Pour la présidente de l’Institut luxembourgeois des administrateurs, Virginie Lagrange, il faut professionnaliser les conseils d’administration des associations sans but lucratif et des fondations et rémunérer les administrateurs. (Photo: Ila)

Pour la présidente de l’Institut luxembourgeois des administrateurs, Virginie Lagrange, il faut professionnaliser les conseils d’administration des associations sans but lucratif et des fondations et rémunérer les administrateurs. (Photo: Ila)

S’il fallait tirer une leçon de l’affaire Caritas, ce serait celle de la nécessité d’une professionnalisation accrue et d’une rémunération des administrateurs. Un aspect sur lequel la loi du 7 août 2023 sur les asbl et les fondations a fait l’impasse. C’est l’avis de présidente de l’Ila, Virginie Lagrange.

Petit retour en arrière: le projet de loi 6054 portant réforme des associations sans but lucratif et des fondations a été voté le 28 juin 2023 pour devenir la loi du 7 août 2023 du même nom. Entrée en vigueur le 23 septembre 2023, elle doit répondre à deux objectifs: un allégement et une modernisation du cadre légal et la création de plus de transparence comptable afin de garantir un meilleur contrôle. La loi accorde aux asbl et aux associations existantes un délai de deux ans pour se conformer au nouveau texte. Ainsi, il serait prématuré de juger l’efficacité de la loi sur la seule base de l’affaire Caritas. Il est un point pourtant sur lequel le texte de loi semble avoir péché par omission: celui du statut des administrateurs.

La montée en puissance des administrateurs

Les administrateurs ont un rôle clé dans le fonctionnement des entreprises. Un rôle qui a pris de l’importance en réaction des nombreux scandales qui ont pu toucher le monde de l’entreprise en général et de la finance en particulier. Ce qui a eu un impact sur le statut même des administrateurs. De simple chambre d’enregistrement, ces conseils se sont professionnalisés. Désormais, ils ont sur leur table des dossiers bien plus volumineux et techniques à étudier. Ils sont tenus de se réunir suffisamment souvent pour être à même de comprendre et suivre les activités de la société. Ils doivent s’impliquer dans de nombreux comités comme les comités d’audit, de rémunération, de nominations et autres. Et sur tous leurs actes, ils engagent leur responsabilité. De plus, les conseils d’administration sont tenus de s’ouvrir à des administrateurs indépendants. Comprendre des personnes sans lien d’intérêt direct ou indirect avec la société qui l’emploie afin de participer en toute objectivité aux travaux du conseil d’administration. Souvent, ils sont recrutés en fonction de leur compétence afin de faire progresser l’entreprise dans un domaine ou l’administrateur indépendant peut apporter une plus-value.

Cette professionnalisation a plusieurs conséquences. Notamment une limitation du nombre de mandats d’administrateurs que l’on peut exercer. Dans le secteur financier, la CSSF veille tout particulièrement au fait que les administrateurs puissent avoir le temps d’exercer véritablement leur mission. Ils ont également des obligations en matière de formation. Et tout cela a évidemment un coût. Être administrateur peut s’avérer fort lucratif.

Le manque de la loi du 7 août 2023

C’est sur ce point que la loi du 7 août 2023 a manqué l’occasion: elle ne prévoit pas la possibilité pour les administrateurs des asbl et des associations d’être rémunérés.

Pourtant, les responsabilités des administrateurs dans la sphère privés sont les mêmes que celles des administrateurs de la sphère associative. «Dans ces deux secteurs, ils sont responsables du bon fonctionnement de la gouvernance. Et ils doivent s’assurer que les différentes instances qui sont en place – notamment la direction générale fonctionne correctement –, que l’objet social est respecté et que les finances soient transparentes», détaille la présidente de l’Institut luxembourgeois des administrateurs (Ila), Virginie Lagrange. Pour cette dernière il est indispensable de s’assurer «que le conseil d’administration en place soit compétent, qu’il comprenne le modèle d’affaires et qu’il s’assure que la cadre de contrôle mis en place soit efficace. Il doit avoir des rapports réguliers sur l’environnement du contrôle interne qui est en place, sur la gestion des risques. Par exemple les règles en matière de signature ou de seuils au-delà desquels les paiements doivent passer par lui. Et il doit avoir des contacts réguliers avec la direction.»

Ce n’est qu’à cette condition, selon Virginie Lagrange, que l’on peut éviter le trop fréquent «information gap» – comprendre le fait que la direction ait toujours plus d’information que le conseil d’administration. «C’est quelque chose que je constate souvent: le board, influencé par la direction accepte les reportings qu’il reçoit sans les challenger. Il ne faut pas juste prendre l’information comme on la reçoit. Il faut régulièrement poser des questions et être clairs sur les informations que l’on veut recevoir.»

Attirer les compétences 

Mais si on demande – à juste titre – ces efforts à des administrateurs «associatifs», ils devraient avoir le même statut que les administrateurs du secteur privé; une rémunération et des obligations en termes de cumul de mandats, de compétences et de formation. Et ce d’autant plus que la responsabilité civile des administrateurs des secteurs privés ou associatifs s’engage de la même manière en cas de manquement.

Pas question d’accuser les administrateurs des structures associatives de dilettantisme insiste Virginie Lagrange. «Les personnes sont souvent très impliquées dans les objectifs des asbl qu’ils rejoignent. Mais la bonne volonté ne fait pas tout. Heureusement, il y a beaucoup d’administrateurs quand même dans les associations qui sont aussi administrateurs dans des sociétés commerciales et qui sont formées pour ça. Mais certains sont mieux formés que d’autres… La taille de certaines associations, proches d’une très grosse PME implique une professionnalisation des administrateurs.»

Si la loi ne le prévoit pas – ou pas encore –, l’Ila a créé en son sein un groupe de travail sur les ONG. «Si on doit retenir une chose positive de l’affaire Caritas, c’est la nécessité de former les administrateurs.»

Quant à l’aspect rémunération, Virginie Lagrange estime que dans le secteur associatif, on n’aura jamais un niveau de rémunération comparable à celui de la Place financière. Mais cet aspect financier peut permettre d’attirer des gens plus formés et plus motivés.