Les catastrophes naturelles se sont significativement multipliées et intensifiées au cours des dernières années, avec le sinistre le plus coûteux de toute l’histoire de l’assurance luxembourgeoise lors des inondations des 14 et 15 juillet 2021. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne/archives)

Les catastrophes naturelles se sont significativement multipliées et intensifiées au cours des dernières années, avec le sinistre le plus coûteux de toute l’histoire de l’assurance luxembourgeoise lors des inondations des 14 et 15 juillet 2021. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne/archives)

Face à la multiplication des catastrophes climatiques et la hausse des coûts qui en découle, le monde des assurances s’adapte, proposant de nouvelles couvertures, mais aussi des primes d’assurance plus élevées. Un réchauffement trop important pourrait toutefois compromettre la durabilité du système.

Les ont été le sinistre , selon le directeur général de l’association des compagnies d’assurances et de réassurances (ACA), . Mais un tel record pourrait ne pas rester isolé: les se multiplient, de même que leur coût. Ce qui pourrait impacter en profondeur le monde des assurances.

De fait, le nombre de catastrophes naturelles liées au réchauffement climatique a plus que doublé depuis 1980 dans le monde. 7.225 catastrophes naturelles majeures ont ainsi été recensées au cours des 20 dernières années, dont 91% étaient imputables au réchauffement de la planète, selon l’Onu. Et, si elles ont entraîné 1,3 million de décès et 4,4 milliards de blessés, sinistrés ou déportés, leur coût est aussi spectaculaire: 2.245 milliards de dollars, soit un triplement au cours des deux dernières décennies.

Le Luxembourg n’est bien sûr pas épargné. «Les catastrophes naturelles se sont significativement multipliées et intensifiées au cours des dernières années. Cette tendance peut être étayée par l’envergure des fonds publics débloqués pour couvrir les coûts résultant de ces phénomènes climatiques», constate la Cour des comptes dans son . 160 millions d’euros ont ainsi été déboursés pour faire face à des catastrophes naturelles (dont 100 millions pour les inondations de l’été dernier).

Et si l’État prend en charge une partie des dégâts, les assurances sont aussi largement mises à contribution. Depuis 2016, elles ont décaissé 362 millions d’euros pour des conséquences liées à des catastrophes climatiques, dont 125 millions pour les inondations des 14 et 15 juillet.

«Les assurances jouent un rôle essentiel dans le transfert des risques permettant aux ménages, aux entreprises et à l’économie nationale d’atténuer les conséquences des catastrophes climatiques», rappelle la Cour des comptes. Mais, pour mener à bien son rôle, le monde des assurances a dû évoluer face à la multiplication de ces phénomènes.

De nouvelles couvertures

Certaines catastrophes naturelles sont depuis longtemps assurées par des assurances privées. C’est le cas de l’assurance tempêtes, qui inclut aussi la grêle ou la neige. «Elle a montré son utilité au début des années 90 au Luxembourg et dans les régions avoisinantes, où il y a eu de fortes tempêtes, et bien sûr avec la tornade qui a eu lieu à Bascharage», se rappelle Marc Hengen.

Mais les assurances luxembourgeoises ont dû suivre l’évolution concernant les inondations, dont les manifestations se sont transformées avec le réchauffement climatique. Traditionnellement, elles avaient lieu en hiver, le long de la Moselle ou dans la vallée de l’Alzette. À cause de fortes pluies hivernales ou de neige, ces fleuves sortaient régulièrement de leurs lits.

Aucune solution d’assurance privée n’existait alors pour les dommages liés à ces inondations hivernales. «Le même sinistre touchait tous les ans les mêmes personnes, donc le système de mutualisation des risques, qui est la base de toute assurance, ne fonctionnait pas», explique Marc Hengen.

Inondations d’été

Mais, depuis cinq ans, le dérèglement climatique a fait son œuvre: en hiver, il pleut moins et les inondations sont moins fréquentes. Au contraire de l’été, où de brefs orages de chaleur provoquent de fortes précipitations localisées, ce qui entraîne des dégâts dus à des inondations, mais aussi à des glissements de terrain.

