L’Allemagne désirait imposer une redevance sur les infrastructures dont la charge économique reposerait in fine uniquement sur les conducteurs étrangers. (Photo: Shutterstock)

L’Allemagne désirait imposer une redevance sur les infrastructures dont la charge économique reposerait in fine uniquement sur les conducteurs étrangers. (Photo: Shutterstock)

L’Autriche a obtenu gain de cause devant les juges européens. Elle contestait la légalité de la redevance due par tous les conducteurs empruntant les routes fédérales, mais in fine financée par les seuls conducteurs étrangers.

C’est l’aboutissement d’un combat mené depuis deux ans par l’Autriche à l’encontre de son voisin allemand. Celui-ci a en effet instauré, en 2015, une redevance d’utilisation des infrastructures présentée comme un nouveau mode de financement des infrastructures routières selon le principe de l’«utilisateur-payeur». La redevance est due par les propriétaires et conducteurs de véhicules et calculée en fonction de la puissance, du moyen de propulsion et des émissions de CO2 du véhicule.

D’une valeur de 130 euros par an, la vignette concerne sur le papier aussi bien les conducteurs allemands qu’étrangers – ceux-ci bénéficiant de vignettes de 10 jours, deux mois ou une année selon leur usage des routes fédérales, y compris des autoroutes.

Sauf que les conducteurs allemands ont droit à une exonération de la taxe sur les véhicules automobiles immatriculés en Allemagne d’un montant au moins équivalent à celui de la redevance sur les infrastructures.

La Commission avait initialement rappelé l’Allemagne à l’ordre au moment de l’annonce du projet de loi prévoyant ce système, et mis fin à sa procédure en manquement devant les assurances présentées par Berlin – les tarifs de la Pkw-Maut devaient être abaissés pour les vignettes de courte durée et les véhicules plus respectueux de l’environnement.

La charge économique de ladite redevance pèse, de facto, sur les seuls propriétaires et conducteurs de véhicules immatriculés dans des États membres autres que l’Allemagne, ce qui constitue une mesure discriminatoire au détriment de ces derniers.

Cour de justice de l’UE

Toutefois, de nouvelles modifications apportées à la législation ont créé une nouvelle situation discriminatoire, dénoncée par l’Autriche auprès de la Commission. Son argument: en exonérant les conducteurs allemands de la totalité de la redevance sur les infrastructures, Berlin fait peser la charge économique de cette redevance sur les seuls conducteurs étrangers empruntant ses routes.

La Commission manquant à son obligation de répondre dans les trois mois, l’Autriche s’est tournée vers la CJUE et a introduit un recours en manquement contre l’Allemagne en octobre 2017. Une procédure inhabituelle – c’est plus communément la Commission qui attaque l’inaction d’un pays devant la justice européenne – mais qui compte une poignée de précédents.

Analysant les quatre griefs invoqués par l’Autriche, soutenue par les Pays-Bas, la CJUE retient que «l’exonération de la taxe sur les véhicules automobiles au profit des propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne a pour effet de compenser intégralement la redevance d’utilisation des infrastructures acquittée par ces derniers, si bien que (…) la charge économique de ladite redevance pèse, de facto, sur les seuls propriétaires et conducteurs de véhicules immatriculés dans des États membres autres que l’Allemagne, ce qui constitue une mesure discriminatoire au détriment de ces derniers.» Une discrimination qui ne peut être justifiée par des considérations environnementales.

Vers une taxation européenne

La CJUE a également accueilli les griefs d’entrave à deux libertés fondamentales de l’UE: la libre circulation des marchandises et la libre prestation de services, puisque la redevance sur les infrastructures peut entraîner une augmentation du coût de transport des marchandises et des services fournis en Allemagne par des prestataires.

L’harmonisation de la taxation routière, défendue par le ministre de la Mobilité et des Travaux publics, François Bausch, a été évoquée en amont du  début juin. La Commission européenne a proposé, fin mai, un paquet routier comprenant notamment une taxe kilométrique remplaçant les vignettes pour les poids lourds à partir de 2023. Les voitures particulières seraient soumises à leur tour au régime de l’utilisateur-payeur à partir de 2027.