Larry Fink, fondateur de BlackRock, rappelle que la somme des investissements durables atteint désormais 4.000 milliards de dollars. (Photo: Shutterstock)

Larry Fink, fondateur de BlackRock, rappelle que la somme des investissements durables atteint désormais 4.000 milliards de dollars. (Photo: Shutterstock)

Le président et fondateur de BlackRock, Larry Fink, n’hésite pas à bousculer la notion du capitalisme dans un monde qui a vécu la pandémie de Covid. Selon lui, le capitalisme a le pouvoir de changer la société, notamment dans le monde du travail et de la décarbonisation de l’économie mondiale.

Quand le président de BlackRock, Larry Fink, s’exprime, les marchés écoutent. Comme de tradition depuis 10 ans, le patron du plus important gestionnaire d’actifs au monde – plus de 10.000 milliards de dollars sous gestion – donne le ton avec sa dernière lettre aux CEO. Dès le début, Larry Fink met l’accent sur la notion du capitalisme des parties prenantes: «Dans le monde interconnecté d’aujourd’hui, une entreprise doit créer de la valeur pour l’ensemble de ses parties prenantes et être appréciée par celles-ci afin de leur offrir une valeur à long terme.» Larry Fink explique ainsi que ce type de capitalisme favorise une allocation efficace du capital, permettant aux entreprises d’atteindre une rentabilité durable et de créer de la valeur sur le long terme.

Dans un contexte de pandémie, Larry Fink rappelle le rôle de «réinvention constante» du capitalisme qui, selon lui, pousse les entreprises à «continuellement évoluer en fonction des changements du monde qui les entoure ou risquer d’être remplacées par de nouveaux concurrents». Au milieu d’une période où ont été modifiées les façons de travailler et de consommer, et où la technologie a remodelé le monde des affaires, certaines entreprises se créent là où d’autres disparaissent. «Les entreprises innovantes qui cherchent à s’adapter à cet environnement ont plus que jamais accès aux capitaux pour réaliser leurs projets», indique Larry Fink.

Les parties prenantes sur lesquelles votre entreprise compte pour générer des bénéfices pour les actionnaires ont besoin de vous entendre directement, d’être engagées et inspirées par vous. Elles ne veulent pas nous entendre, en tant que CEO, nous prononcer sur tous les problèmes du jour.
Larry Fink

Larry Finkprésident et fondateurBlackRock

Dans une perspective de relation entre les opérateurs économiques et leurs parties prenantes, le patron de BlackRock encourage les chefs d’entreprise à adopter une vision à long terme: «Les parties prenantes sur lesquelles votre entreprise compte pour générer des bénéfices pour les actionnaires ont besoin de vous entendre directement, d’être engagées et inspirées par vous. Elles ne veulent pas nous entendre, en tant que CEO, nous prononcer sur tous les problèmes du jour.»

La fin d’un monde

Mentionnant la hausse des salaires et la rotation des emplois historiques au cours des derniers mois, Larry Fink y voit une rupture avec le passé. Les salariés attendent désormais de leurs employeurs de la flexibilité et un travail plus utile, mais aussi de l’équité raciale, des facilités dans la garde de leurs enfants et une discussion plus ouverte sur la santé mentale. Parlant ainsi des entreprises qui attendaient de leurs salariés qu’ils viennent au bureau tous les jours de la semaine, où la santé mentale n’était que peu abordée et où les salaires faibles et moyens n’augmentaient pas, Larry Fink se montre très clair: «Ce monde a disparu.»

Selon Larry Fink, des travailleurs qui exigent davantage de leurs employeurs constitue une caractéristique-clé d’un capitalisme efficace: «Nos recherches montrent que les entreprises qui ont tissé des liens solides avec leurs employés ont connu des niveaux de rotation plus faibles et des rendements plus élevés pendant la pandémie.»

Nos recherches montrent que les entreprises qui ont tissé des liens solides avec leurs employés ont connu des niveaux de rotation plus faibles et des rendements plus élevés pendant la pandémie.
Larry Fink

Larry Finkprésident et fondateurBlackRock

Le sujet de l’intégration des nouvelles exigences des salariés relève d’une question de survie: «Les entreprises qui ne s’adaptent pas à cette nouvelle réalité et ne répondent pas à leurs employés le font à leurs risques et périls.» En effet, Larry Fink n’hésite pas à souligner que la rotation du personnel accroît les dépenses, affecte la productivité et sape la culture d’une entreprise. L’enjeu est ainsi de rester compétitif pour continuer à attirer de nouveaux talents.

Prendre le train en marche de la décarbonisation

Après avoir expliqué l’importance d’inscrire le capitalisme d’aujourd’hui dans une prise en compte des parties prenantes, celui qui a fondé BlackRock en 1988 invite ses lecteurs à prendre conscience que la décarbonisation de l’économie mondiale occupe une place de choix parmi les attentes de ces mêmes parties prenantes. «Peu de choses auront un impact sur les décisions d’allocation de capital plus que l’efficacité avec laquelle vous naviguerez dans la transition énergétique», souligne Larry Fink, qui rappelle que cela fait deux ans qu’il martèle que «le risque climatique est un risque d’investissement». Un élément de langage qui se retrouve d’ailleurs régulièrement dans les communications de BlackRock aux investisseurs institutionnels.

Larry Fink ne mâche pas ses mots en la matière. En moins de deux ans, «nous avons assisté à un déplacement tectonique des capitaux», explique-t-il, tout en précisant que les investissements durables atteignent aujourd’hui la somme de 4.000 milliards de dollars. Une tendance qui devrait encore s’accélérer en n’épargnant aucun secteur. «La question est de savoir si vous allez mener ou être mené.» À en croire Larry Fink, il sera très intéressant de prendre le pas: «La décarbonisation de l’économie mondiale va créer la plus grande opportunité d’investissement de notre vie.»

Peu de choses auront un impact sur les décisions d’allocation de capital plus que l’efficacité avec laquelle vous naviguerez dans la transition énergétique.
Larry Fink

Larry Finkprésident et fondateurBlackRock

Toutefois, Larry Fink indique que chez BlackRock, «nous nous concentrons sur la durabilité non pas parce que nous sommes des environnementalistes, mais parce que nous sommes des capitalistes et des fiduciaires pour nos clients». En ce sens, il incite les entreprises à fixer des objectifs de réduction des gaz à effet de serre de qualité afin de satisfaire les intérêts à long terme de leurs actionnaires.

Ce n’est pas pour autant que BlackRock se désengagera à l’avenir de secteurs entiers tels que le pétrole et le gaz. La transition vers le net zéro va prendre du temps. Il faut donc encore garantir un approvisionnement énergétique abordable pendant la transition, rappelle Larry Fink. Ce dernier insiste finalement sur le fait que les marchés ne peuvent pas jouer le rôle de la «police du climat», appelant donc les gouvernements à assurer un socle solide de politiques et réglementations en la matière tout en favorisant les partenariats publics-privés.