Matthieu Croissandeau: «Cette inégalité n’est pas seulement inacceptable sur le plan des principes. Elle est aussi absurde d’un point de vue économique.» (Photo: Maison Moderne)

Matthieu Croissandeau: «Cette inégalité n’est pas seulement inacceptable sur le plan des principes. Elle est aussi absurde d’un point de vue économique.» (Photo: Maison Moderne)

«Où sont les femmes?», s’époumonait déjà Patrick Juvet en 1977 dans une ode disco au deuxième sexe qui lui valut alors les foudres du MLF. Quarante ans plus tard, hélas, la question mérite à nouveau d’être posée. Non pas que les femmes aient disparu de la surface de la planète, bien sûr...

Cet édito est paru dans l'édition mars 2019 du .

«Elles sont là, il suffit juste de regarder», ironise d’ailleurs la ministre Taina Bofferding dans l’entretien qu’elle nous a accordé sur ce sujet (p. 56). De fait, en 2018, selon le Statec, les femmes représentaient exactement 49,73% de la population luxembourgeoise, soit une quasi parfaite parité. Mais dans les sphères du pouvoir, en revanche, que ce soit dans le public ou dans le privé, c’est une autre affaire: les femmes y restent encore largement sous-représentées.

Il y a cinq ans, le premier gouvernement Bettel s’était pourtant engagé à «promouvoir l’égalité des sexes, ainsi qu’une représentation équilibrée entre femmes et hommes dans tous les domaines et à tous les niveaux». Las. La nouvelle équipe formée le 5 décembre dernier ne compte que 5 femmes sur 17 ministres, soit à peine 30% de ses membres. À la Chambre des députés, c’est encore moins brillant: 15 femmes y siègent aux côtés de 45 hommes, soit seulement 25% des parlementaires. Le Luxembourg est loin de se classer parmi les meilleurs élèves en la matière sur le Vieux Continent. Selon les indicateurs reconnus de l’European Institute for Gender Equality (EIGE), le Grand-Duché se situe en effet en dessous de la moyenne de l’Union européenne pour ce qui est de la représentation des femmes dans la prise de décision en politique et très en dessous en ce qui concerne la prise de décision économique.

Même si les mentalités évoluent, même si les choses changent petit à petit dans les entreprises, même si des efforts notables ont été accomplis pour les nominations dans les établissements publics et dans les sociétés où l’État est représenté, on est donc encore très loin d’atteindre la parité. Cette inégalité n’est pas seulement inacceptable sur le plan des principes. Elle est aussi absurde d’un point de vue économique. Car toutes les études sur la diversité le montrent: les entreprises les plus performantes sont celles où les femmes ont le plus de postes à responsabilités.

Faut-il dès lors en passer par une politique de quotas plus ambitieuse et plus coercitive? Ou soutenir les actions positives pour encourager une prise de conscience collective? Un peu des deux, sans doute, tant chacun, à son niveau, porte une part de responsabilité: des familles, où la répartition des rôles obéit encore souvent à une distribution des tâches inégalitaires, jusqu’au sommet de l’État, en passant par les «boards» des entreprises ou encore les médias. Paperjam, qui a consacré l’an dernier 40% de ses couvertures à des figures féminines, doit lui aussi poursuivre ses efforts en la matière. Ce numéro spécial a le mérite de faire entendre les voix de femmes venues d’horizons divers. Gageons qu’il participera à sa façon à ce noble combat qui mérite d’être mené au quotidien et non pas une seule fois dans l’année!