Les victimes ne sont alors plus seulement les habitants vivant près des cours d’eau. L’ensemble du territoire peut être concerné. Ainsi, en mars 2017, suite aux inondations de la vallée de l’Emz de juillet 2016, et sur demande du ministère des Finances, une couverture est proposée par les assureurs membres de l’ACA pour toute la population, en plafonnant les indemnités à 20.000 euros pour les résidents vivant dans des zones inondables et à 200.000 euros pour les habitants des zones non inondables.

«De plus en plus de personnes voient l’utilité de disposer d’une telle couverture d’assurance», constate Marc Hengen. Suite aux inondations de juillet dernier, le dispositif a en effet montré son utilité: 90% des dégâts étaient concentrés dans des zones déclarées non inondables.

Pourra-t-on continuer à financer la réparation des dégâts causés par les catastrophes naturelles?
Marc Hengen

Marc Hengendirecteur généralACA

Mais, avec des catastrophes climatiques dont le nombre et le coût se multiplient, jusqu’à quand est-il rentable pour les assureurs de les prendre en charge? «Pourra-t-on continuer à financer la réparation des dégâts causés par les catastrophes naturelles? À un certain moment, c’est une question de prix. D’où la question: cela reste-t-il encore assurable?», s’interroge Marc Hengen, qui prévient: «Des limites existent, on ne peut pas y aller à l’infini.»

Hausse des primes

Une solution pour les assureurs est d’augmenter le prix des primes d’assurance. «Suite à la récurrence des catastrophes naturelles ayant touché le Luxembourg ces dernières années, les primes d’assurance seront inexorablement majorées», prévient ainsi la Cour des comptes. «La logique le veut: s’il y a de plus en plus de sinistres qui coûtent de plus en plus d’argent, il est clair que les assureurs doivent le répercuter sur les clients, c’est la base même de l’assurance», explique le directeur de l’ACA.

Mais cette inflation des prix pourrait empêcher le client lui-même, faute de moyens, de recourir à l’assurance. «La prime demandée restera-t-elle vendable ou acceptée par un potentiel client? Si tous les clients considèrent que c’est beaucoup trop cher, à moins d’en faire des assurances obligatoires, ce sera un problème», constate Marc Hengen.

Trouver un réassureur

De manière générale, pour faire face à l’augmentation des coûts liés aux catastrophes climatiques et conserver sa stabilité financière, l’assureur s’assure lui-même auprès de réassureurs pour ce genre de risques. Mais, «s’il ne trouve pas de réassureur, il va limiter son intervention, voire même s’arrêter de proposer de telles couvertures afin de ne pas mettre en péril l’entreprise – ce qui est une obligation des dirigeants», explique Marc Hengen. Qui rassure: «Pour l’instant, la réassurance est toujours disponible.»

Les assureurs et les réassureurs ont prévenu qu’à partir d’un réchauffement de 4°C, la planète ne serait plus assurable.
Marc Hengen

Marc Hengendirecteur généralACA

Mais jusqu’à quand? «Les assureurs et les réassureurs ont prévenu qu’à partir d’un réchauffement de 4°C, la planète ne serait plus assurable. Financer la réparation des dégâts suite aux catastrophes naturelles d’un réchauffement climatique si important ne serait plus possible sans que ces entreprises fassent faillite», précise Marc Hengen.

Selon le dernier rapport de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), l’année 2021 a connu une température moyenne d’environ 1,11°C supérieure à sa valeur préindustrielle. Et, selon l’Onu, si les engagements pris pour réduire les émissions de gaz à effet de serre sont respectés, le monde est en passe de se réchauffer de 2,7 degrés au cours de ce siècle.

Cet article a été rédigé pour la newsletter Paperjam Green, le rendez-vous mensuel pour suivre l’actualité en matière d’environnement, de climat, de mobilité, de RSE et de green finance.