Fin juillet, Israël a saisi 84 comptes de monnaie cryptée qui appartenaient à des membres du Hamas. Un nouveau revers dans le nouveau mode de financement du terrorisme. (Photo: Shutterstock)

Fin juillet, Israël a saisi 84 comptes de monnaie cryptée qui appartenaient à des membres du Hamas. Un nouveau revers dans le nouveau mode de financement du terrorisme. (Photo: Shutterstock)

Cinq ans après ses débuts médiatisés, la lutte contre le cryptofinancement du terrorisme est entrée dans une nouvelle ère en 2020. Hamas, Al-Qaida et autres officines sont dans le viseur des autorités, comme en témoigne la dernière saisie, en Israël, de comptes flagués par la start-up luxembourgeoise Scorechain.

Il y a fort peu de chances que les 13,5 bitcoins reçus par Nick Fuentes le 8 décembre soient un jour classés dans la rubrique «Financement du terrorisme». Non seulement le suprémaciste blanc, banni de YouTube pour incitation à la haine raciale, tenait un porte-voix à la main le jour de l’attaque du Capitole, mais le jeune homme en costume gris et cravate rouge était aussi celui, parmi les 22 activistes réputés proches de l’ex-président américain Donald Trump, à avoir reçu le plus d’argent d’un mystérieux donateur (plus de 500.000 dollars à ce moment-là) pour «bousculer» les élus américains…

Dans le rapport de la start-up américaine Chainalysis, publié en février, il apparaît juste après la section dédiée au financement du terrorisme. Longtemps complètement à l’abri dans un monde relativement anonyme, les bricoleurs du dimanche du bitcoin et de quelques autres cryptomonnaies ont péché par arrogance, convaincus que personne ne viendrait mettre le nez dans leurs affaires.

Ils ont eu tort. Depuis 2016, le FBI a entamé un long travail d’enquête, qui mélange la surveillance de réseaux sociaux, de plateformes d’échange – régulées ou non – et d’autres forums… C’est là qu’il repère Ibn Taymiyya Media Center (ITMC), la vitrine légale du Mujahideen Shura Council (MSC), groupe djihadiste basé à Gaza et  par le département d’État américain. 

L’ITMC invite les donateurs potentiels à prendre part à la campagne «Jahezona» («Équipez-nous!») depuis Twitter, YouTube et Telegram, en communiquant une adresse bitcoin qui sera utilisée une cinquantaine de fois pour des dons de 164 dollars en moyenne. Plus de la moitié des dons viennent de mélangeurs, des solutions informatiques qui permettent de vendre et d’acheter des bitcoins jusqu’à ce qu’il devienne compliqué d’aller jusqu’à l’origine de ces fonds.

Trois ans plus tard, en 2019, une nouvelle campagne, des Izz ad-Din al-Qassam Brigades (IQB) cette fois – la branche militaire du Hamas et une autre  –, va se dérouler en trois étapes. Un QR code à flasher qui dirigeait les donateurs vers un exchange réglementé aux États-Unis (sic!), puis un compte privé… mais malheureusement immédiatement tracé, et, finalement, une adresse bitcoin hébergée sur son site qui donnait une adresse unique à chaque donateur, .

Les deux campagnes restent très modestes, puisque les dons n’excèdent pas les 10.000 dollars, mais, note la start-up, les organisations terroristes sont très bien formées et continuent d’améliorer leurs processus. Comme en témoigne le coup de filet du ministère américain de la Justice en août 2020. , le DoJ annonce avoir saisi un million de dollars en monnaies cryptées, impliquant les Al-Qassam Brigades, la branche militaire du Hamas, Al-Qaida et l’État islamique en Irak et au Levant (ISIS).

De nouvelles règles en Europe

Et rebelote, fin juin, le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, , détenus par des membres du Hamas. Occasion pour la start-up luxembourgeoise de montrer son savoir-faire en matière de KYC-AML dans le domaine des cryptomonnaies. , Scorechain, qui compte une centaine de clients dans 36 pays, montre comment sa plateforme va pouvoir suivre ces 84 adresses et les comptes qui les utiliseront.

Deux ans après l’introduction de nouvelles règles par le Gafi, seul un quart des pays les ont mis en application, regrette Steffen Kern, économiste en chef et responsable de l’analyse des risques auprès de l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA), .

L’Union européenne a pris le problème par un autre bout, le 20 juillet, à l’occasion de la publication d’un nouveau paquet législatif. Outre une nouvelle Autorité de lutte contre le blanchiment, qui ajoutera l’obligation pour toutes les plateformes de respecter les règles du «know your customer» et de l’antiblanchiment. Selon Europol, 1% du PIB européen est associé au blanchiment ou au financement du terrorisme.