La crise n’épargne pas le transport aérien. Près de 200 aéroports régionaux voient leur survie menacée. (Photo: Romain Gamba / Maison Moderne)

La crise n’épargne pas le transport aérien. Près de 200 aéroports régionaux voient leur survie menacée. (Photo: Romain Gamba / Maison Moderne)

L’association des aéroports européens (ACI) lance un cri d’alarme: 193 aéroports pourraient mettre la clé sous la piste. Principalement des aéroports régionaux. Et d’appeler les États à leur venir en aide. À moyen terme, l’association estime que tout le modèle économique des aéroports devra évoluer.

Les chiffres dévoilés par l’ACI, l’association des aéroports européens, lors de son assemblée générale donnent le tournis: en novembre, le trafic était inférieur de 86% à celui de 2009. Les 500 membres de l’association ont franchi le cap du milliard et demi de passagers perdus. Des passagers qui constituent la source essentielle de recettes. D’autant plus que les aéroports ont dû accorder d’importantes réductions de redevances aux compagnies aériennes pour les aider à préserver ce qui pouvait l’être.

350 millions de pertes par semaine

Avec, à la clé, une perte, à l’échelle européenne, de 350 millions d’euros par semaine. Mieux que les 600 millions observés au deuxième semestre. «Mais insoutenable sans l’aide des gouvernements», insiste Olivier Jankovic, le directeur général de l’association. Les États ont globalement mis la main à la poche: 930 millions sont allés aux aéroports, et 590 millions pour les entreprises de services aéroportuaires. Loin des 32 milliards qu’ont reçus les compagnies aériennes.

Mais les aides n’auront qu’un temps. En 2024, toute aide visant à combler un déficit d’exploitation sera interdite par l’Union européenne. «Une UE qui fait actuellement preuve de souplesse face aux aides et subventions des États et des collectivités locales», estime Christian Delcourt, communication manager de Liège Airport. Une souplesse temporaire.

Les quarantaines sont inefficaces. Elles n’empêchent pas les gens contaminés de voyager.

Jost LammersprésidentACI

Plus de subventions et une reprise du trafic sont les deux demandes de l’ACI. Qui souhaite l’abandon des mesures de quarantaine au profit de tests Covid rapides. Une étude commandée par l’ACI assure qu’il n’y a aucune corrélation entre le niveau de trafic aérien et l’évolution de la pandémie en Europe. «Les quarantaines sont inefficaces. Elles n’empêchent pas les gens contaminés de voyager», assure le président de l’ACI Jost Lammers. Pas sûr que ce discours soit actuellement audible.

La crise du Covid-19 a surtout montré les limites du modèle économique des aéroports européens, basé sur la croissance continuelle du trafic et sur les recettes annexes perçues sur les voyageurs. Que ce soit les parkings ou les revenus issus d’activités commerciales. «Certains aéroports sont devenus de véritables galeries marchandes», rappelle Christian Delcourt.

Et si les acteurs sont conscients du besoin de faire évoluer cela, les marges de manœuvre s’annoncent étroites. D’un côté, 750 plateformes aéroportuaires soucieuses d’attirer du trafic, et donc des passagers. De l’autre, des compagnies aériennes opposées à toute hausse des redevances au nom d’un retour à la normale qui ne se fera qu’en contrôlant encore plus les coûts. Une guerre des tarifs semble se dessiner, avec, à la clé, des prix cassés, ce qui aura des conséquences sur les infrastructures, prédit l’ACI.

Metz-Nancy-Lorraine en zone de turbulences

La concurrence, on connaît dans la Grande Région. Sur un espace de 65.000 kilomètres carrés, on compte huit aéroports.

Un au Luxembourg, trois en France – à savoir, Paris-Vatry, qui, malgré son nom, est proche de Châlons-en-Champagne, Metz-Nancy-Lorraine et l’aéroport international de Strasbourg –; un en Sarre, Sarrebruck-Ensheim; un en Rhénanie-Palatinat, Francfort-Hahn; et deux en Wallonie, Charleroi et Liège.

