Pour améliorer la parité, ou du moins la représentation des femmes, il ne faut pas tout attendre des mesures politiques. Voilà ce qui ressort des échanges menés avec plus d’une centaine de femmes dans le cadre de notre dossier Women on Board. Les entreprises aussi ont leur rôle à jouer, mais pas seulement. Laisser leur place aux femmes, c’est aussi une question d’éducation et de culture. Voici quelques mesures proposées par les administratrices luxembourgeoises pour accélérer le changement.
Sur le plan politique
«La parité entre les sexes ne se fera pas de manière organique. Cela nécessite une intention et une action, notamment politique», pense la partner et fondatrice d’Excelsia Concilia, Wafa Cheriti.
La gérante des salons Ferber et administratrice de Ferber Group, suggère une solution: la mise en place d’aides permettant aux femmes d’être davantage soutenues à la maison, dans leurs tâches quotidiennes. «Nous avons des femmes brillantes qui mettent de côté leur carrière pour s’occuper des enfants. Faciliter le soutien à la maison – avec, par exemple, des nounous ou des jeunes au pair – et simplifier les processus d’engagement de ces aides pourrait faire une grande différence. Cela permettrait à plus de femmes de concilier vie familiale et ambitions professionnelles», pense-t-elle.
Mais la politique ne saurait suffire à tout régler. «De mon point de vue, une combinaison de politiques, de pratiques et de changements culturels est nécessaire. L’établissement de quotas ou d’objectifs clairs et assortis de délais pour la représentation des femmes dans les conseils d’administration et dans les postes de direction peut accélérer considérablement le progrès vers la parité entre les sexes. De plus, les entreprises doivent mettre en œuvre des pratiques d’embauche et de promotions transparentes et impartiales», défend la head of corporate secretariat de Deutsche Bank Group Luxembourg, Christiane Hoffranzen.
Dans les entreprises
L’entreprise aussi a un rôle à jouer. Reprenons l’exemple du cabinet Elvinger Hoss Prussen, qui n’a pas attendu des mesures politiques pour favoriser la diversité, et pas seulement de genres. La flexibilité des environnements de travail et les opportunités de formation que peuvent offrir les entreprises permettent aussi de «renforcer la confiance et les compétences des femmes», assure , aujourd’hui davantage active en Belgique, mais qui a longtemps œuvré comme présidente de la Luxembourg Medicines Verification Organization (LMVO) ou encore comme cofondatrice de Letzpact et d’Eupati Luxembourg.
Dans la fonction publique, par exemple, cette flexibilité est davantage exploitée, selon la directrice des Archives nationales et présidente de l’International Council on Archives, . «J’estime, de façon générale, que le fait de travailler pour la fonction publique à Luxembourg constitue un grand privilège. Aujourd’hui, congés de maternité, congés parentaux, congés pour raisons familiales et autres permettent des aménagements horaires tout autres qu’à l’époque où j’ai intégré le marché du travail et où les actes d’équilibre entre vie privée, enfants, ménage et vie professionnelle relevaient parfois du véritable exploit», témoigne-t-elle.
D’autres éléments sont mis en avant par certaines femmes, comme le fait d’instaurer une meilleure «transparence dans les processus de recrutement», souligne la directrice adjointe et CIO de l’Adem, .
Imaginez que les appels d’offres ne puissent être envoyés qu’à des sociétés qui sont reconnues par un label dont la mixité est un critère d’obtention.
Administratrice à la St George’s International School, propose par exemple que «les entreprises soient tenues de divulguer des données et des stratégies en matière de diversité, d’établir des programmes de mentorat et de parrainage pour les femmes, de former les dirigeants et d’assurer la diversité des bassins de nomination au conseil d’administration».
«Dans leurs règles d’inscription, les bourses peuvent exiger des émetteurs qu’ils adoptent une politique sur la diversité au sein de leur conseil d’administration et qu’ils fournissent des informations sur les objectifs, les plans et les calendriers connexes dans leurs rapports annuels. Certains pays ont introduit des objectifs dans leurs codes de gouvernance d’entreprise, leurs lois sur les sociétés et leurs règles de cotation respectifs, et/ou applicables sur une base de ‘se conformer ou s’expliquer’ (et divulguer)», ajoute , administratrice dans plusieurs boards au Luxembourg.
