Selon le CNFP, les dépenses liées au vieillissement de la population passeraient de 16,1% du PIB en 2021 à 24,6% du PIB en 2070. (Photo: Archives/Maison Moderne)

Selon le CNFP, les dépenses liées au vieillissement de la population passeraient de 16,1% du PIB en 2021 à 24,6% du PIB en 2070. (Photo: Archives/Maison Moderne)

D’ici à 2070, les dépenses liées au vieillissement de la population pèseront 24,6% du PIB du Luxembourg, qui affichera une dette de 168% de son PIB, selon l’analyse glaçante du Conseil national des finances publiques. À fortement nuancer cependant.

En première lecture, le dernier rapport du Conseil national des finances publiques (CNFP) sur la soutenabilité du vieillissement de la population a de quoi donner des sueurs froides. Dans son «», publiée dans le cadre du Ageing Report (AR) 2021 au niveau européen, il se concentre sur le poids des dépenses liées au vieillissement de la population. 

Selon son analyse, ces dépenses passeraient de 16,1% du PIB en 2021 à 24,6% du PIB en 2070, ce qui représente une augmentation d’environ un tiers (8,6 points de % du PIB). Les projections actualisées aboutissent ainsi à un coût du vieillissement toujours en nette progression. «À politique inchangée, le ratio d’endettement public dépasserait, à partir de 2047, le seuil de 30% du PIB. Le seuil ‘de Maastricht’ de 60% du PIB serait, quant à lui, dépassé en 2055. Par la suite, le ratio augmenterait fortement pour s’élever à 168% du PIB en 2070», met encore en avant la publication, concluant un peu plus loin que «le Luxembourg serait dès lors exposé à un risque élevé pour la soutenabilité à long terme des finances publiques, tandis que le risque ne serait pas significatif à court et à moyen terme».

Une analyse alarmante qui ne manquera pas de nourrir le débat à venir sur une réforme du système de pension au Luxembourg.

Pas de prise en compte des stabilisateurs économiques

Mais attention, le CNFP précise bien qu’il ne s’agit pas d’une «prévision», mais davantage d’une «tendance». La nuance est d’importance.

Ainsi, le CNFP explique que l’analyse est réalisée en prenant en compte une «législation constante et fait l’impasse sur le fait que les divers régimes – pensions, soins de santé, soins de longue durée – prévoient l’application de stabilisateurs automatiques intervenant à des moments précis, comme notamment le dépôt d’un projet de loi spéciale permettant le relèvement des taux de cotisation dès que les réserves (notamment du régime général des pensions) tombent en dessous d’un certain seuil, atténuant ainsi l’augmentation des coûts budgétaires afférents. En outre, les actifs du Fonds de compensation commun au régime général de pension (représentant actuellement 35,7% du PIB) ne sont pas considérés dans les projections du AR 2021».

Des marges d’incertitude

Le CNFP précise également que «plusieurs hypothèses faites dans les projections du AR 2021 sont entourées d’une grande marge d’incertitude, voire interpellent». Il souligne ainsi les incertitudes liées aux hypothèses démographiques aboutissant à 788.000 habitants en 2070 et non à 1.035.000 habitants comme prévu dans l’AR précédent, datant de 2018. Ou encore d’une hypothèse d’une forte hausse de l’emploi frontalier passant au-dessus de 50% de l’emploi total dès 2031.

Un problème déjà évoqué

En 2019, en soulignant qu’il s’agissait d’un «énorme enjeu pour les années à venir». Selon les analyses de l’époque, l’évolution de la charge des pensions en fonction du PIB devait passer de 9% à 18% en 2070. «C’est un cas unique en Europe, lié notamment au vieillissement de la population, au phénomène des travailleurs frontaliers…», soulignait Muriel Bouchet, directeur du think tank de la Chambre de commerce, tout en indiquant que «la difficulté est d’imaginer à quoi ressemblera le Luxembourg en 2070».

Il y a quelques mois, , encore président du CES, qui a longtemps travaillé sur la question de la soutenabilité des pensions au Luxembourg, «Sur ce sujet, j’ai un avis personnel, car j’ai beaucoup travaillé sur le dossier des retraites pendant une très longue partie de ma carrière. J’en suis malheureusement venu à la conclusion qu’il ne sera pas possible d’arriver à une solution intelligente avant d’être face au mur. Il n’y aura que l’urgence qui pourra mettre tout le monde d’accord. D’ici là, on va continuer malgré la non-soutenabilité du système. On va continuer comme si de rien n’était. C’est malheureux, mais c’est comme ça. Je suis pessimiste et j’ai abandonné tout espoir sur ce dossier», avait-il expliqué lors d’une interview à Paperjam.