«Le texte tient en deux lignes, c’est assez surprenant et triste pour les entreprises», juge l’avocat spécialisé en droit du travail Guy Castegnaro. (Photos: Archives Maison Moderne. Montage: Maison Moderne)

«Le texte tient en deux lignes, c’est assez surprenant et triste pour les entreprises», juge l’avocat spécialisé en droit du travail Guy Castegnaro. (Photos: Archives Maison Moderne. Montage: Maison Moderne)

La possibilité, pour un employeur, d’instaurer le CovidCheck sur le lieu de travail entrera en vigueur le 1er novembre. Guy Castegnaro, avocat spécialisé en droit du travail, fait le point sur les principales questions soulevées par l’application du CovidCheck en entreprise.

Quelle a été votre réaction à la lecture de la nouvelle loi Covid, votée ce lundi 18 octobre, via laquelle le régime CovidCheck est étendu aux entreprises à partir du 1er novembre?

Guy Castegnaro. – «Je dirais qu’on a l’impression que le gouvernement a transféré toute la responsabilité aux employeurs en la matière. Il y a un manque de courage politique, et c’est critiquable. Le texte tient en deux lignes, c’est assez surprenant et triste. Les employeurs vont forcément trouver un moyen de s’organiser, mais le gouvernement renvoie la patate chaude aux employeurs, c’est à eux de se débrouiller et ce n’est pas juste, ils restent dans un embarras juridique. J’aurais trouvé plus honnête de dire que le CovidCheck était applicable comme dans les milieux hospitaliers, il n’y aurait pas eu d’ambivalence. Ou cela aurait été plus facile de le rendre obligatoire comme dans d’autres pays, et d’être plus précis sur les conséquences que cela peut entraîner.

Que doivent faire les employeurs?

«Il faut, à mon avis, appliquer le droit du travail tel qu’il existe. Il y a un certain fil rouge qui est celui de la sécurité et de la santé au travail, et c’est d’ailleurs le but principal de cette disposition. Après, ce qui est important, c’est que l’employeur sera obligé d’exécuter les conventions de bonne foi. Donc, aussi bien employeur que salarié doivent respecter la relation contractuelle. Et si l’employeur est face à un refus de présenter un CovidCheck, il doit, avant de prendre une mesure disciplinaire, analyser toutes les options qui rendraient possible le maintien de la relation contractuelle, comme le télétravail par exemple. Mais il faut l’accord des deux parties, personne ne peut obliger le salarié à être en télétravail.

Le salarié peut-il exiger de son employeur qu’il lui paie les tests?

«Non, l’employeur n’a pas l’obligation de les payer aux salariés non vaccinés, ce n’est pas comme un vêtement de travail ou un casque qui sont obligatoires. Le test va aussi servir dans la vie privée du salarié, et la solution gratuite pour le salarié est la vaccination, donc juridiquement il n’y a pas d’obligation pour les employeurs à payer les tests. Il y aura certainement des affaires qui iront devant la Cour constitutionnelle, mais je ne suis pas sûr qu’une Cour de justice dira qu’il y a atteinte aux libertés fondamentales, parce qu’ici il s’agit d’une question de santé. Et les libertés fondamentales ne peuvent être ajustées que lorsqu’il s’agit de libertés collectives. Tout n’est pas noir ou blanc.

Et si l’employeur décide de payer les tests aux salariés non vaccinés?

«Est-ce que ce ne sera pas considéré comme un avantage en nature avec, donc, des répercussions en matière de fiscalité? Pour moi, l’employeur n’a aucun intérêt à les payer, cela pourrait créer des tensions avec les salariés vaccinés, ces derniers pouvant estimer avoir réalisé leur devoir citoyen et pourtant n’avoir ‘droit’ à rien de la part de leur employeur.

Dans quels cas un employeur pourrait-il être contraint de sanctionner son salarié?

«Lorsqu’un salarié ne présente pas de CovidCheck et refuse d’appliquer les solutions proposées par son employeur, le télétravail par exemple, alors l’employeur devra prendre les mesures qui s’imposent. Il s’agit d’un refus de travail. Or, dans le cadre du contrat de travail, le salarié s’engage à prester, et si l’employeur peut prouver qu’il a tout fait pour régulariser la situation, la seule solution sera la fin de la relation de travail. Après, ce sera aux tribunaux de juger si le motif de licenciement est valable. Pour moi, le refus de travail serait suffisant. Est-ce que le salarié était en droit de refuser de travailler? Il y a une obligation de santé et de sécurité sur le lieu de travail à respecter par l’employeur.

Les salariés ne présentant pas de CovidCheck ne pourraient-ils pas être mis dans une pièce à part?

«Non, parce que cela serait de la discrimination et ces salariés seraient stigmatisés. Par contre, il sera désormais possible d’organiser des réunions sous CovidCheck, mais on ne peut pas faire de mélange, il faut délimiter les zones géographiques où le CovidCheck est mis en place, dans les cantines d’entreprise par exemple.»