraits».

En Belgique, Amazon a été récemment condamnée à payer les redevances sur la copie privée. Selon Me Urbany, Amazon demande à ce que la loi luxembourgeoise (inexistante) lui soit applicable et non la loi allemande. «Nous ne sommes pas un pays bananier, une île sur laquelle on peut se localiser pour rire au nez des auteurs d’Europe et du monde», s’insurge Me Urbany tout en se déclarant confiant que le nouveau gouvernement comble le vide juridique sur la copie privée, qui prévaut depuis dix ans au Luxembourg.

L’interview complète est à lire dans l’édition de paperJam de mars.