La head of relationship management & client services de BNP Paribas Securities Services, Yasmine Din, propose une autre alternative, avec la reconnaissance des entreprises qui «jouent le jeu, par exemple via des labels, qui pourraient être une porte pour le business. Imaginez que les appels d’offres ne puissent être envoyés qu’à des sociétés qui sont reconnues par un label, tel que celui de l’INDR pour les entreprises socialement responsables (dont la mixité est un des critères d’obtention)».
Une question d’éducation…
Sensibiliser aux questions d’égalité et de parité dès le plus jeune âge semble être incontournable pour les femmes que nous avons interrogées. Mais cela vaut aussi à tout âge. «La sensibilisation au sujet est un bon début, tout comme la prise de conscience autour de sujets tels que les biais inconscients – c’est avant tout un travail individuel pour chaque personne se trouvant dans une position où elle sera amenée à faire progresser des membres de son équipe, idéalement sans égard à leur genre», pense l’associée de chez NautaDutilh, .
«Un mélange de sensibilisation pour apporter une véritable compréhension des discriminations auxquelles les femmes sont confrontées et de politiques concrètes, comme des réseaux de mentorat pour les femmes, sont des solutions. Mais, surtout, il faut commencer l’éducation de tous les enfants dès le plus jeune âge (à l’âge de 6 ans, un enfant a déjà intégré tous les stéréotypes de la société), afin de ne pas reproduire les schémas stéréotypés», poursuit la directrice d’IMS, .
Ce n’est pas seulement un combat de femmes
Plus globalement, pour Sonia Franck, «pour véritablement encourager la parité, il est essentiel de reconnaître que le changement ne peut pas venir uniquement des femmes. Les hommes jouent également un rôle crucial en tant qu’alliés et partenaires dans cette démarche.»
Cela débute finalement dans la sphère privée, à la maison. «Un des points essentiels, selon moi, est la participation croissante des hommes dans les tâches familiales, ce qui rétablit un certain équilibre entre les genres», pense la directrice de l’Adem et conseillère d’État , qui siège dans les conseils d’administration d’Idea, du FNR ou encore des CFL.
La deputy head of business unit Legal Governance de la Spuerkeess, Marilène Marquès, suggère d’ailleurs «d’impliquer les hommes dans les réflexions sur l’égalité et de former les femmes à négocier leur évolution de carrière, puisque nombreuses sont les femmes qui ‘n’osent pas’ et/ou ne ‘savent pas se positionner’ devant une opportunité de promotion et s’autocensurent malgré leurs compétences».
Mentoring et rôles modèles
Parmi les autres solutions proposées, celle du mentoring a souvent été citée. En lien avec l’importance des rôles modèles, qui «permettent de réaliser que les femmes peuvent et doivent occuper des rôles de leadership». «En complément, il est important de mettre en place des politiques de mentorat et de formation qui favorisent la croissance des femmes dans les organisations. Ces initiatives doivent être complétées par des programmes de sensibilisation aux biais inconscients, qui encouragent tout le personnel à réfléchir à son attitude et à ses actions», pense Sonia Franck.
Une des clés est de valoriser les modèles stimulants et d’encourager les femmes à se former.
Un peu dans le même esprit, la director of brand & content chez Deloitte depuis mi-janvier plaide plutôt pour «augmenter le vivier de talents disponibles pour de tels postes. Les programmes de mentorat qui pourraient soutenir et préparer les femmes à envisager et à se préparer à des postes au sein d’un conseil d’administration sont d’excellents moyens d’y parvenir. De même, l’amélioration des possibilités de réseautage dans des forums spécifiques où les femmes peuvent entrer en contact avec les membres actuels des conseils d’administration et les décideurs pour explorer les options est une autre solution», pense-t-elle.
Plus globalement, «une des clés est de valoriser les modèles stimulants et d’encourager les femmes à se former, mais surtout à se lancer dans ces fonctions», souligne la directrice adjointe de l’Athénée et présidente du conseil d’administration des Rotondes, .