La cérémonie de remise du Prix européen de la microfinance s’est déroulée à la Banque européenne d’investissement le 16 novembre. Le prestigieux prix annuel a récompensé la lauréate Claire Lossiane, directrice de Yikri, d’une somme de 100.000 euros devant quelque 350 participants.   (Photo: Infine)

La cérémonie de remise du Prix européen de la microfinance s’est déroulée à la Banque européenne d’investissement le 16 novembre. Le prestigieux prix annuel a récompensé la lauréate Claire Lossiane, directrice de Yikri, d’une somme de 100.000 euros devant quelque 350 participants.  (Photo: Infine)

Le 17 novembre, Delano s’est entretenu avec la directrice de Yikri, une société de services financiers basée au Burkina Faso, lauréate du Prix européen de la microfinance cette année. Le prix européen de la microfinance, une initiative de la direction luxembourgeoise de la Coopération au développement et des affaires humanitaires, vise à améliorer l’inclusion financière afin de réduire la pauvreté.

Yikri signifie «prêt à décoller» en langue locale, indique Claire Lossiane, directrice de Yikri, lors d’un entretien à Luxembourg. Créée en 2014 par l’ONG Entrepreneurs du Monde (EdM), Yikri propose des services financiers aux populations les plus pauvres du Burkina Faso, notamment aux femmes non couvertes par les institutions de microfinance (IMF) existantes, dans les quartiers périurbains de Ouagadougou et dans les zones rurales.

Il est étonnant de constater que les prêts (de faible montant, dont la durée et la fréquence de remboursement dépendent de l’activité) sont approuvés sans aucune forme de garantie ou de responsabilité conjointe. Claire Lossiane fait remarquer que les banques locales ne sont pas actives, car elles exigent des garanties solides pour les individus, et même pour Yikri.

Développer un sens de la communauté

«Les gens se trouvent dans une situation très difficile lorsqu’ils s’adressent à Yikri», commente Mme Lossiane. Elle explique que l’appartenance à une communauté permet aux individus de renforcer les liens avec d’autres personnes, de s’entraider et même d’innover en s’associant.

L’appartenance à la communauté Yikri est «un gage de confiance entre des bénéficiaires qui ne se connaissent pas… il suffit donc [de connaître] les besoins de chacun, et on peut faire le lien», note Mme Lossiane. Grâce aux conseillers agricoles de Yikri, elle se souvient que le bénéficiaire d’un prêt pour une couveuse d’œufs avait été mis en relation avec un autre qui cherchait désespérément des poussins.

Yikri: aider les bénéficiaires à s’aider eux-mêmes

Forts de leur formation universitaire en agroécologie, les conseillers agricoles de Yikri promeuvent des «techniques très simples, peu coûteuses et respectueuses de l’environnement», telles que l’utilisation de pesticides à base de neem.

Les conseillers agricoles de Yikri proposent non seulement des formations mensuelles, mais accompagnent également les débiteurs en leur rendant régulièrement visite. Ces rencontres favorisent «plus d’échanges de pratiques entre agriculteurs». Claire Lossiane pense qu’il y a une volonté d’apprendre, car ils voient leurs revenus augmenter.

Yikri propose des ‘’crédits coup de pouce’’ pour initier un projet avec des personnes… parfois analphabètes.
Claire Lossiane

Claire LossianedirectriceYikri

Yikri propose une large gamme de services complémentaires, tels que des formations pour mieux gérer les activités génératrices de revenus (AGR), l’appui d’experts sur les méthodes agricoles en milieu rural, des régimes d’assurance maladie adaptés prenant en charge jusqu’à quatre membres de la famille, l’appui de travailleurs sociaux mettant les bénéficiaires en contact avec les organisations compétentes, des discussions sur des questions sociales et de genre, l’appui à l’obtention de documents officiels, entre autres.

Yikri est également confronté à des situations où un mari demande à sa femme d’obtenir une partie d’un prêt pour ses dépenses personnelles. Claire Lossiane explique que le défi des travailleurs sociaux de Yikri est alors de réunir le couple pour mieux comprendre les faits, puis de trouver des tactiques non conflictuelles pour rallier le mari à la cause afin que la femme puisse poursuivre l’activité économique initialement prévue.

Un projet économique est-il une condition sine qua non pour obtenir un prêt?

«Yikri propose des ‘’coups de pouce’’ pour initier un projet avec des individus… qui sont parfois analphabètes», explique Mme Lossiane. Cela commence au niveau le plus basique: le formateur demande à l’individu «ce qu’il aime dans la vie et ce que nous pourrions faire pour l’aider». Des mini-projets sont ensuite mis en place pour les accompagner pas à pas vers une activité économique.

Peu d’impayés malgré l’absence de garanties

Malgré l’absence de garanties, Mme Lossiane est fière de constater que le taux d’impayés (plus de 30 jours de retard) «ne dépasse pas 3%» chez Yikri, alors qu’il se situe généralement autour de 5%, selon la BCEAO (Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest). «Cela montre que quelqu’un de bien accompagné veut respecter ses engagements.»

Élargir la base de financement

«La puissance financière et les programmes de réseau d’EdM permettent à Yikri de réaliser sa mission sociale et d’assurer sa viabilité financière», commente Mme Lossiane. La majorité des financements de Yikri provient du programme de «microfinance solidaire» d’EdM. Il s’appuie également sur SiDi), , une plateforme de crowdfunding, et Ada Luxembourg (Support for Autonomous Development) qui est membre d’ et qui est la plus grande ONG impliquée dans la microfinance au Luxembourg.

Comment Lossiane compte-t-elle utiliser l’argent du prix?

Le Burkina Faso souffre actuellement d’un nombre élevé de personnes déplacées à l’intérieur du pays en raison de «l’insécurité liée au djihad dans le nord du pays». Avec EdM, Mme Lossiane prévoit donc de soutenir les personnes qui se sont installées dans les zones périphériques de Ouagadougou.

Le thème de la Semaine européenne de la microfinance en 2024 devrait d’ailleurs porter sur les réfugiés et les personnes déplacées de force.

Cet article a été publié pour la newsletter Delano Finance, la source hebdomadaire d’informations financières au Luxembourg. .