Critiquer collègues et supérieurs sur Whatsapp installé sur son ordinateur professionnel n’est pas forcément de nature privée, a conclu la Cour de cassation en décembre. (Photo: Shutterstock)

Critiquer collègues et supérieurs sur Whatsapp installé sur son ordinateur professionnel n’est pas forcément de nature privée, a conclu la Cour de cassation en décembre. (Photo: Shutterstock)

Fin décembre, la Cour de cassation a mis fin à deux ans de bataille juridique perdue par une employée face à sa direction. En jeu: l’utilisation de Whatsapp sur son ordinateur professionnel.

«J’ai l’intention d’offrir les croissants demain. Merci de m’indiquer par retour de mail si vous serez présent.»

La blague est très connue dans le petit monde de la cybersécurité: pour inviter les employés à verrouiller leurs ordinateurs dès qu’ils quittent leur poste de travail, un charmant collègue va envoyer un mail à toute la société, plaçant l’employé distrait – ou non respectueux des protocoles de sécurité – en situation délicate.

, la situation était très différente. Une employée, qui avait vu sa période d’essai interrompue par son employeur, avait d’abord contesté sa résiliation puisqu’elle était enceinte… avant que l’employeur n’évoque des messages peu amènes à propos de ses collègues et supérieurs sur Whatsapp installé sur son ordinateur professionnel, laissé allumé et avec le code, et découverts par la secrétaire de direction.

Différencier privé-professionnel

Messages privés protégés par le secret des correspondances ou messages professionnels puisque sur l’ordinateur professionnel? À cette épineuse question, la Cour a répondu que les messages privés étaient effectivement protégés par le secret des correspondances, même sur un ordinateur professionnel et même quand l’employeur interdit explicitement l’utilisation privée de l’ordinateur professionnel. À condition toutefois de respecter au moins une règle: faire en sorte que l’on comprenne directement que les messages en question étaient bien de nature privée.

La Cour de cassation a conforté la position de la Cour d’appel et donné tort à la plaignante.

La jurisprudence européenne reconnaît, elle aussi, que l’utilisation d’une messagerie électronique privée place les courriers électroniques par défaut dans la sphère privée où une messagerie électronique professionnelle les place dans la sphère professionnelle.

Droit à la déconnexion en stand-by

Les différences d’appréciation entre les juges de première instance, les juges d’appel, la Cour de cassation ou la Cour européenne des droits de l’Homme invitent à au moins deux choses: éviter d’utiliser à des fins privées les outils privés ou professionnels depuis son ordinateur professionnel et marquer très clairement les mails, messages ou documents de nature privée sur son ordinateur professionnel.

L’utilisation de Whatsapp, condamnée à 225 millions d’euros d’amende en 2021 par la CNPD irlandaise, pose de nombreuses questions dans le monde professionnel, qui vont du partage et du stockage de données, parfois professionnelles, sur des serveurs de Meta, à la déconnexion des employés (qui fait l’objet d’un projet de loi depuis septembre 2021 au Luxembourg, même à l’arrêt depuis l’avis du Conseil d’État fin juin 2022).