Devenir astronaute? «Je n’ai pas construit ma carrière autour de cela», répond Raphaël Liégeois, retenu par l’ESA aux côtés de quatre autres astronautes, onze réservistes et un parastronaute. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Devenir astronaute? «Je n’ai pas construit ma carrière autour de cela», répond Raphaël Liégeois, retenu par l’ESA aux côtés de quatre autres astronautes, onze réservistes et un parastronaute. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

L’astronaute belgo-luxembourgeois Raphaël Liégeois s’apprête à débuter sa formation d’astronaute au sein de l’ESA, à Cologne. 

De passage à Luxembourg à l’occasion du lancement du concours , qu’il parraine, Raphaël Liégeois revient sur sa sélection dans la ). Au terme de sa formation qui débute en avril prochain, le Belgo-Luxembourgeois âgé de 35 ans recevra un autre entraînement avant de pouvoir décoller, vraisemblablement pour l’ISS. Rencontre.

Depuis novembre 2022 et l’annonce de votre sélection dans la nouvelle promotion d’astronautes de l’ESA, qu’est-ce qui a changé dans votre vie quotidienne?

Raphaël Liégeois. – «Jusqu’à maintenant pas grand-chose, je vais commencer l’entraînement de base en avril. Là, ça va vraiment changer. Nous allons, ma famille et moi, déménager en Allemagne. L’attention médiatique a un petit peu augmenté, mais jusqu’à hier (le 28 février, ndlr), je travaillais à Lausanne dans mon emploi précédent (de collaborateur scientifique à l’École polytechnique fédérale, ndlr).

La prochaine étape est le début de votre formation au Centre des astronautes européens de Cologne. Elle devrait débuter le 3 avril et durer un an. Comment vous préparez-vous à cela?

«Elle durera entre 13 et 14 mois. Nous allons arriver dans de bonnes conditions en termes d’organisation familiale pour être disponibles et apprendre un maximum. On nous a suggéré d’apprendre un petit peu l’allemand. Mais je n’ai pas eu le temps jusqu’à maintenant de faire autre chose que mon travail habituel.

Cette formation comporte une mise à niveau, de la dynamique de vol, l’apprentissage de la langue russe, du team building et un entraînement aux médias, c’est exact?

«Oui. Le team building sera organisé notamment via des stages de survie sur terre et en mer, à savoir en Suède et en mer Baltique, et nous allons visiter les différents sites de l’ESA.

L’apprentissage du russe est un petit peu un challenge pour tout le monde.
Raphaël Liégeois

Raphaël LiégeoisastronauteESA

Quel est le volet que vous appréhendez le plus?

«Tout me tente pas mal. Je pense que l’apprentissage du russe est un petit peu un challenge pour tout le monde, mais on va passer le temps qu’il faut pour cela.

Avez-vous déjà pu échanger avec vos quatre autres acolytes retenus pour cette promotion? Comment ça se passe?

«Nous étions à Paris trois jours avant , on s’est un peu vu à ce moment-là, mais on n’a pas eu l’occasion de se revoir. Nous échangeons des messages pour prendre des nouvelles, c’est cordial.

À quelle échéance pouvez-vous espérer être fixé sur votre sort et savoir si vous irez dans l’espace?

«Normalement, les cinq qui ont été sélectionnés iront dans l’espace, sauf accident ou imprévu. Une fois que l’entraînement de base sera terminé, nous attendrons d’être assignés à une mission. Il y a une place pour un Européen une fois tous les 12 à 18 mois. Donc, cela peut être à partir de 2024 ou attendre quelques années de plus. Car une fois que l’on est assigné, on suit deux ans d’entraînement. Le vol aura donc lieu au plus tôt en 2026 et au plus tard en 2031.

Raphaël Liégeois: «Je ne vois pas d’opposition entre être cartésien et être créatif.» Romain Gamba/Maison Moderne

Raphaël Liégeois: «Je ne vois pas d’opposition entre être cartésien et être créatif.» Romain Gamba/Maison Moderne

Devenir astronaute, c’est un projet que vous murissiez depuis vos études en neurosciences ou bien considérez-vous cela comme une cerise sur le gâteau de votre parcours académique?

«J’avais cela en tête depuis longtemps. Je pense que j’aurais eu plus de chance de réussir si j’avais fait un parcours en aéronautique. D’ailleurs, parmi les 17 (11 réservistes, 5 astronautes et 1 parastronaute, ndlr), la plupart sont plus proches de l’aéronautique que je ne le suis. Mais j’ai toujours gardé cela dans un coin de ma tête. Quand la sélection était ouverte, j’ai postulé et fait de mon mieux, mais je n’ai pas construit ma carrière autour de cela.

Vous avez acquis la nationalité luxembourgeoise en 2018. A-t-elle constitué un coup de pouce pour intégrer la promotion d’astronautes de l’ESA?

«Je ne sais pas. Je pense que ça ne peut pas faire de mal d’avoir une nationalité en plus et d’avoir un soutien politique supplémentaire. Mais, à part ça, il faudrait demander au ministre si ça a pu jouer. Des informations que j’ai pu obtenir, cela n’a pas joué.

Vous êtes Belge, mais vos parents ont travaillé au Grand-Duché et vous avez vécu à Differdange. Pourquoi avoir acquis la nationalité luxembourgeoise en 2018?

«J’ai habité 12 ans au Luxembourg et j’avais donc la possibilité de demander cette nationalité, ce que j’ai fait. 

La recherche est très utile et c’est un espace de créativité, de beauté.
Raphaël Liégeois

Raphaël LiégeoisastronauteESA

Vous êtes un scientifique, mais aussi un poète et un pilote sur votre temps libre. Vous prouvez donc qu’il est possible d’être cartésien et créatif à la fois?

«[Rire] Je pense qu’il y a un grand espace de créativité dans les sciences en général. C’est un message que j’aimerais faire passer: la recherche est très utile et c’est un espace de créativité, de beauté. Cela peut paraître bizarre, mais je trouve qu’il y a des équations mathématiques et des théorèmes qui sont super beaux. Je ne vois pas d’opposition entre être cartésien et être créatif. Justement, la créativité peut nourrir un esprit cartésien pour développer de nouvelles technologies, par exemple.

Vous avez un CV un peu atypique. Pourriez-vous partager avec nous quelque chose d’insolite dans votre parcours jusqu’à présent?

«Lors de la dernière étape de la sélection d’astronaute, on m’a demandé un truc fou dont j’étais fier. J’ai alors raconté cette fois où l’on avait attaché un synthétiseur en dessous d’une montgolfière en plein vol. J’ai joué la ‘Sonate au clair de lune’ de Beethoven. Elle est sur YouTube d’ailleurs (ci-dessous). Cette anecdote a fait rire les gens et cela a décontracté l’atmosphère [sourire].»