L’ONG Ada, représentée par Laura Foschi (à gauche), et le LMDF, représenté par Raymond Schadeck (au centre) et Kaspar Wansleben (à droite) ont testé, en 2020 et 2021, le financement de microentreprises liées à internet. Les possibilités d’améliorer l’impact social dans les pays pauvres sont importantes mais restent liées à l’adhésion d’investisseurs engagés pour une finance plus inclusive. (Photo: LMDF)

L’ONG Ada, représentée par Laura Foschi (à gauche), et le LMDF, représenté par Raymond Schadeck (au centre) et Kaspar Wansleben (à droite) ont testé, en 2020 et 2021, le financement de microentreprises liées à internet. Les possibilités d’améliorer l’impact social dans les pays pauvres sont importantes mais restent liées à l’adhésion d’investisseurs engagés pour une finance plus inclusive. (Photo: LMDF)

Le Luxembourg Microfinance & Development Fund propose un nouveau type de microcrédit dédié aux projets inclusifs, durables et connectés. Baptisé Microfinance Plus, ce type de service serait, selon ses concepteurs, l’avenir de ce segment d’activité.

En 2020, la microfinance a représenté 160 milliards de dollars sur les 71.000 milliards générés par la finance globale dans le monde. «Avec 10.000 euros, on change la vie de cinq à six familles pendant trois ans en moyenne», rapporte, à une échelle plus tangible, Raymond Schadeck, le président de Luxembourg Microfinance and Development Fund (LMDF). «C’est la première année que la microfinance intègre le secteur de la finance d’impact dans les rapports. En réalité, cela va au-delà: c’est de la finance circulaire», ajoute , directrice générale d’ADA (Appui au développement autonome), l’organisme de conseil qui identifie les porteurs de projets et murmure à l’oreille des investisseurs.

En 2020, le LMDF disposait d’un portefeuille de 31,7 millions d’euros investis en microfinance, avec une allocation de crédit moyen de 1.338 euros via 51 instituts locaux de microfinance dans 25 pays, dont la moitié en Amérique du Sud. Parmi les projets financés en 2020, 50% agissent dans les services et 23% dans les activités agricoles qui sont les secteurs qui se digitalisent le plus. 66% des bénéficiaires finaux sont des femmes et environ 379.815 projets ont été portés par des microentrepreneurs. En 2020, le fonds a investi un portefeuille de 2,2 millions d’euros sur des projets Microfinance Plus.

Raymond Schadeck a rencontré les dirigeants de la société kényane M-Kopa, qui vend des panneaux solaires portables et connectés.  (Photo: LMDF)

Raymond Schadeck a rencontré les dirigeants de la société kényane M-Kopa, qui vend des panneaux solaires portables et connectés.  (Photo: LMDF)

Du cash au smartphone

Le digital rentre dans l’évolution de la microfinance, et l’apostrophe désormais d’un Plus parce que les bénéficiaires ont sauté une étape: celle des services bancaires classiques. «L’Afrique est le continent où il y a le moins d’inclusion bancaire et le plus de téléphones portables. Certains pays ont déjà saisi l’opportunité de développer une finance inclusive digitale. Au Kenya, par exemple, il n’y a presque plus de cash en circulation car toutes les transactions se font avec un téléphone», constate Laura Foschi. Avec la Chine et les Philippines, le Kenya est un des pionniers du numérique dans le monde, avec un taux de pénétration du mobile de 90%. Il est même l’inventeur de la banque mobile: 73% des adultes kényans ont un compte en ligne, contre seulement 65% pour les Européens. Les 15-24 ans, hyper connectés, représentent 60% des chômeurs en Afrique. Nombre d’entre eux se lancent dans une activité d’autoentreprise pour s’en sortir.


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D’où le financement de projets liés à internet comme celui de la société kényane M-Kopa. Elle propose des panneaux solaires portables et connectés à un compte web, que l’on peut gérer à distance et brancher à n’importe quel objet: télévision, smartphone, lampe. «Pour certaines familles, avoir la lumière le soir, c’est plus de temps pour étudier. La télévision, c’est de l’inspiration qui permet de se sentir comme faisant partie de ce monde», analyse Raymond Schadeck qui se rend régulièrement sur place pour identifier les lieux où la microfinance peut être la plus utile.

Pas de la philanthropie

Il existe environ 4.000 instituts de microfinance dans le monde. En Afrique subsaharienne, dans les pays d’Amérique centrale et du Sud, ainsi qu’en Asie du Sud-Est, ces instituts locaux ont pris la place des organismes financiers classiques qui ont abandonné la partie. «Les microentrepreneurs sont considérés comme informels, intraçables, trop nomades pour les banques», analyse encore Laura Foschi.

LMDF rassemble trois types d’actionnaires: l’État, les grandes banques de la Place, et des opérateurs privés qui ont en commun de se soucier moins du rendement (de 1 à 3,5%) et des volumes que des enjeux basés sur une échelle de valeurs sociales à long terme. L’investissement d’impact revêt des aspects d’inclusion et de durabilité qui agissent au-delà d’un retour sur investissement immédiat. Pourtant, selon Raymond Schadeck, il ne s’agit pas de philanthropie, loin de là: «Nous croyons à ces projets et en la capacité des porteurs à rembourser leur prêt. Pas pour maximiser les profits, mais pour faire accéder d’autres candidats au crédit». Effet multiplicateur.

La pandémie a sans aucun doute accentué les besoins numériques et a aussi libéré de nouveaux usages. Le boom des microcrédits aux entreprises connectées et l’émergence de l’open source en témoignent déjà en Afrique. Un continent qui pourrait bien montrer la voie à une société en quête de bon sens.