Un relèvement des taux peut aussi signifier une opportunité de prise de bénéfices après plusieurs mois de hausse des prix. (Photo: Shutterstock)

Un relèvement des taux peut aussi signifier une opportunité de prise de bénéfices après plusieurs mois de hausse des prix. (Photo: Shutterstock)

Bien que la Fed n’ait pas encore augmenté ses taux d’intérêt, les marchés boursiers mondiaux s’attendent à tout moment à un resserrement de la politique budgétaire américaine. La crainte d’une hausse de la volatilité sur les valeurs des actions et d’un retournement sur les marchés émergents se fait de plus en plus ressentir.

Se réunissant ces mardi et mercredi pour la première fois de l’année, le conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale américaine (Fed) a décidé de maintenir ses taux d’intérêt inchangés. Décidé à l’unanimité, le taux payé sur les soldes de réserve reste encore à 0,15%, pour l’instant.

La Fed a l’objectif d’atteindre un taux d’emploi maximal et une inflation de 2% à long terme. Avec une inflation actuelle de plus de 7%, la banque centrale américaine annonce en revanche qu’il sera bientôt temps de relever le taux des fonds fédéraux. La prochaine hausse est normalement prévue en mars. La première d’une longue série à venir.

La Fed justifie le maintien de sa politique monétaire en expliquant que les indicateurs économiques et de l’emploi ont continué à se renforcer aux États-Unis et que les secteurs les plus touchés par la pandémie se sont améliorés. «Les créations d’emplois ont été solides et le taux de chômage a sensiblement diminué», note le communiqué de la Fed qui rappelle toutefois que «les déséquilibres de l’offre et de la demande liés à la pandémie on continué à contribuer à des niveaux élevés d’inflation».

L’annonce de la Fed a de nouveau impacté les marchés boursiers. Au lendemain de la réunion des gouverneurs de la banque centrale américaine, les bourses européennes ont débuté leurs séances de ce matin dans le rouge, malgré un rebond la veille. Le CAC 40 a chuté de 1,47% à l’ouverture, le DAX a reculé, quant à lui, de 1,48% et le FTSE de 1,04%.

Du côté asiatique, le Nikkei 225 s’est replié de 3,3% sur la Place de Tokyo. En Chine, le CSI 300 des capitalisations les plus importantes a reculé d’un peu plus de 3%. Idem en Corée du Sud où l’indice de référence Kospi a plongé de 3,13% et à Hong Kong qui a vu l’indice Hang Seng se tasser de 2,56%. Le Hang Seng Tech, structuré autour des technologies, a également perdu 4,61%.

Une posture plus agressive

La prochaine hausse de taux de la Fed n’est pas attendue avant mars. Toutefois, le communiqué des conclusions de la Fed exacerbe les marchés qui restent finalement dans l’expectative du prochain revirement de politique monétaire. La Fed a d’ailleurs laissé entendre qu’elle pourrait relever ses taux à chaque réunion de son conseil des gouverneurs si nécessaire. L’anticipation d’une éventuelle hausse des taux avait déjà placé les marchés des actions à l’aube de la réunion de la Fed par crainte d’une trop grande volatilité des valeurs plus tôt cette semaine.

Lors de sa conférence de presse, le président Powell a souligné qu’étant donné que l’économie se trouve dans une situation très différente, l’ampleur et le risque des taux sont encore incertains. Dans une certaine mesure, cela laisse la porte ouverte à une augmentation potentielle de 50 points de base ou à davantage de hausses que les attentes actuelles.
Vincent Juvyns

Vincent Juvynsglobal market strategistJ.P. Morgan Asset Management

Pour sa part, Vincent Juvyns, global market strategist chez J.P. Morgan Asset Management, a analysé la déclaration du président de la Fed: «Lors de sa conférence de presse, le président Powell a souligné qu’étant donné que l’économie se trouve dans une situation très différente, l’ampleur et le risque des taux sont encore incertains.» Il explique que «dans une certaine mesure, cela laisse la porte ouverte à une augmentation potentielle de 50 points de base ou à davantage de hausses que les attentes actuelles.»

Vincent Juvyns attire du coup l’attention sur le fait que «les investisseurs doivent se préparer à une Fed active au cours des deux prochaines années», précisant que les risques pour les perspectives économiques restent bien réels: «Un ralentissement plus prononcé en Chine, l’escalade des tensions géopolitiques et une volatilité accrue des marchés sont susceptibles de maintenir la Fed flexible dans sa trajectoire vers une politique plus stricte.»

Le contrecoup sur les marchés émergents

Autre constat, les marchés émergents risquent eux aussi de souffrir du resserrement monétaire de la Fed, la performance de leurs économies étant sensible aux fluctuations de la liquidité du dollar. Si celle-ci venait à s’atténuer, cela pourrait exposer les marchés émergents qui dépendent des entrées de capitaux étrangers pour financer les déficits extérieurs. «Il peut en résulter une baisse des importations et, in fine, un ralentissement de la croissance économique», décrit David Rees, économiste senior Marchés émergents chez Schroders.

En cause, la Fed qui a annoncé qu’elle continuerait à limiter ses rachats d’actifs. Ce qui a donc pour objectif de réduire son bilan. «La dernière fois que la Fed a réduit son bilan, une onde de choc a traversé les marchés financiers des économies émergentes», rappelle David Rees.

À défaut d’une faible corrélation entre le bilan de la Fed et les flux de capitaux vers les marchés émergents, David Rees indique qu’il existe par contre un lien avec les variations des taux des obligations souveraines américaines. Ainsi, «en cas de hausse des taux d’intérêt des bons du Trésor, les flux de liquidités vers les marchés émergents et la croissance pourraient en pâtir», conclut David Rees.

L’anticipation d’une hausse des taux d’intérêt est plus susceptible de constituer un argument favorable à la prise de bénéfices après plusieurs trimestres de forte hausse des prix.
Thomas Lehr

Thomas Lehrstratège en marché des capitauxFlossbach von Storch

Malgré tous les éventuels chamboulements de la volatilité des cours et les évolutions sur les marchés émergents, certains considèrent un resserrement monétaire de la Fed comme une opportunité. C’est notamment le cas de Thomas Lehr, stratège en marché des capitaux chez Flossbach von Storch: «L’anticipation d’une hausse des taux d’intérêt est plus susceptible de constituer un argument favorable à la prise de bénéfices après plusieurs trimestres de forte hausse des prix.»