Leurs situations sont très différentes. Les trois aéroports français étaient déjà en difficulté avant la pandémie. Et l’heure est au regroupement pour les infrastructures. Sans vraiment savoir quelle forme prendra cette volonté politique.

Plus proche voisin du Luxembourg, l’aéroport Metz-Nancy-Lorraine est en pleine zone de turbulences. Avec le départ de Hop, la filiale régionale d’Air France, et la fin des vols internationaux vers le Maghreb, les perspectives d’avenir sont plus que limitées. Il n’y a plus qu’une seule – petite – compagnie active, Twin Jet, qui dessert Lyon.

Et si personne ne veut parler de fermeture au nom de l’aménagement du territoire, aucune solution pérenne ne prend actuellement forme. Pour 2020, le chiffre d’affaires a baissé de 90% pour un manque à gagner de 4,3 millions d’euros. Son propriétaire, la région Grand Est, va supprimer 22 des 79 postes de l’infrastructure.

La crise que traverse cet aéroport est symptomatique de la situation des aéroports régionaux français. La plupart des 69 que compte le pays sont déficitaires. L’Union des aéroports français estime qu’un site accueillant moins de 700.000 passagers par an est voué à un déséquilibre financier chronique. Mais se garde bien de parler de fermeture.

On aurait presque honte de dire que tout va bien.

Christian Delcourtcommunication managerLiège Airport

Une fermeture potentielle qui serait plus un problème qu’un gain potentiel pour l’aéroport du Findel. La piste lorraine est la destination d’accueil pour les avions qui ne peuvent atterrir au Luxembourg pour des raisons de force majeure. Tout comme Sarrebruck, d’ailleurs. Metz-Nancy-Lorraine doit également drainer une partie du trafic luxembourgeois lors de la réfection des pistes du Findel désormais prévue pour 2021, et qui devrait durer au moins deux ans.

La situation est meilleure en Belgique. Liège Airport, dont le modèle économique est exclusivement dédié au fret, se porte bien. «On aurait presque honte de dire que tout va bien», résume Christian Delcourt. La perspective de devenir un hub logistique européen pour l’acheminement des vaccins anti-Covid – il a d’ailleurs été désigné comme tel par l’Organisation mondiale de la santé – le renforcera.

Charleroi, par contre, subit de plein fouet la baisse du trafic passager. En novembre, l’aéroport a tourné à 21% de ses capacités par rapport à novembre 2019 en termes de transport de voyageurs. Le nombre de mouvements commerciaux a chuté de 63% à 1.623. Mais Brussels South Charleroi Airport, qui a transporté ces dernières années près de 8 millions de passagers, ne joue pas sa survie à court terme.

Findel: un retour à la normale attendu en 2023

Situation similaire au Findel. «Nous ne sommes pas un aéroport régional», commente Lux-Airport. «Nous pouvons compter sur des sources de revenus très diversifiées grâce, par exemple, à nos activités foncières et à la clientèle très variée que nous attirons.» Mais la situation reste tendue: «Aucun aéroport n’est économiquement rentable pour le moment, surtout dans la situation actuelle où il y a peu de passagers à l’aérogare, qui apporte normalement des revenus non-aviation avec leurs achats quand ils volent. Des revenus indispensables pour que les infrastructures s’autofinancent.»

Depuis le début de l’année, le nombre de passagers a reculé de 65%. En 2019, on comptait une moyenne de 800 vols semaines pour 4,4 millions de passagers transportés, dernier record en date. Une perte d’activité compensée grâce aux vols cargo et aux vols médicaux. «Dans cette situation, nous avons vu que notre aéroport est une infrastructure très importante pour le pays et la Grande Région», indique Lux-Airport. Un atout, en attendant un retour à une activité normale pour 2023.