Pierre Rossy: «L’exportation conduit à une plus grande ouverture d’esprit, à une plus grande ouverture sur le monde. C’est antisclérosant.» (Photo: Schroeder Joailliers)

Pierre Rossy: «L’exportation conduit à une plus grande ouverture d’esprit, à une plus grande ouverture sur le monde. C’est antisclérosant.» (Photo: Schroeder Joailliers)

Schroeder Joailliers s’est tournée vers l’exportation il y a près de 30 ans. Pierre Rossy, actuel dirigeant de l’entre­prise, revient sur cette expérience qui, selon ses termes, l’a «ouvert au monde» et a rendu son métier «beaucoup plus intéressant».

C’est en 1979 que Pierre Rossy, petit-neveu du fondateur de l’entreprise Lambert Schroeder et actuel dirigeant, entre dans l’entreprise familiale. Et c’est sous son impulsion que ­Schroeder Joailliers va se développer à l’international, avec le déploiement d’agents et la participation à diverses expositions sur les cinq continents.

Travailler à l’international, pour Pierre Rossy, c’est aller au-delà du Luxembourg et de la Grande Région pour vendre sa propre production. Et s’il a sauté le pas quelques années plus tard, c’est que la manière «traditionnelle» de travailler ne lui convenait pas. «Quand on est bijoutier-horloger local – ce qui était le cas à cette époque et l’est toujours aujourd’hui –, on attend que le représentant passe, qu’il ouvre ses valises; on choisit ce que les fabricants nous proposent et on le vend. Très honnêtement, déjà il y a 30 ans, cette façon de travailler ne m’intéressait pas beaucoup. Je voulais que notre maison puisse créer ses propres bijoux, ses propres montres, et c’est ce que nous avons fait.»

En choisissant de développer sa propre production, le besoin d’exporter s’est fait sentir. D’autant qu’outre des bijoux et des montres, Schroeder Joailliers produit également désormais ses propres foulards, ses propres stylos et des articles de maroquinerie.

Bien cibler les marchés

«À partir du moment où vous créez votre propre marque, le marché local et de la Grande Région révèle ses limites. Lorsque vous fabriquez vos propres bijoux et vos propres montres, il faut pouvoir en vendre une certaine quantité pour être rentable.»

Toute la difficulté est de bien cibler les marchés que l’on veut – et que l’on peut – conquérir.

«Il faut garder en tête que, dans notre métier, nous sommes tout petits. Nos concurrents sont des grands groupes internationaux comme ­Richemont ou LVMH. Ce sont des acteurs qui ont une puissance phénoménale par rapport à nous, petite société familiale. Donc nous devons parfaitement bien cibler le marché dans lequel nous entrons.» Et si, «jusqu’à présent», cela fonctionne bien, c’est que Pierre Rossy est extrêmement rigoureux au moment de sélectionner les agents qui commercialiseront ses produits. «Le partenaire est primordial pour moi.» Ses critères au moment du choix? «Des amoureux du métier, comme nous, qui sont heureux de collaborer avec une société familiale flexible et rapide dans ses décisions et qui acceptent que l’on travaille comme une société de niche.»

Schroeder a plus de 140 années d’existence. Durant cette période, nous avons développé des liens avec la famille grand-ducale. Nous sommes fournisseurs de la Cour depuis plus de 100 ans et nous travaillons avec des maisons royales dans d’autres pays.
Pierre Rossy

Pierre RossyDirigeantSchroeder Joailliers

Le premier marché ouvert à l’exportation le fut lors du lancement de la collection «Pas de Deux», en 1989. Et c’est le Japon qui fut ciblé par Pierre Rossy. Pourquoi? «Parce que le marché japonais est connu pour son sérieux. Lorsque l’on travaille avec des Japonais, on est sûr que tout ce qui aura été négocié sera bien exécuté et que les paiements seront faits à temps.» Sur ce marché, Schroeder Joailliers travaille avec ­Uchihara Group, «un groupe d’une certaine importance qui a aimé travailler avec une maison familiale comme la nôtre».

Émotion et histoire

Si la qualité de la production est un élément déterminant pour les partenaires de la maison luxembourgeoise, il en est un autre qui tient une grande place: l’histoire de la maison. «­Schroeder a plus de 140 années d’existence. Durant cette période, nous avons développé des liens avec la famille grand-ducale. Nous sommes fournisseurs de la Cour depuis plus de 100 ans et nous travaillons avec des maisons royales dans d’autres pays. Toute cette histoire est un vrai plus pour nous. Beaucoup de groupes étrangers recherchent cela. Une montre ou un bijou, c’est aussi une histoire que l’on achète. S’ils sont anonymes, une montre ou un bijou restent aujourd’hui très difficiles à vendre. Notre métier est fait d’émotion et d’histoire.»

En plus du Japon, Schroeder Joailliers est particulièrement actif en Chine et aux ­Émirats arabes unis, à Dubaï. Dubaï n’était pas un terrain inconnu, le joaillier y ayant déjà fait des expositions et s’y étant constitué une clientèle fidèle. Suite à sa décision de participer à l’Exposition universelle de Dubaï en tant que co-sponsor du pavillon luxembourgeois, la société est passée à la vitesse supérieure en signant un accord de distribution de ses produits dans les pays du Golfe avec la compagnie Istana, également une société familiale. Ce nouveau partenaire va d’ailleurs, en marge de l’Exposition, organiser une exposition privée pour ses clients. La collection emblématique «Rose de Luxembourg» sera présentée dans le lounge VIP du pavillon luxembourgeois, «mais ce n’est pas là que les affaires se font».

L’ouverture sur le monde en prime

Se lancer sur le marché de l’exportation force les entreprises à évoluer, à innover. «Le métier de bijoutier exportateur est très différent de celui exercé localement, dans votre magasin, où vous attendez que le client vienne jusqu’à vous. À l’international, il faut se faire connaître. Les réseaux sociaux sont incontournables pour cela. Il faut y être extrêmement dynamique. II ne se passe pas un jour où ­Schroeder ne publie pas un nouveau post sur Instagram. Il faut aussi fournir du soutien à nos agents dans les différents pays, qui doivent avoir une personne de contact vers laquelle se tourner lorsqu’il y a des demandes spécifiques ou des renseignements à fournir.» Tout cela mis l’un dans l’autre, ce sont entre trois et quatre emplois à temps plein qui ont été créés et qui ne l’auraient pas été si Schroeder Joailliers était resté dans son pré carré.

Ces efforts produisent des résultats: l’entreprise réalise désormais «un bon tiers» de son chiffre d’affaires à l’exportation. «Une proportion qui a tendance à augmenter régulièrement.»

Au-delà des aspects purement économiques, Pierre Rossy voit un autre aspect positif de l’exportation: «L’exportation a rendu mon métier beaucoup, beaucoup plus intéressant – je dirais même fascinant – et m’a ouvert au monde. J’ai fait la connaissance, dans notre métier, de personnalités tout à fait exceptionnelles que je n’aurais pas rencontrées si je n’avais pas fait de voyages. L’exportation conduit à une plus grande ouverture d’esprit, à une plus grande ouverture sur le monde. C’est antisclérosant. Nous sommes en concurrence permanente très forte, et donc nous développons et améliorons constamment nos collections, ce qui est évidemment bénéfique pour nos ventes locales.»

Cet article a été rédigé pour  parue le 23 septembre 2021.

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