Le «tele-operated driving» a permis de conduire une voiture située à Sarrebruck depuis Schengen.  (Photo: Maison Moderne)

Le «tele-operated driving» a permis de conduire une voiture située à Sarrebruck depuis Schengen.  (Photo: Maison Moderne)

Une voiture conduite à distance par un ordinateur situé à une cinquantaine de kilomètres de là, d’autres qui se contactent l’une l’autre afin de partager des informations... Le tout dans un contexte de changement de pays et de réseaux. Voilà à quoi on a assisté à Schengen.

Même la tempête Aurore, qui a balayé une bonne partie de la Grande Région ce jeudi et mis certaines routes dans un sale état, n’a pas réussi à annuler ou même à repousser l’événement: la voiture autonome était bien de sortie du côté de Schengen. Ou plutôt, certaines fonctionnalités de cette voiture du futur étaient en démonstration, devant un parterre de professionnels et journalistes.

Deutsche Telekom, Huawei, Volkswagen, Post…

«C’est un rendez-vous organisé afin de montrer à quel point nous avons avancé depuis le lancement de ce projet le 1er novembre 2019», souriait Cliff Konsbruck, le directeur de Post – un des deux membres luxembourgeois, avec Sec Consult, d’un consortium baptisé 5GCroCo. Ce dernier rassemble 24 partenaires originaires de sept pays différents, dont une majorité de poids lourds tels Deutsche Telekom, Huawei, Renault, Volkswagen, Volvo, Ericsson, Nokia, Bosch…

Pas de roue de secours dans les voitures utilisées à Schengen. À la place, le matériel technologique nécessaire aux différents tests et essais.  (Photo: Maison Moderne)

Pas de roue de secours dans les voitures utilisées à Schengen. À la place, le matériel technologique nécessaire aux différents tests et essais.  (Photo: Maison Moderne)

5GCroCo? Un projet soutenu par l’Europe (qui finance 13 des 17 millions d’euros de son budget) dont le nom complet est «Fifth Generation Cross-border Control». Il a pour mission d’effectuer «des tests et essais de connectivité à la 5G dans des environnements routiers de la vie réelle». Dit plus simplement, il effectue des recherches qui se concentrent sur les difficultés que l’on peut rencontrer en termes de connexion aux réseaux lorsque l’on traverse des frontières.

Le genre de souci ennuyant quand on est au téléphone, mais qui pourrait s’avérer autrement problématique lorsqu’on est véhiculé dans une voiture autonome et connectée. Un souci que la vitesse de la 5G, qui est au cœur de tout ce projet, aide en partie à solutionner.

Un terrain de jeu idéal

Les recherches de 5GCroCo sont menées dans le corridor se situant entre les villes de Metz, Merzig et Luxembourg. «Une situation géographique forcément intéressante, avec non pas un, ni deux, mais bien trois pays en l’espace de quelques km2. Dans cette région, le risque de perdre la connectivité peut survenir à tout moment…», continuait Cliff Konsbruck.

Un cadre idéal donc pour étudier les trois cas d’usage qui avaient été attribués à 5GCroCo par la Commission européenne.

Et qui se retrouvaient donc en démonstration ce jeudi:

- Le «tele-operated driving» (ToD), soit la conduite télécommandée à distance depuis un centre de contrôle. On a donc ainsi notamment vu un informaticien prendre le contrôle depuis Schengen d’une automobile située à une cinquantaine de kilomètres de là, de l’autre côté de la frontière allemande, à Sarrebruck.

- La «HD map generation and distribution for automated vehicles» (HD mapping), une technologie qui permet aux véhicules de contribuer collectivement à la mise à jour en HD de cartes routières.

- L’«anticipated cooperative collision avoidance» (ACCA), une autre technologie qui permet de communiquer, entre véhicules, tout événement routier se déroulant à proximité, et donc d’anticiper ceux-ci.

Dans nos voitures en 2024 ou 2025?

«Ces technologies, développées grâce à la 5G, on pourrait les retrouver dans les nouvelles générations de voitures, à partir sans doute de 2024 ou 2025. À divers degrés, bien évidemment…» expliquait encore Cliff Konsbruck.

Mais la voiture totalement autonome, ce n’est pas encore pour demain. Les technologies vues à Schengen appartiennent ainsi au niveau 3 sur l’échelle de la voiture connectée. Or, celle-ci en comprend 5, le dernier niveau se révélant d’ailleurs être, toujours à l’heure actuelle, du domaine de la science-fiction.

Sans parler qu’au-delà de la technologie, il reste tout un domaine légal, voire sociétal, à mettre en place. 

Mais on avance, pas à pas.

Lacunes technologiques et business models

«Ce projet 5GCroCo devait prendre fin ce 1er novembre, mais il a été prolongé jusqu’à la mi-2022, après les contretemps causés par la crise sanitaire. Nous avons aussi, à travers l’Union européenne, six autres projets similaires actuellement. Pour un financement total de 105 millions d’euros», expliquait Jorge Pereira, du bureau scientifique principal de la Commission européenne. «Toutes ces études permettent de montrer quelles sont les lacunes technologiques actuelles. Mais aussi de voir quels business models sont possibles pour les opérateurs. Parce que la mise en place d’un tel réseau 5G à grande échelle n’est pas qu’un souci technologique. Il y a aussi notamment des accords à trouver entre ces différents opérateurs. À l’international, comme parfois à un niveau national…»

Mais l’ambition européenne ne s’arrête pas à ces sept projets. À l’horizon de l’année 2029, ils devraient être une cinquantaine à avoir analysé différents corridors de circulation au sein de l’UE.

Le but ultime étant de parvenir, à terme, à traverser tout le territoire européen grâce à cette technologie. La voiture autonome ne serait alors plus très loin…

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