Depuis la rue, difficile de le deviner, mais sous la Cité judiciaire se trouve une crypte archéologique dont le patrimoine est protégé depuis plus de 20 ans. En 1996, avant la construction du palais de justice de paix sur le plateau du Saint-Esprit, des sondages archéologiques avaient révélé la présence d’importants vestiges de l’ancien couvent des Clarisses remontant au 13e siècle. Fondé en 1234 sur initiative de la comtesse Ermesinde, le site fut partiellement démoli en 1770 et par la suite aménagé par Vauban et utilisé à des fins militaires jusqu’en 1966. Plusieurs couches historiques sont ainsi lisibles sur ce site.
Après avoir réalisé des fouilles sommaires, mais suffisantes pour un relevé, le site a été mis sous protection en 2002 au début des travaux de la Cité judiciaire en étant rempli de sable. L’architecte Rob Krier, en charge de la conception du bâtiment, a alors construit un espace tampon, une crypte, entre ces vestiges et la Cité, dans l’objectif qu’un jour ces vestiges puissent être rendus visibles au public.
«Lors de la construction de la Cité judiciaire, une promesse avait été faite à l’Unesco de rendre accessibles au public ces vestiges du passé. En visant une finalisation des travaux pour 2024, nous entendons tenir cette promesse», a déclaré la ministre de la Culture, (déi Gréng).
Plus de 3.000m 3 de sable
Depuis fin mai, les travaux de désensablage ont commencé. Il s’agit de retirer quelque 3.000m3 de sable répartis sur pas moins de 1.000m2. C’est l’entreprise Entrapaulus qui est en charge de cette opération peu habituelle, sous la supervision des archéologues de l’Institut national de recherches archéologiques (INRA). «Cette opération est délicate et réserve quelques surprises», constate Christiane Bis-Worch, archéologue à l’INRA et responsable de ce chantier auquel elle a déjà participé lors des premières fouilles il y a maintenant plus de 20 ans. C’est ainsi qu’elle a dû constater qu’un escalier en colimaçon s’est partiellement effondré entre les premières fouilles et l’ensevelissement.
Sous le sable se trouvent les murs du couvent, deux puits et les vestiges d’une église dont le haut des pilastres commence à être dégagé. «Ce site est particulièrement intéressant aussi pour ses pierres polychromes qui sont encore préservées», explique Christiane Bis-Worch. «Contrairement à d’autres sites où les pierres ont été décapées au 19e siècle, ici la polychromie est restée et nous savons précisément comment ces pierres étaient positionnées, ce qui va permettre une restitution fidèle.»
Un parcours suspendu
Afin que ce site puisse être accessible au public, l’architecte Elisabeth Teisen (du bureau Teisen & Giesler) a imaginé un parcours à l’aide de passerelles suspendues dont la matérialité et l’esthétique contemporaine seront volontairement très différentes des vestiges. Ainsi, vu depuis les passerelles, le couvent deviendra visible en plan permettant aux futurs visiteurs de bien se repérer dans l’espace. Un avantage par rapport aux couvents que l’on visite au sol et dans lesquels il est moins aisé de se repérer du fait de la similitude des ailes du cloître.
«Nous avons également travaillé un cheminement qui puisse être accessible à tous», précise l’architecte. Un défi de taille quand on sait que la rampe d’accès naturelle au site est d’environ 16%.
Par ailleurs, un appel à candidatures européen va être lancé avant la fin de l’année pour déterminer qui sera l’équipe de scénographie qui travaillera à la mise en valeur de ce patrimoine unique pour la ville. «Nous devons encore déterminer comment, mais le site proposera un parcours didactique, qui utilisera certainement le multimédia, avec une mise en lumière poussée, pour rendre la visite du site à la fois attractive et instructive», précise Elisabeth Teisen qui cite volontiers les exemples des cryptes de Bâle ou de Rome comme références d’inspiration.
La fin des travaux est, à l’heure actuelle, estimée pour la fin de l’année 2024 et devrait permettre de profiter du flux des visiteurs de la Luga pour ses premiers mois d’exploitation. «Ce site s’inscrira naturellement dans les circuits touristiques déjà en place et viendra renforcer les connaissances des sites archéologiques religieux qui sont un manque actuellement dans le paysage culturel au Luxembourg», souligne encore Sam Tanson. «Ce sera une nouvelle attraction importante pour les touristes qui découvrent Luxembourg et tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de notre capitale. Je suis vraiment contente que nous ayons pu débloquer la réalisation de ce projet qui était promis depuis la mise en service de la Cité judiciaire.»