Dix ans plus tard, la société dirigée par Michel Craveiro prend 70% du marché avec 20% des véhicules sous licence. Facilité et transparence, deux atouts-clés, selon lui. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Dix ans plus tard, la société dirigée par Michel Craveiro prend 70% du marché avec 20% des véhicules sous licence. Facilité et transparence, deux atouts-clés, selon lui. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Filiale à 100% de Voyages Emile Weber, Webtaxi est sortie du Covid au ralenti, mais voit une nette reprise de son activité pour son 10e anniversaire. Et gardera un souvenir impérissable d’une course… vers la région de Malaga, au pire de la pandémie.

C’est l’histoire d’un naufrage de la route. Un couple d’Espagnols emmène bébé et chien dans son van pour un petit tour d’Europe. Une panne les cueille au Luxembourg au moment où le pays décrète le premier confinement, mi-mars 2020. «Nous avons reçu un coup de fil de leur assureur», explique le directeur de Webtaxi, Michel Craveiro, «qui nous a demandé comment nous pouvions les ramener chez eux, près de Malaga, au sud de l’Espagne.» Plus de 2.000 kilomètres. «Le problème est qu’ils avaient beaucoup de choses à prendre dans leur van. Nous avons dû faire appel à deux chauffeurs, qui ont fait l’aller et le retour après une nuit de sommeil… chez ces clients un peu spéciaux.»

Le prix de la course n’a pas vraiment permis à Webtaxi de juguler les pertes liées à l’arrêt de l’économie mondiale mais il a fait du bien au moral. Car convaincue dès le début que la pandémie finirait un jour, la société – crée en 2012 «pour répondre à une colère des autorités», explique le responsable de la mobilité chez Voyages Émile Weber, Cyrille Horper – fait le choix de donner autant de courses que possible à ses adhérents, quitte à mettre sa propre société de taxis, Benelux Taxis, provisoirement en difficulté.

Une pénurie de chauffeurs

«En 2020, notre activité a reculé de 93%!» explique Michel Craveiro. Mais à la différence d’autres sociétés de taxis qui ont mis la clé sous la porte, Webtaxi et Benelux Taxis s’en sortent. Aujourd’hui, ses 29 membres, des flottes de 1 à 21 taxis, permettent à la marque de prendre 70% du marché avec seulement 20% des 550 véhicules qui ont une licence du ministère des Transports. «Il y a toujours des voitures à l’arrêt, nous avons 120 voitures qui tournent et une cinquantaine le soir, par rapport à 160 le jour et 80 le soir avant le Covid. La clientèle B2B n’est pas encore de retour», dit-il même si 1.207 entreprises lui font confiance.

Mais le véritable problème est le même que celui rencontré par de nombreux secteurs économiques: «Il y a un manque de main-d’œuvre au niveau des chauffeurs de taxi. Il n’y en a plus, beaucoup de chauffeurs se sont reconvertis dans d’autres jobs. C’est un métier difficile où on travaille huit heures sur une amplitude de 12 heures, où la convention collective prévoit qu’on travaille six jours sur sept. Il faut faire la licence auprès du ministère et parfois ça prend un peu plus de temps que prévu. Le nouveau processus nous a quand même permis de recruter 14 chauffeurs depuis octobre, le ministère est assez réactif. Récemment, nous avons dû aller jusqu’à Lyon pour engager six chauffeurs. Plus près, il n’y en a plus!»

Aujourd’hui, 87% des déplacements avec Webtaxi se font dans des voitures électriques ou hybrides, «redécorées» à l’occasion du 10e anniversaire. (Photo: Webtaxi)

Aujourd’hui, 87% des déplacements avec Webtaxi se font dans des voitures électriques ou hybrides, «redécorées» à l’occasion du 10e anniversaire. (Photo: Webtaxi)

Si Webtaxi s’est largement imposée sur le marché, c’est que sa plateforme de réservation, pilotée depuis Niederanven, est transparente sur le prix: alors que se promener le long des taxis en attente offre une distrayante variété de tarifs autour de la prise en charge et des dix kilomètres – fruit d’une règle de transparence de 2017 – ici, c’est 33,20 euros pour tout le monde. 

«Non seulement tous les chauffeurs qui travaillent avec nous affichent le même tarif pour dix kilomètres mais tout est transparent quand vous commandez votre taxi. Vous savez s’il y en a un dans les parages, dans combien de temps il sera là et combien cela vous coûtera.»

Uber et le Uber à la luxembourgeoise, deux ambiances

Un zéro-mauvaise surprise qui s’accompagne de quelques différences avec le géant américain souvent cité en modèle:

– le chauffeur ne peut pas décliner une course s’il est désigné par l’algorithme pour la prendre sinon il s’exposerait à une plainte auprès du ministère;

– il ne connaît pas la destination finale ni le prix de la course du client jusqu’à ce qu’il ait pris le client en charge;

– il est possible de commander un taxi pour quelqu’un d’autre;

– les chauffeurs ont un numéro de CNS et cela leur permet de se soigner comme tout le monde et de partir à la retraite.

«C’est ce qui justifie le prix des taxis au Luxembourg», assume le directeur de Webtaxi, au moment où ceux qui voyagent en Europe ou aux États-Unis ne jurent que par les petits prix d’Uber. «Et les voitures ont vu leurs prix et les prix du carburant grimper. 89% de nos trajets, qu’ils soient dans la gamme Eco, Lime ou Van, se font en hybride ou voitures électriques. En 2015, nous avions même le premier taxi zéro émission!»


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Dix ans après sa naissance, Webtaxi n’est pourtant pas rassasiée par sa position. «Nous n’allons pas tellement dans le sud, où des acteurs bien établis font très bien le boulot, mais cela n’est pas exclu dans les années à venir. Tout dépend des membres qui adhèreront à notre système de réservation.» Ni même inquiet par les appétits de concurrents comme le DoorToGate de Sales. «C’est un tout autre service» balaie M. Craveiro. «Ils font plutôt du partage de mobilité, ce qui leur permet de proposer d’autres tarifs. Mais quand on y regarde d’un peu plus près, si je cherche un DoorToGate là où j’habite, je n’en trouve pas de disponible et ça rend le service plus cher qu’un taxi. Il faut calculer. Si vous prenez trois ou quatre personnes du même endroit, à la même heure et pour la même destination, oui, c’est super.»

Quant au projet d’«» relancé au début de l’été, c’est le pied sur le ballon. MM. Horper et Craveiro temporisent. «Nous verrons à quoi cela ressemble et nous nous adapterons», lâche tout juste Cyrille Horper. «Nous, on ne transporte pas une personne, on rend un service à un client en toute transparence et c’est à cela que nous sommes attachés!»