Paulette Lenert et Xavier Bettel doivent arbitrer en permanence entre des impératifs sanitaires, économiques et sociaux. Un exercice plus que délicat. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Paulette Lenert et Xavier Bettel doivent arbitrer en permanence entre des impératifs sanitaires, économiques et sociaux. Un exercice plus que délicat. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Malgré les mesures prises par le gouvernement, la deuxième vague de Covid-19 est plus virulente et semble ne pas faiblir. Les torts sont à partager entre nos comportements et le virus lui-même.

Dans un monde parfait,  auraient dû faire baisser la courbe des contaminations et des décès. Comme cela s’était vu au printemps, à la fin de la première vague. Ce n’est pas ce qui s’est passé.

Si l’on regarde sur  la courbe décrivant l’évolution de la moyenne de cas positifs sur 7 jours – le chiffre référence cité par  (DP) et  (LSAP) pour borner leur politique de confinement –, on constate une montée exponentielle des cas à partir de novembre bien plus rapide qu’en mars. Surtout, le pic atteint le 4 novembre est plus de quatre fois supérieur au pic de la première vague: 686 cas, contre 150 le 26 mars.

Début mai, on pouvait penser que l’épidémie était terminée. Un rebond a été observé début juillet. Avec une moyenne de 89 cas au plus fort de celui-ci le 21 juillet. Ce rebond a perduré, comme un feu couvant jusqu’à la deuxième vague. À partir de fin septembre, la progression a de nouveau été exponentielle pour culminer à la moyenne de 686 cas, le 4 novembre. Le plus inquiétant, c’est que la décrue ne s’est pas faite. L’épidémie s’est stabilisée à un haut niveau oscillant autour de 520 cas. Cette stabilisation n’a pas empêché le nombre de décès de progresser fortement quotidiennement depuis le 2 novembre.

À cette date, le pays comptait 125 personnes décédées. La barre des 400 a été franchie le 13 décembre. Et à ce rythme qui ne faiblit pas, la barre des 500 pourrait bien être atteinte d’ici la fin de l’année.

Une situation qui a amené le docteur , directeur général du Centre hospitalier de Luxembourg, à  sur les réseaux sociaux: «Avec un taux de mortalité d’environ 1%, 5 des 506 personnes testées positives hier ne vont pas survivre ces prochaines semaines», postait-il sur son mur Facebook ce 11 décembre. Selon lui, cinq familles ne savent donc pas encore qu’elles vont débuter l’année 2021 dans le deuil.

Comment en est-on arrivé là?

Multiples facteurs et logiques divergentes

D’abord, de nouvelles souches sont apparues début septembre au retour des vacances. Des souches qui sont devenues dominantes, révèle Paul Wilmes, membre et vice porte-parole de la Covid-19 Task Force. «Il n’y a pas d’indice que ces souches soient plus ou moins virulentes et pathogènes. Mais cela peut être un des facteurs expliquant l’absence de décroissance rapide», souligne-t-il.

Une autre explication s’impose. Partout en Europe où les politiques de limitation des interactions sociales ont été partielles, l’épidémie échappe au contrôle des autorités. C’est ce qui se passe en Allemagne. Le «bon élève» de la première vague est dépassé. Exemple inverse: l’Irlande. Le pays a été le premier à reconfiner en octobre – au moment où le feu qui couvait reprenait ouvertement. Un confinement strict – seules les écoles sont restées ouvertes – et rapide. Qui permet aujourd’hui aux Irlandais d’avoir des fêtes de fin d’année normales.

L’équation «plus on agit tôt et avec une incidence basse du virus, plus les effets sont rapides et efficaces» est validée sur le terrain. Mais toute bonne équation a plus qu’une inconnue. Dans nos pays démocratiques, des mesures restrictives fortes ne peuvent être prises qu’avec l’assentiment de la population. Ce fut le cas lors de la première vague. Ça ne l’est plus aujourd’hui. Un constat que fait Paul Wilmes.

Les gens en ont marre, mais c’est le mauvais moment pour en avoir marre.

Paul Wilmesmembre de la Covid-19 Task Force

Pour lui, une des causes de cette stabilisation de la courbe des contaminations à un haut niveau tient aux interactions sociales qui n’ont pas cessé. «Il faudrait les limiter», plaide-t-il, en constatant l’affluence dans les magasins. Un afflux que l’on peut expliquer par un fatalisme de la population associé à une lassitude face aux restrictions. «Les gens en ont marre, mais c’est le mauvais moment pour en avoir marre».

Péril pour le système de santé à l’horizon janvier-février

Car pour lui, si la courbe des contaminations ne faiblit pas rapidement, le système de santé du pays sera débordé en janvier-février.

«La stratégie de retarder d’autant que possible des mesures restrictives afin d’éviter des effets collatéraux socio-économiques tels que vécus lors de la première vague, tout en assurant une accessibilité appropriée pour les autres patients aux structures sanitaires, associés à un certain relâchement dans la population, a joué un rôle», complète Romain Nati.

Le gouvernement aurait-il dû agir plus vite et plus fort? Une question ouverte. Son action doit combiner différentes logiques: sanitaire, mais aussi économique et sociale. Pour le docteur Romain Nati, il n’existe pas de méthode «scientifique» pour déterminer le moment propice pour le déclenchement d’une mesure ou pour déterminer la pondération entre différentes mesures.

Une troisième cause tient dans le virus lui-même. À sa saisonnalité pour être précis. «On savait que l’automne, et de surcroît l’hiver seraient des saisons plus propices à la propagation d’un virus respiratoire», rappelle Romain Nati. «La température plus basse et l’humidité dans l’air favorisent la propagation du virus. On observe une stabilité des particules virales dans l’aérosol. De plus, les gens sont à l’intérieur, augmentant la probabilité que le virus soit transmis», complète Paul Wilmes.