Le point avec Dr Tamir Abdelrahman sur ce qu’on sait du Voc 202012/01. (Photo: LNS)

Le point avec Dr Tamir Abdelrahman sur ce qu’on sait du Voc 202012/01. (Photo: LNS)

Un premier cas de la variante britannique du coronavirus a été détecté au Luxembourg. Selon Dr Tamir Abdelrahman, chef du département de microbiologie au LNS, la reproduction de la mutation au Luxembourg comme elle a eu lieu au Royaume-Uni dépend principalement du respect des mesures sanitaires.

Une nouvelle souche du Sars-CoV2, virus du Covid-19, a été détectée au Luxembourg par le Laboratoire national de la Santé (LNS) «lors du séquençage des échantillons couvrant la période du 19 au 29 décembre».  Il s’agit de la variante qui s’est développée au Royaume-Uni fin 2020. Elle a depuis été baptisée Voc 202012/01, Vui 202012/01 ou encore lignage B.1.1.7. Alors qu’une enquête de l’Inspection sanitaire est en cours  que sait-on de cette dernière? La réponse avec Dr Tamir Abdelrahman, chef du département de microbiologie au LNS.

On entend parler depuis plusieurs semaines de nouvelle souche, de mutation, ou encore de variante du virus. Cela alors que le virus s’adapte en fait en permanence selon les scientifiques. Qu’est-ce que cela signifie, concrètement?

Dr Tamir Abdelrahman. – «Le Sars-CoV2 est en effet un virus à ARN qui est sujet à une mutation continue à un taux de 2,5 nucléotides par mois. Lorsqu’un virus acquiert au fil du temps plusieurs mutations qui modifient sa structure et ses caractéristiques, il est attribué comme nouvelle variante, mais pas comme un virus différent. Il s’agit seulement d’une nouvelle version du même virus.

Les scientifiques surveillent l’évolution du virus. Ces études, y compris les analyses génétiques du virus, nous aident à comprendre comment les modifications du virus peuvent affecter son mode de propagation et ce qui arrive aux personnes qui en sont infectées.

Parfois, de nouvelles variantes apparaissent et disparaissent comme nous l’avons vu depuis l’apparition du Covid-19 en février au Luxembourg. Les variantes circulant actuellement sont différentes de celles que nous avions en mars et avril. D’autres fois, de nouvelles variantes émergent et commencent à infecter des personnes avec un taux de transmissibilité différent. Par exemple, 13 variantes du Sars-CoV2 circulaient au Luxembourg en décembre, dont trois seulement sont les principales, le reste circulant avec une faible prévalence.

Graphique du département de microbiologie du LNS montrant comment circulent les variations du Sars-CoV2 au Luxembourg sur plusieurs mois. (Visuel: LNS)

Graphique du département de microbiologie du LNS montrant comment circulent les variations du Sars-CoV2 au Luxembourg sur plusieurs mois. (Visuel: LNS)

Au Royaume-Uni, une nouvelle variante (Voc 202012/01) est apparue mais avec un nombre inhabituellement élevé de mutations.

Que sait-on de sa contagiosité et de sa virulence?

«Cette variante semble se reproduire plus facilement et plus rapidement que les autres variantes. Elle est corrélée à une augmentation rapide de l’incidence de Covid-19, signalée dans le sud-est de l’Angleterre. Il n’existe cependant pas de rapport clinique sur la virulence des nouvelles variantes.

Les vaccins développés seront-ils efficaces contre cette mutation?

«Aucune donnée phénotypique (ensemble des traits observables d’un organisme, ndlr) n’est disponible pour la nouvelle variante, il n’est donc pas possible de prédire l’effet du vaccin prévu sur celle-ci. Des études supplémentaires sur les caractéristiques antigéniques sont nécessaires.

Pourrait-elle, à terme, remplacer le virus original?

«La nouvelle variante est devenue la variante dominante au Royaume-Uni et, dernièrement, une variante très proche a été la variante dominante en Afrique du Sud, ce qui indique que ces mutations conduisent à un virus plus adapté. Étant donné que le Sars-CoV2 continue de muter, il serait difficile de prédire combien de temps la nouvelle variante persistera, et si elle pourrait subir d’autres mutations entraînant sa disparition ou non.

Dans quels pays le Voc 202012/01 est-il apparu depuis sa découverte au Royaume-Uni?

«Au 26 décembre 2020, plus de 3.000 personnes ont été identifiées avec cette variante du virus en Angleterre, le premier cas ayant été identifié à partir du 20 septembre 2020. Plusieurs pays ont signalé des cas sporadiques causés par la nouvelle variante en Europe (Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, France, Irlande, Islande, Italie, Norvège, Pays-Bas, Portugal et Suède) et dans le monde (Australie, Canada, Corée du Sud, Hong Kong, Israël, Japon, Jordanie, Liban, Suisse, Singapour).

Il était inévitable que cette variante arrive au Luxembourg?

«La nouvelle lignée B.1.1.7 des variantes britanniques n’avait pas été détectée dans notre dernière analyse sur des échantillons prélevés avant le 18 décembre 2020. Mais cela a été le cas lors de celle des échantillons de la période du 19 au 29 décembre.

Au cours de la première vague, nous avions remarqué quelques variantes étroitement liées au Royaume-Uni, ce qui signifiait que la nouvelle variante était susceptible de circuler activement, si elle ne circulait pas déjà à basse fréquence, au Luxembourg.

Les premiers rapports du Royaume-Uni suggéraient que la variante avait une transmissibilité plus élevée, avec une augmentation estimée du nombre de reproduction (R) de 0,4 ou plus, avec une transmissibilité accrue estimée jusqu’à 70%. Ces chiffres doivent être confirmés par des enquêtes épidémiologiques et virologiques supplémentaires.

Bien que notre couverture de séquençage au Luxembourg soit proche de celle du Royaume-Uni, nous ne pouvions donc déjà ne pas exclure la circulation à faible niveau de la mutation. La possibilité que la mutation se reproduise comme elle l’a fait au Royaume-Uni dépend principalement du strict respect des mesures sanitaires mises en œuvre au Luxembourg, qui ont réussi jusqu’à présent à limiter la propagation du virus (alors que la présence de la variante britannique a été confirmée au Luxembourg, le ministère de la Santé tient à souligner l’importance de respecter les mesures préventives en place pour réduire la transmission, comme le port du masque, lhygiène des mains, le maintien dune distance physique, ndlr).

Comment tentez-vous de maîtriser cette variante au LNS?

«Le LNS poursuit son programme national de surveillance génomique afin d’identifier rapidement les cas de la nouvelle variante, et les notifiera par un système de notification européen (the Early Warning and Response System of the European Union). Nous examinerons également les performances de la PCR avec les laboratoires partenaires.

En conclusion, quel regard portez-vous sur cette mutation?

«Le comportement des virus étant imprévisible, nous devrions nous concentrer sur la compréhension de la dynamique de transmission et sensibiliser davantage aux mesures de contrôle et au suivi des résultats des efforts mondiaux de vaccination.»