Le Luxembourg et la Chine siègent tous deux au Conseil des droits de l’Homme de l'ONU à Genève, considéré comme une plateforme permettant de faire pression sur les violations des droits humains. (Photo: Shutterstock)

Le Luxembourg et la Chine siègent tous deux au Conseil des droits de l’Homme de l'ONU à Genève, considéré comme une plateforme permettant de faire pression sur les violations des droits humains. (Photo: Shutterstock)

Les membres de la Chambre luxembourgeoise et les défenseurs des droits humains demandent comment le gouvernement va réagir aux dernières révélations d'abus contre la population ouïghoure en Chine, les deux pays étant actuellement membres du Conseil des droits de l’Homme de l'Onu.

Le Luxembourg a rejoint le Conseil en janvier pour une période de trois ans, le mandat de la Chine se terminant à l’issue de cette année. Le Conseil fait régulièrement l'objet de critiques pour avoir inclus des auteurs de violations des droits humains, mais le ministre des Affaires Étrangères,  (LSAP), a déjà déclaré qu'il était important d’inclure les Chinois à la table des négociations afin d’obtenir du changement

La fuite de a fourni mardi de nouvelles informations sur l'ampleur de l'oppression et de la persécution des Ouïghours de la province. Envoyés par un pirate informatique anonyme, ces documents vont à l'encontre du discours de Pékin et mettent en évidence la répression violente dont est victime la minorité majoritairement musulmane de la région.

«Lors de l'une des prochaines réunions de notre commission, nous ajouterons la situation des Ouïghours à l'ordre du jour et demanderons à notre ministre des affaires étrangères comment le Conseil des droits de l’Homme va réagir à cette situation», a déclaré (LSAP), qui préside la commission des affaires étrangères de la Chambre.

Dans un courriel, le ministère des Affaires Étrangères a déclaré que les rapports de mardi «confirment nos profondes préoccupations concernant les violations des droits de l’Homme dans la région du Xinjiang. Le Luxembourg fait constamment part de ces préoccupations dans ses échanges bilatéraux ainsi qu'au niveau multilatéral. Le ministre Asselborn a en outre soulevé cette question lors d'une réunion avec l'ambassadeur de Chine au Luxembourg il y a moins de deux semaines».

Investissements chinois

Le pays est très présent au Luxembourg.

Sept des plus grandes banques chinoises accèdent à l'Europe par le Luxembourg et le Grand-Duché dépasse même Hong Kong en tant que premier domicile mondial des fonds d'investissement investissant en Chine continentale. La société d'investissement chinoise Legend Holdings détient 90% de la Banque internationale à Luxembourg. Et les investisseurs détiennent également une participation de 25,5 % dans le fournisseur de services publics luxembourgeois Encevo.

La société chinoise Henan Civil Aviation Development and Investment Company (HNCA) a réalisé en 2014 une prise de participation de 35% dans la société de fret aérien Cargolux et, en mars 2019, a signé un protocole d'accord pour soutenir l'initiative chinoise Belt and Road (BRI), la saluant comme «une nouvelle étape dans le développement des relations Chine-Luxembourg».

Malgré cela, le ministère des Affaires Étrangères a déclaré que le Luxembourg œuvre pour «sensibiliser aux rapports et témoignages profondément troublants sur le traitement réservé aux Ouïghours dans la région du Xinjiang». Au Conseil des droits de l’Homme des Nations unies, ainsi qu'à la troisième commission de l'Assemblée générale des Nations unies, le Luxembourg fait partie des pays qui ont régulièrement soutenu les déclarations conjointes appelant à un accès sans restriction du Haut-Commissaire aux droits de l’Homme à la région du Xinjiang.

La commissaire, Michelle Bachelet, a entamé lundi un voyage de six jours en Chine, qui comprendra une visite du Xinjiang. Mais les groupes de défense des droits humains craignent que la fonctionnaire des Nations unies ne reçoive qu'un aperçu aseptisé de la région. Sa visite est la première d'un haut-commissaire des Nations unies aux droits de humains depuis 2005. Les États-Unis, également membres du Conseil, avaient mis en garde contre ce voyage, estimant qu'il serait perçu comme un soutien à la Chine plutôt que comme une condamnation.

Le ministère des Affaires Étrangères a déclaré qu'il assurerait un suivi actif de la visite de Michelle Bachelet dès son retour et qu'il partagerait son évaluation avec les membres du Conseil des droits humains.

Renforcer les demandes

«Les relations diplomatiques et commerciales constituent un véritable levier et un cadre pour plaider et encourager les partenaires à respecter les droits de l’Homme», estime Olivier Pirot, directeur général d'Amnesty International au Luxembourg. «C'est pourquoi nous appelons les autorités luxembourgeoises à profiter de toute réunion pour demander à la Chine un plus grand respect des droits humains.»

Olivier Pirot, lui aussi, voit dans le Conseil des droits de l’Homme une plateforme pour aborder les nouvelles révélations et faire pression pour une enquête indépendante et internationale sur les atrocités visant les Ouïghours.

Amnesty International déclare que le Luxembourg, en tant que membre du Conseil des droits de l’Homme, doit «demander instamment que les diplomates étrangers, les parlementaires, les experts des Nations unies, les journalistes et les organisations non gouvernementales puissent accéder librement au Tibet et à l'ensemble de la Chine» et appeler «publiquement à la libération des défenseurs des droits de l'homme et des militants détenus arbitrairement».

Olivier Pirot avance que les nouvelles preuves «démontrent que les personnes se trouvant dans un camp de rééducation ne sont pas là de leur plein gré, comme l'a longtemps prétendu la Chine, et que ces camps sont de nature carcérale». Les dossiers divulgués lèvent également le voile sur un système pénitentiaire massivement étendu et sur des détentions arbitraires et draconiennes.

Les fichiers «confirment ce qu'Amnesty et d'autres organisations de défense des droits humains ont documenté et dénoncé, à savoir que la Chine met en œuvre une politique visant presque toute expression de l'identité, de la culture ou de la foi islamique des Ouïghours».

Les autorités chinoises ont qualifié ces documents, rendus publics par un consortium de chercheurs et de médias, de «fabriqués» et ont déclaré qu'il s'agissait de «désinformation». La Chine nie tout abus au Xinjiang.

Cet article a été rédigé par  en anglais, traduit et édité par Paperjam en français.