Certaines entreprises faisant l’objet d’une décote présentent un intérêt d’investissement sur le marché des obligations corporate. (Photo: Shutterstock)

Certaines entreprises faisant l’objet d’une décote présentent un intérêt d’investissement sur le marché des obligations corporate. (Photo: Shutterstock)

Dans une certaine mesure, les marchés obligataires continuent d’attirer des investisseurs. Bien que le marché des obligations d’État soit paralysé, celui des obligations d’entreprises fait l’objet de prévisions enthousiastes.

Après la période désormais révolue du portage intensif sur les marchés obligataires au cours de la décennie précédente, la question reste maintenant de savoir quelle stratégie adopter pour trouver des primes de risque qui génèrent du rendement. Le gérant de fonds obligataires Octo AM a justement tenu informés ses investisseurs luxembourgeois à ce sujet. Créé en 2011, Octo AM est devenu une filiale du groupe français Amplegest en 2018, diversifiant alors sa base de clientèle avec des investisseurs institutionnels, des multigérants, des family offices, ou encore des conseillers en gestion de patrimoine.

À en croire les chiffres partagés par Octo AM, les obligations sont restées attractives en 2021. Le gestionnaire spécialisé qui détient trois fonds obligataires avait ainsi débuté l’année dernière avec la somme de 185 millions d’encours pour la finir avec presque 300 millions d’euros, soit une croissance de pas loin de 50%.

Avec son fonds phare, Octo Crédit Value, qui a témoigné d’une performance de plus de 5% au cours de l’année 2021, Octo AM déclare que, «malgré l’ombre du variant Omicron, c’est dans une ambiance de fête que s’est terminée l’année 2021, avec des indices boursiers propulsés à des niveaux records, soutenus par l’optimisme des investisseurs sur l’envergure de la croissance et la normalisation de l’inflation».

La fin des obligations d’État et des indices

Un tel discours a pourtant de quoi surprendre, alors que le marché obligataire des taux a affiché en 2021 une performance de presque -5%. Un score aussi négatif n’avait plus été enregistré depuis 1999. Aucun krach obligataire ne s’est pourtant produit, comme craint dans certains milieux. Les portefeuilles institutionnels n’ont pas clivé non plus pour autant. Les investisseurs ont tout simplement cédé leurs positions sur les taux. Une tactique adoptée également par Octo AM, qui note dans l’un de ses commentaires de gestion: «En amont des réunions des banques centrales et face au consensus sur la hausse des taux souverains, nous avons fortement réduit la duration du fonds en cédant notre exposition aux obligations d’État.»

La vente massive des obligations d’État a dès lors abouti à un déclin des flux sur les marchés obligataires. Force est également de constater que le marché des obligations d’État répond désormais davantage à une logique politique et réglementaire qu’à une logique financière. Il devient donc de plus en plus difficile pour les principaux détenteurs d’obligations d’État de les revendre.

En achetant des indices obligataires, la performance que l’on aura dans cinq ans est généralement proche du rendement embarqué de l’indice. Actuellement, le rendement des indices est quasi nul, ce qui augure, en moyenne sur cinq ans, des performances proches de zéro pour les indices.
Matthieu Bailly

Matthieu Baillydirecteur général délégué et gérant de portefeuillesOcto AM

Une stratégie de repli pourrait donc être d’acheter des indices obligataires. Ce qui revient à investir dans des obligations corporate, qui sont elles-mêmes achetées par les banques centrales; en conséquence de quoi elles présentent malheureusement un portage proche de 0%. «En achetant des indices obligataires, la performance que l’on aura dans cinq ans est généralement proche du rendement embarqué de l’indice», explique Matthieu Bailly, directeur général délégué et gérant de portefeuilles chez Octo AM. Il ajoute: «Le rendement de l’indice était à 8% en 2008, la performance entre 2008 et 2013 était de 8% annuels en moyenne. Actuellement, le rendement des indices est quasi nul, ce qui augure, en moyenne sur cinq ans, des performances proches de zéro pour les indices.»

Dans un contexte où ni les banques centrales, ni les principaux investisseurs institutionnels ne vendent plus, où les particuliers ne possèdent plus d’obligations d’État et où les indices obligataires ne rapportent plus, un repositionnement stratégique sur le marché des obligations d’entreprises reste encore possible. Le but étant d’identifier une décote d’une entreprise. Ce qui est d’ailleurs l’objectif du fonds Octo Crédit Value, qui, en vue de surperformer son indicateur de référence à trois ans, «investit essentiellement sur des obligations qui bénéficient d’une décote temporaire par rapport à leur valeur intrinsèque en limitant au maximum le risque de taux et de change».

La stratégie de la décote

Une décote équivaut donc à une prime de rendement. «Notre univers d’investissement étant composé d’environ 15.000 émetteurs, il sera assez facile d’en trouver quelques-uns où des décotes ne sont pas justifiées», déclare Matthieu Bailly. Il existe pour ce faire des facteurs intrinsèques liés à l’entreprise elle-même. Par exemple, une entreprise de qualité domiciliée dans un pays en crise peut tout à fait bien faire l’objet d’une décote. De la sorte, l’Ukraine pourrait bien devenir un sujet d’investissement particulier pour peu que les entreprises sélectionnées ne se retrouvent pas situées sur d’éventuels théâtres de guerre.

Notre univers d’investissement étant composé d’environ 15.000 émetteurs, il sera assez facile d’en trouver quelques-uns où les décotes ne sont pas justifiées.
Matthieu Bailly

Matthieu Baillydirecteur général délégué et gérant de portefeuillesOcto AM

Il arrive également que des changements dans une structure actionnariale, des problèmes juridiques matériels ou de fortes réglementations mènent à une décote temporaire ou injustifiée d’une entreprise. Prenant l’exemple d’opérateurs économiques réglementés, Octo AM cite la société d’énergie EDF, qui a connu en janvier une chute significative de son action, suite à l’exigence du gouvernement français de vendre son électricité à un prix entre 42 et 46,2 euros le mégawatt/heure, alors qu’elle l’achètera elle-même à 300 euros sur les marchés, sans compter l’annonce quasiment simultanée d’une réduction de sa production d’énergie nucléaire. Selon Octo AM, «cette opération de l’État français peut-être considérée comme un avant-goût d’autres opérations comparables pour décorréler les chiffres de la réalité économique – ici, l’inflation». Sans surprise, les secteurs régulés constituent un danger pour les investisseurs, un État pouvant y modifier les règles de façon impromptue.

D’autres types de facteurs, extrinsèques cette fois, peuvent aussi provoquer des décotes sur certaines obligations, liées au marché. Des entreprises méconnues en raison de l’absence de recherche externe, des leaders méconnus d’une industrie ou l’absence de notation d’agences peuvent ainsi tout à fait provoquer une décote de certains émetteurs obligataires.

Avec la stratégie des décotes sur le marché obligataire d’entreprises, les obligations restent donc toujours attractives pour les investisseurs et offrent même une série d’avantages par rapport au marché des actions. Le portage y étant plus favorable, les prix étant définis à l’avance, si l’émetteur ne fait pas défaut, il est alors aisé d’acheter une prime à l’horizon de cinq ans.