Acquittement à 15 heures, levée de 50 millions d’euros à 16 heures: Gabriel Bugala est passé par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, ce jeudi 19 mai. (Photo: Guy Wolff/archives Maison Moderne)

Acquittement à 15 heures, levée de 50 millions d’euros à 16 heures: Gabriel Bugala est passé par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, ce jeudi 19 mai. (Photo: Guy Wolff/archives Maison Moderne)

Hasard du calendrier, l’entrepreneur qui revendique une révolutionnaire technologie de stockage d’énergie, Gabriel Bugala, a été acquitté ce jeudi d’une tentative d’escroquerie à 150 millions d’euros… et a levé plus de 50 millions d’euros pour son projet. Les nuages s’éloignent.

Le vent avait chassé les nuages et l’orage, ce jeudi, bien avant 15 heures à la Cité judiciaire. Ni Gabriel Bugala ni son avocat Sébastien Lanoue n’étaient présents au tribunal pour entendre que l’entrepreneur était acquitté des accusations portées contre lui par les banques Edmond de Rothschild et ING.

Les deux banques reprochaient  d’avoir tenté de mettre la main sur 150 millions d’euros, en 2013, appartenant à Seham Al Jassar, devenue récemment la dirigeante d’une des plus influentes familles koweïtiennes, dans un contexte de rachat d’une société en Belgique. Le rachat avait échoué, AXA l’emportant au final, et même si M. Bugala avait «titillé» la rigueur des banquiers, le transfert des fonds ne semble jamais être allé plus loin que des échanges de’-mails à une époque où la signature électronique n’était pas aussi développée qu’aujourd’hui.

Si le Parquet a théoriquement 40 jours pour interjeter appel, on voit mal comment le ministère public pourrait prouver cette dernière partie, la police n’ayant jamais cherché à joindre Mme Al Jassar pour recueillir son témoignage, a admis le commissaire de police en charge de l’enquête, à l’audience.

Double levée de fonds et troisième en vue

Près de 10 ans plus tard, ce n’est pas tout à fait la fin de son épopée judiciaire: déjà interdit de gestion d’entreprise en France à la suite de malversations d’une société dont il avait confié la gestion à un ami en Corse, M. Bugala a déjà été condamné à neuf mois de prison au Luxembourg pour banqueroute frauduleuse… sans avoir eu l’occasion de se défendre: son précédent avocat avait déposé la robe sans le prévenir qu’il faudrait qu’il se présente à une audience. Il a été condamné par contumace. Son appel avait été jugé irrecevable «par un double mouvement de changement législatif et de changement de jurisprudence», explique son avocat, joint dans l’après-midi par téléphone. L’affaire a été portée devant la Cour européenne des droits de l’Homme à Strasbourg. M. Bugala avait bénéficié d’un aménagement de peine et avait effectué quatre mois en semi-liberté.

«Ces trois dernières années ont été particulièrement éprouvantes par les efforts que M. Bugala et ses avocats ont dû faire pour nettoyer son passé», indique aussi Me Lanoue.

À l’audience, fin avril, l’intéressé avait reconnu, comme le procureur d’État, que son principal problème était son casier judiciaire. Au cours de sa défense, M. Bugala avait plaidé la négligence grave et caractérisée dans la gestion de ses affaires. «Oui, j’ai un passé assez compliqué», a-t-il dit à la barre. «J’ai une formation d’ingénieur, mais j’ai commencé très tôt mes études parce qu’à 14 ans, j’ai été mis en internat car j’avais des capacités supérieures à certains des élèves. J’étais en échec scolaire, justement parce que j’avais une vision des choses un peu différente. Pendant que mes camarades s’amusaient, je faisais déjà de la chimie, je bricolais. J’ai été à l’internat pendant cinq ans et on m’a expliqué que j’étais le meilleur, que je serai toujours le meilleur et que tout ce que je ferai, je le réussirai. Effectivement, quand j’ai commencé à travailler, j’ai pu faire des expériences intéressantes. J’avais cette énergie de chef d’entreprise qui me permettait de me dire que tout ce que je faisais, je le réussissais. Pendant des années, j’ai gagné beaucoup d’argent, j’ai travaillé, j’ai mis des choses en place, j’ai pu amener certains produits, des céramiques. Entre-temps, je travaillais, j’avais des commerces, mais j’ai mis au point une céramique pour Siemens pour récupérer l’énergie cinétique. J’étais négligent. J’ai mis du temps à comprendre, des années. Je me disais que ce que je faisais, ça allait bien marcher et, de toute façon, je faisais les choses dans les règles.»

Plus jamais il ne m’arrivera ce genre de choses»

Gabriel Bugala Ingem Group

«J’ai été considéré comme responsable de certaines choses où je mettais des personnes à ma place, qui faisaient et avançaient, qui étaient les gérants de la société, mais qui travaillaient pour moi. Ils tenaient mon rôle pendant que je continuais à faire des recherches pour continuer à développer ma céramique», a expliqué l’entrepreneur. «À Genève, j’ai expliqué à des scientifiques de quelle façon des systèmes pouvaient être appliqués à la céramique. J’ai été négligent. Si j’ai un passé aussi lourd, ce n’est pas parce que j’ai commis des choses, mais parce que j’ai laissé faire des choses.»

Le changement est venu, a-t-il raconté, le jour où sa fille a refusé qu’il prenne son petit-fils dans ses bras, jugeant que s’il était aussi négligeant avec son petit-fils qu’avec ses affaires, cela posait un problème. «Plus jamais il ne m’arrivera ce genre de choses. Aujourd’hui, je me suis entouré de grands avocats, d’avocats de grands groupes, de chefs d’entreprise, d’industriels, de personnes qui ont une vraie expérience dans tout ce qui est industriel. Ce que nous développons aujourd’hui va permettre à une entreprise de s’émanciper et de conquérir des marchés.»

Hasard du calendrier, le registre du commerce a publié, ce jeudi, une levée de fonds de 500.000 euros au bénéfice de NewTech Finance, rebaptisée Ingem Group. L’argent a été porté par M. Bugala lui-même, selon son avocat. La levée de fonds s’accompagne de la démission des deux frères Merle, administrateurs après le décès d’un d’entre eux pour raisons de santé, remplacé le Roumain Andrei Sever Muresan… qui a, lui aussi, connu les affres de la justice en étant à la fois acquitté et condamné à payer des dommages et intérêts. «Il faut remettre l’église au milieu du village», nuance M. Bugala, qui nous a rappelés une heure plus tard. «Il a refusé de financer la campagne de Ceausescu et a ensuite été ennuyé avec sa banque, Dacia Felix, aujourd’hui rachetée par des Américains.»

Et là, nouveau rebondissement: M. Bugala confirme dans la foulée avoir tout juste bouclé une autre levée de fonds, de 50 millions d'euros, d’un groupe financier européen, dont le nom devrait être connu ce vendredi. Car l’entrepreneur a toujours indiqué qu’il souhaitait que le projet voie le jour au Luxembourg.

Enfin, selon son avocat, la faillite des deux autres sociétés de M. Bugala, MW Invest et MW Energy, devrait rabattre pour «pouvoir les clôturer proprement».

Les nuages sont revenus en fin d’après-midi, mais M. Bugala et Lanoué semblaient plutôt enclins à danser sous la pluie!