Franz Fayot devient ministre de l’Economie presque 20 ans après avoir signé sa première carte au LSAP. (Photo: Matic Zorman)

Franz Fayot devient ministre de l’Economie presque 20 ans après avoir signé sa première carte au LSAP. (Photo: Matic Zorman)

Franz Fayot (LSAP) a plutôt un tempérament discret. Cet avocat, père de trois enfants, issu d’une lignée politique entièrement dévouée à la gauche, est maintenant propulsé en pleine lumière. Il remplacera Etienne Schneider ce mardi en tant que ministre de l'Économie. Et deviendra aussi ministre de la Coopération et de l’Action humanitaire.

Un peu plus d’un siècle les sépare. En octobre 1919, son arrière-grand-père, Venant Hildgen, était élu député. Le 4 février 2020, Franz Fayot LSAP, succédant à . Au-delà du clin d’œil historique, l’anecdote confirme à quel point les racines du sont solidement ancrées dans le terreau politique et qu’il est le digne héritier d’une longue lignée d’hommes et de femmes de gauche. Son père, Ben Fayot, député national et européen mais aussi président du LSAP durant 12 ans, le confirme: «Notre famille est politique depuis fort longtemps.» Fons Hildgen, grand-oncle du néo-­ministre, a également été député, tout comme René Van den Bulcke, son grand-père du côté maternel, qui fut même président de la Chambre des députés entre 1975 et 1979. Mais personne au sein de cette généalogie n’était jamais devenu ministre.

Une image d’intellectuel

Chez les Fayot, la politique est donc inscrite dans les gènes. On en parle souvent, et beaucoup. Mais pas n’importe comment. «Nous avons toujours voulu donner une vision positive de l’engagement dans la société. Cela a, je pense, influencé mes enfants. Cathy, la sœur de Franz, est conseillère communale à Luxembourg-ville. Tandis que sa seconde sœur, Jeanne, est institutrice mais aussi présidente du comité d’école de Steinsel» relève Ben Fayot.

La politique pour servir, mais pas pour faire carrière. Voilà une autre leçon entendue par Franz Fayot, qui fêtera ses 48 ans à la fin du mois de février. Tout comme son père, il a pris son temps avant d’être candidat sur une liste. Ce fut en 2013. Soit presque 20 ans après avoir signé sa première carte au LSAP. Le temps «pour ne pas être professionnellement dépendant du jeu électoral». Après des études à l’Athénée de Luxembourg, il choisit le droit et intègre le Barreau de Luxembourg en 1997. Il devient avocat associé au sein du cabinet à partir de 2002, avant de fonder en 2015 son cabinet FischFayot avec son ami Laurent Fisch.

Au cours de son cursus, il cultive sa passion pour les idées. Au point de se forger une image d’intellectuel qui lui colle à la peau. «C’est vraiment un intellectuel, et ce n’est pas péjoratif», souligne , cadre du LSAP, parti au Conseil d’État. Sans doute que le fait d’être «un socialiste issu de la capitale», selon Ben Fayot, a encore renforcé cette image, car «au Luxembourg, c’est un marqueur sociétal». Au moins autant que son activité au sein de la Fondation Robert Krieps, dont il est membre du CA et où il aime débattre avec d’autres intellectuels de gauche.

Les proches de ce père de trois enfants le qualifient d’introverti. Ses amis préfèrent le décrire comme quelqu’un de discret. Franz Fayot, en tout cas, ne pourra jamais jouer un autre personnage que le sien. Les grandes claques dans le dos, ce n’est pas pour lui. «C’est plutôt mon style à moi, s’amuse le chef de fraction LSAP et bourgmestre de Sanem, . Franz réagit sans doute moins sur le plan émotionnel.» Hautain? Un cadre du parti tempère: «Non. Quand il se rend dans le Sud, ce n’est pas l’habitant de Luxem­bourg-ville qui déboule à la campagne.» Fidèle en amitié, cet amateur de course à pied rappelle parfois qu’il a grandi dans le quartier de la gare, plus populaire que bourgeois.

«Un homme de gauche»

Il y a en tout cas unanimité pour lui reconnaître une «grande intelligence». Le député le voit comme «quelqu’un de sérieux». Sa force, dit-on, réside aussi dans sa maîtrise des dossiers. «J’ai toujours dit à Franz que c’était essentiel pour un homme politique. Comme il ne faut pas non plus se fier qu’aux appareils des partis ou des ministères», assène Ben Fayot.

Mais une légende hante la biographie de l’avocat d’affaires: le socialiste ne serait pas tout à fait un homme de gauche! Certains en doutent en effet, alors que sa filiation, ses prises de position, ses critiques envers la place financière… affirment le contraire. «Franz est un homme de gauche, c’est l’évidence même», s’amuse Alex Bodry qui a bien entendu ces rumeurs. «Je rappelle qu’il a été de ceux qui ont milité pour que chaque mesure environnementale du gouvernement soit accompagnée d’une mesure sociale.»

En public, personne ne doute du casting au LSAP. «C’est la bonne personne, pour le bon poste», salue encore Alex Bodry. «L’économie lui va comme un gant», insiste Yves Cruchten. Arriver dans le gouvernement est néanmoins un petit miracle. Ou une revanche pour celui dont le nom avait déjà circulé en 2013 pour devenir ministre. Après un mandat de député, il paie la déroute socialiste de 2018 au prix fort. Non réélu, il siège tout de même, car Étienne Schneider est appelé au gouvernement. Quelques semaines plus tard, il devient président d’un LSAP qui doit très vite se réinventer. Un travail qu’il va entamer de suite, discrètement. Au point que le sage Alex Bodry concède que «c’est le bémol de son arrivée au gouvernement: on le perd à la tête du parti». George Engel, en phase avec cette analyse, espère que Franz restera «un moteur du renouveau du LSAP. Pourquoi pas dans une autre fonction?» Ce qui se décidera lors d’un congrès au mois de mars.