Yves Reding, président de Cloud Community Europe Luxembourg (CCEL) (Photo: Maison Moderne)

Yves Reding, président de Cloud Community Europe Luxembourg (CCEL) (Photo: Maison Moderne)

Le cloud transforme notre manière de consommer la ressource informatique. Mais quels sont les enjeux rencontrés par les organisations en matière d’adoption des solutions dans ce domaine? Et comment les fournisseurs de services cloud luxembourgeois et européens se positionnent-ils face aux leaders globaux du cloud, exclusivement américains et asiatiques?

«Il y a 10 ans, les acteurs du monde informatique s’interrogeaient sur l’émergence du cloud. Cette nouvelle approche technologique allait-elle profondément transformer la manière de consommer l’informatique, ou constituait-elle une énième hype qui n’était pas appelée à durer», se remémore Yves Reding, président de Cloud Community Europe Luxembourg (CCEL).

Cette association est née à cette époque – elle vient de fêter son 10e anniversaire –, avec la volonté de fédérer les fournisseurs de services cloud luxembourgeois, de constituer un écosystème favorisant le développement de nouvelles offres dans le nuage, de plaider pour la constitution d’un cadre réglementaire qui puisse faciliter l’émergence d’une industrie dans ce domaine au départ du Luxembourg. «Nous étions persuadés que le cloud allait constituer une lame de fond, transformant tout l’environnement numérique. Le temps nous a donné raison.»

Le cloud, omniprésent sous toutes ses formes

Dix ans plus tard, le cloud est omniprésent, se déclinant sous des formes très variées. Le marché est majoritairement dominé par quelques grands acteurs américains et chinois: Amazon Web Services, Microsoft Azure, Google, ou encore Alibaba. «Ces hyperscalers, à eux quatre, devraient continuer à dominer le monde, offrant à chacun la possibilité de gagner en agilité dans la manière de gérer la ressource informatique et d’accélérer sa transformation digitale», poursuit Yves Reding. «Cependant, le recours à ces plates-formes pose beaucoup de questions relatives à la sécurité des informations et des risques. Vus d’Europe, d’importants enjeux de souveraineté sont actuellement soulevés. La nouvelle Commission européenne devrait d’ailleurs s’engager dans les réponses à apporter.»

L’Europe, le cloud entre deux chaises

Entre l’Asie et les États-Unis, le marché unique numérique européen doit encore se construire et se renforcer. L’Union européenne le façonne à coups de nouvelles réglementations – GDPR, NIS, free flows of non personal data –, ou encore en développant des projets d’envergure, comme celui de High Performance Computing. «L’Union européenne doit notamment garantir sa souveraineté, ainsi que la protection de ses données critiques», poursuit Yves Reding.

La valeur est aujourd’hui dans la donnée.
Yves Reding, président de Cloud Community Europe Luxembourg (CCEL)

Yves Reding, président de Cloud Community Europe Luxembourg (CCEL)

C’est dans ce contexte que des projets comme Gaia-X, porté par l’Allemagne et la France, sont aujourd’hui envisagés. Cette initiative vise la constitution d’une infrastructure de données en forme de réseau, comme le berceau d’un écosystème européen vital et destiné à supporter des ‘use cases’ dans les domaines de la santé publique, de la finance, de l’industrie 4.0, de la recherche…»

Prendre part à un écosystème européen

L’enjeu n’est pas d’aller concurrencer les hyperscalers, mais de mettre en place un réseau s’appuyant sur des infrastructures européennes et une gouvernance en phase avec nos valeurs. De telles initiatives doivent faciliter l’émergence de projets à haute valeur ajoutée en Europe dans des domaines stratégiques comme l’industrie 4.0, les technologies de la santé, la finance, le smart living, les avatars numériques. «La valeur est aujourd’hui dans la donnée. Il est légitime que l’Europe puisse se doter des environnements adéquats pour à la fois traiter la donnée et la protéger au départ du cloud», explique Yves Reding.

«Le Luxembourg, qui possède une réelle expertise en matière de sécurité de l’information et de gestion de l’information confidentielle, développée au service de la finance, doit pouvoir mieux prendre part à de telles initiatives d’envergure européenne.» Un des objectifs de Cloud Community Europe Luxembourg, par rapport à ces chantiers, sera de mieux promouvoir l’expertise luxembourgeoise dans ce contexte.

«L’enjeu, pour l’avenir, est de construire de nouveaux écosystèmes européens et de développer de nouvelles synergies à l’échelle du marché unique. C’est ensemble que nous parviendrons à occuper une réelle place dans cet environnement, à créer de la valeur au départ du numérique en garantissant la préservation de nos actifs, vis-à-vis par exemple d’un Cloud Act américain», assure le président de CCEL.

L’écosystème s’est extrêmement diversifié. Les organisations qui adoptent le cloud voient les possibilités se multiplier.
Yves Reding, président de Cloud Community Europe Luxembourg (CCEL)

Yves Reding, président de Cloud Community Europe Luxembourg (CCEL)

Générer de la valeur en maîtrisant les risques

C’est au départ du cloud qu’il faut parvenir à générer de la valeur pour l’avenir. Quand, hier, les différents acteurs allaient principalement chercher de la ressource informatique dans le nuage, à travers des solutions d’infrastructure as a service, ils y provisionnent désormais des solutions software, faciles à déployer, efficientes. «L’écosystème s’est extrêmement diversifié. Les organisations qui adoptent le cloud voient les possibilités se multiplier. Un des enjeux, cependant, réside toujours dans la maîtrise de ses risques et de son environnement système global dans ce contexte. Chacun, tout en profitant des solutions existantes, doit pouvoir se doter d’une réelle gouvernance dans l’usage des solutions cloud», précise Yves Reding.

Il n’y a pas de retard qui ne puisse être rattrapé

Dans ce contexte, les opérateurs de service cloud luxembourgeois s’adaptent pour mieux accompagner les acteurs locaux face à leur double challenge: assurer une plus grande agilité, tout en garantissant maîtrise et sécurité de la donnée. En étant proches du business et des problématiques des organisations locales, les acteurs du cloud luxembourgeois sont aussi très bien positionnés pour mettre en œuvre des solutions qui contribueront à transformer l’économie et générer de la valeur à large échelle.

«On peut considérer que les géants du cloud ont beaucoup d’avance en tant que fournisseurs globaux. Je pense cependant qu’il n’y a pas retard qui ne puisse être rattrapé, via des stratégies de différenciation. L’enjeu est de parvenir à identifier les bons leviers de création de valeur autour d’enjeux considérés comme stratégiques pour notre marché», conclut Yves Reding.