Robert Weis est photographié dans la réserve naturelle de Prënzebierg – Giele Botter à Differdange. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Robert Weis est photographié dans la réserve naturelle de Prënzebierg – Giele Botter à Differdange. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

La région de la Minett, au sud du Luxembourg, est souvent méconnue en raison de son patrimoine industriel. J’ai visité la région avec un géologue pour la voir d’un œil nouveau.

«On dit toujours qu’il n’y a plus rien à découvrir sur cette planète, car tout a été découvert. Mais ce n’est pas vrai», affirme Robert Weis, géologue et responsable de la collection du département de paléontologie du Musée d’histoire naturelle du Luxembourg. Nous nous promenons dans les bois d’Ellergronn, un ancien site minier et une réserve naturelle à Esch-sur-Alzette. Une semaine avant que la société Virgin Galactic de Richard Branson ne lance son premier vol de tourisme spatial.

Pour Robert Weis, une promenade dans la région de la Minett, comme on appelle le sud industriel, est aussi fascinante qu’un voyage dans des mondes inconnus. «Je vois avec les yeux d’un géologue… Je me demande sur quelle couche de roche nous nous trouvons. Quel âge a cette couche et comment s’est-elle formée?»

Un paysage formé par l’Homme

Il explique que l’Ellergronn que nous traversons est un paysage jeune: «Il a été façonné par l’Homme. Il y a 50 ans, il n’y avait rien ici. C’était comme la Lune», dit-il en s’arrêtant près d’un petit étang où le coassement d’une grenouille solitaire complète le paysage sonore du chant des oiseaux et du bourdonnement des insectes. «C’est très intéressant parce que les Hommes ont tout détruit. Mais le fait de tout détruire a permis une diversité encore plus grande.» Il fait une pause, et ajoute après coup: «Ce n’est peut-être pas la meilleure leçon à donner aux enfants.»

Avant que la région ne soit exploitée pour le fer, le paysage était sous l’eau, comme la majeure partie du sud du Luxembourg. Nous avons eu droit à un rappel de cela plus tôt dans l’été, quand un scientifique citoyen a trouvé les os fossilisés et un fragment de dent d’un , un nouveau quartier qui s’élève à partir de terres agricoles en bordure de la capitale. «Ce n’était pas si profond […] Les ossements étaient exposés à cause de la pluie», explique Weis. Bien qu’il ne soit pas complet, il s’agit d’une découverte incroyable étant donné la rareté des spécimens de cette période. «En fait, nous trouvons beaucoup [de fossiles] et nous publions constamment de nouveaux matériaux provenant du Luxembourg.»

Un homme tient les restes fossilisés d’un ichtyosaure vieux de 190 millions d’années à Cloche d’Or, en juin 2021. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Un homme tient les restes fossilisés d’un ichtyosaure vieux de 190 millions d’années à Cloche d’Or, en juin 2021. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

L’Homme et la biosphère de la Minett

Cela s’explique par le fait que le Luxembourg était au bord du bassin maritime de Paris, où il y avait un mélange diversifié d’habitats attirant différentes espèces. «Nous avons beaucoup de sable et de sédiments provenant des masses terrestres qui peuvent recouvrir les os et les restes de ces animaux afin qu’ils restent en bon état», explique-t-il. C’est par les rivières de mousson jaillissantes dans la partie exposée de ce qui était alors le nord du Luxembourg que les sédiments ferreux ont été transportés vers le bord du bassin moins profond dans le sud du Grand-Duché, formant de riches filons rouges qui allaient plus tard générer la richesse du pays, explique Weis. Malgré les découvertes paléontologiques de Weis et de ses collègues, il soupçonne qu’un grand nombre de fossiles sont détruits «pendant les travaux de construction parce qu’on ne les voit pas, qu’on ne les reconnaît pas ou que les gens ne nous appellent pas».

Cela explique pourquoi Weis a fait partie du groupe de travail qui a préparé la demande de reconnaissance de la région de la Minett par l’Unesco pour son programme sur l’Homme et la biosphère. Ce label, qui a été accordé en 2020, reconnaît la promotion de la conservation de la biodiversité par les citoyens et le développement durable.

Robert Weis a grandi à Dudelange, une commune du sud du Luxembourg couverte par le label et dont la réserve naturelle du Haard compte 500 espèces de papillons et 45 espèces ou sous-espèces d’orchidées, qu’il a passé son enfance à photographier. Pour lui, le label signifie une plus grande visibilité et davantage de moyens pour protéger la biodiversité de la région. «Nous en avons besoin parce que notre population augmente, les problèmes environnementaux augmentent, la perte de biodiversité ne peut pas être arrêtée, ni par une biosphère Minett, ni par un statut de parc national», dit-il.

Un livre de voyage géographique

Pour lui, le label concerne l’interaction entre l’Homme et la nature, une interaction qu’il espère entretenir par le biais d’un certain nombre d’initiatives, en commençant cet été par une collaboration avec le géopoète italien David Sapienza. Tous deux parcourront le sentier de la biosphère de l’Unesco, qui sera bientôt inauguré, et organiseront un avec de jeunes scientifiques, dont les résultats seront compilés dans un «livre de voyage géographique».

De retour au musée, Robert Weis et son équipe travaillent sur une nouvelle exposition intitulée «L’océan perdu», qui examine les monstres marins et autres organismes vivant au Luxembourg à l’époque du Jurassique. Cette exposition, qui utilise pour la première fois la réalité virtuelle comme outil de narration, ouvrira ses portes au en octobre 2021.