Le budget 2022 sera le dernier à porter la griffe de Pierre Gramegna. (Photo: Romain Gamba / Maison Moderne)

Le budget 2022 sera le dernier à porter la griffe de Pierre Gramegna. (Photo: Romain Gamba / Maison Moderne)

Le parti du ministre des Finances a annoncé sa démission, mardi en fin de matinée, via un communiqué de presse, et ce «pour raisons personnelles». Retour sur les grands moments de sa carrière ministérielle.

Le ministre des Finances (DP) a donc décidé de quitter ses fonctions. Ce qui sera effectif dans les prochaines semaines. Dans le communiqué de presse de son parti, il était évoqué des «raisons personnelles». de ne plus être candidat aux prochaines élections, ce qu’il a confirmé mardi soir à RTL.

Tout comme son départ du gouvernement, sa nomination au poste de ministre des Finances du premier cabinet de  (DP) en 2013 avait fait l’effet d’une bombe. Le secret avait été bien gardé, et la nouvelle bien accueillie. L’état de grâce de quelqu’un présenté — à juste titre — comme un spécialiste des dossiers financiers aura cependant été, pour Pierre Gramegna (DP), de courte durée.

Nommé à la tête d’un ministère géré par le CSV sans interruption depuis 1979 et servant de pouponnière aux futurs cadres du parti, il lui faudra quelques mois d’adaptation avant de prendre la mesure de la maison et d’en devenir le taulier. L’intéressé en faisait lui-même l’aveu: malgré sa volonté de travailler avec tous, cela s’était «mal passé».


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Une période d’autant plus difficile qu’à peine ses fonctions prises — il est officiellement nommé le 5 décembre —, il doit affronter sa première tempête: l’inscription du Luxembourg sur la liste noire des paradis fiscaux le 23 novembre 2013. Les deux années qui suivirent, il les passa à se débarrasser d’une inscription qui menace l’attractivité et le développement économique du pays.

Deux années dont les étapes marquantes auront été la disparition effective du secret bancaire avec l’accord donné à la directive sur la fiscalité de l’épargne en mars 2014. En octobre de la même année est validée la nouvelle version de la directive sur la coopération administrative qui consacre, au 1er janvier 2017, l’échange automatique d’information entre administrations fiscales.

Des mises à niveau forcées pour lesquelles toute l’habilité du ministre aura été d’avoir su passer du statut de réactif à celui de proactif.

Le bon élève

À partir de ce moment, le Luxembourg aura tout fait pour paraître comme le bon élève et figurer parmi les «early adopters». Ce fut notamment le cas pour l’accord multilatéral de Berlin d’octobre 2014 sur les échanges financiers, pour le projet de loi d’août 2015 sur le «common reporting standard» (CRS) ainsi que pour la participation active aux travaux sur le Beps (Base Erosion Profit Shifting) qui vise à imposer les profits des multinationales là où ils sont réalisés.

Pour autant, des accrocs auront entamé cette marche vers la transparence.

Ce fut le cas du scandale LuxLeaks qui éclate en novembre 2014 et qui met crûment en lumière la pratique des rescrits fiscaux. Une pratique légale, mais plus légitime à un moment de l’histoire où les pratiques d’optimisation fiscale des grands groupes internationaux indignant les citoyens soumis à une pression fiscale accrue suite à la crise financière de 2008 et ses répliques de 2011 et 2012. Et si la question de la responsabilité de l’administration fiscale n’a jamais été tranchée, la place financière sera réhabilitée en 2015 par l’OCDE. Mais la mauvaise image persistera encore, comme peuvent en témoigner les scandales des Panama Papers et ses répliques comme ou encore . Des accusations facilement .

Sur le terrain de la fiscalité internationale, Pierre Gramegna sera l’ambassadeur du concept de «level playing field» et militera pour le  au niveau mondial. Une réforme adoptée dans son principe .

L’artisan de la diversification de la Place

L’image a été son chantier premier. Mais il ne faut pas oublier celui de la diversification de la Place.

Une diversification tous azimuts. Le ministre a œuvré pour faire des fintechs le quatrième pilier de ladite Place. Il est d’ailleurs à l’origine de la création de la Luxembourg House of Financial Technologies (Lhoft). Il a également été à la manœuvre en étoffant la fameuse «boîte à outils», en favorisant le développement des investissements alternatifs, de la finance sociale et de la . Des politiques qui portent leurs fruits aujourd’hui.

Il est également l’homme de l’ouverture de la Place vers la Chine. Sous son mandat, les principales banques chinoises implanteront leurs quartiers généraux au Luxembourg. Et il sera celui qui fera entrer le Luxembourg au capital de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (BAII).

Il y aura eu cependant quelques accrocs dans les rapports du ministre avec ses ouailles. Le plus fameux étant la réforme du statut des professionnels du secteur financier (PSF) qui assouplissait les règles en matière de sous-traitance informatique dans le secteur bancaire – assouplissement qui avait suscité l’incompréhension, voire la colère, de certains professionnels.

Une réforme fiscale inachevée

L’autre grand chantier qu’il laisse inachevé, c’est celui de la réforme fiscale.

Annoncé dans l’accord de coalition du gouvernement Bettel II, le chantier a été interrompu par la crise du Covid et, à ce jour, reporté sine die, du moins dans son volet recettes. Une qui devait notamment s’attaquer à l’épineux dossier de l’individualisation de l’imposition des personnes physiques et aux problèmes du logement et de la fiscalité verte.

Une première vague de réforme avait eu lieu durant le mandat du gouvernement Bettel I. D’abord avec le pacte d’avenir — le Zukunftspak — voté en 2014 dans la loi budgétaire pour 2015 qui cherchait à rendre la dépense plus efficace. Puis en 2017 avec différentes mesures et un accent mis sur la baisse du barème l’imposition favorable aux bas salaires et à la classe moyenne.

En tant que grand argentier du pays, il est un homme de rigueur et veille à ce que les dépenses soient efficaces – seul moyen d’après lui pour que le Luxembourg garde son triple A.

Son baromètre politique personnel

Aux élections législatives du 14 octobre 2018, Pierre Gramegna se présente pour la première fois aux législatives. L’onction populaire à un technocrate, en quelque sorte. Un exercice duquel il sort avec les honneurs en étant élu député dans sa circonscription du Sud et réunissant, sous son nom seul, 18.383 voix – score qui fait de lui le premier candidat de son parti dans une circonscription traditionnellement acquise au LSAP et au CSV.

Il fut une autre élection où il eut moins de chance: celle de la présidence de l’Eurogroupe. Candidat malheureux face à Mário Centeno, ministre des Finances portugais en , il n’aura pas plus de chances  face à son homologue, irlandais cette fois, Paschal Donohoe.