Le mandat de Me , à la tête de l’Ordre des avocats , va s’achever dans quelques semaines. Me lui succédera. Marqué par la crise la sanitaire, le bâtonnat de cette avocate issue du contentieux et spécialisée dans le droit de la famille et de l’enfance aura permis à l’Ordre des avocats d’avancer sur des sujets locaux et sociaux.
Début juillet, l’Ordre des avocats a organisé l’élection de son futur bâtonnier et de son conseil pour la période 2022-2024. Mais il semble que le taux de participation ait été assez faible avec moins de 20% de participation de la part des avocats pouvant voter. Est-ce courant d’avoir une aussi faible participation?
. – «Je ne pense pas que cela puisse expliquer le faible taux de participation, mais les avocats doivent se déplacer pour voter. Il n’y a pas la possibilité de procuration ni de vote électronique. Je suis au Barreau depuis 30 ans et le taux de participation a toujours été faible, mais stable. Lors de l’élection du Jeune Barreau, le taux est également faible, même avec le vote électronique. Plus généralement, c’est comme cela depuis très longtemps. Il y a peut-être une étude à faire sur la question. Il faut aussi dire qu’il n’y a pas, comme c’est le cas en France, de réelle tradition de campagne électorale. C’est évidemment dommage d’avoir un taux de participation bas, mais le vote n’est pas obligatoire. J’en conclus que les avocats sont satisfaits du système et des personnes qui forment l’Ordre des avocats, ou bien qu’ils ne se sentent pas concernés par l’élection. On voudrait bien un taux de participation plus élevé, c’est une évidence. Mais je note qu’il y a eu un peu plus de monde cette année qu’en 2020.
Vous n’avez pas été candidate à votre succession. Pourquoi?
«Normalement, le bâtonnier ne se représente pas. C’est arrivé une fois, je pense, mais c’est parce que personne ne s’était proposé à l’époque. (Gaston Stein a été bâtonnier une première fois de 2003 à 2004 et de 2009 à 2010. À l’époque, le mandat du bâtonnier était d’un an. Jean Kauffmann s’est succédé à lui-même de 2007 à 2009, ndlr). Le bâtonnier est élu pour deux ans avant de devenir bâtonnier sortant au sein du Conseil de l’Ordre, pendant deux ans également, qui est le seul poste qui n’est pas éligible.
Avec la crise sanitaire, il y a eu beaucoup de jeunes avocats, travaillant seuls, qui ont été très impactés financièrement.
Quels sont les dossiers qui vous ont tenu à cœur pendant votre mandat?
«J’ai un peu poussé pour un Barreau social avec l’enquête sur la rémunération des jeunes avocats et l’enquête sur le bien-être au Barreau. Nous avons eu beaucoup de retours, notamment de la part de jeunes avocats, et, plus globalement, un tiers des avocats ont répondu. On en a tiré un certain nombre d’enseignements, notamment le fait qu’il fallait mettre en place quelque chose pour aider les avocats qui étaient en détresse financière, victimes de harcèlement ou encore victimes d’une dépendance.
Et avez-vous réussi à mettre en place un projet pour aider ces avocats?
«Ce n’est plus un projet puisque nous venons de mettre en œuvre un service au Barreau qui s’appelle Écoute. Il permet aux avocats qui connaissent des difficultés de s’adresser à des confrères qui ont été formés en santé mentale afin d’être orientés et écoutés, et ce en toute discrétion. Nous avons également mis en place un fonds de soutien alimenté par des dons pour soutenir un peu plus les avocats dans cette situation. Avec la crise sanitaire, il y a eu beaucoup de jeunes avocats, travaillant seuls, qui ont été très impactés financièrement. On parle toujours des grandes et belles études d’affaires, mais les avocats du contentieux ont été très touchés et certains ont eu du mal à se relever.
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Quels autres dossiers ont été des priorités?
«On a aussi beaucoup travaillé sur l’anti-blanchiment avec la venue du Gafi. Tout comme sur l’accueil du citoyen, avec l’amélioration du service de consultation gratuite tous les samedis. Plus globalement, en raison du Covid-19, nous avons très peu voyagé et nous avons pu nous concentrer sur des dossiers nationaux. On peut finalement dire que cela a été un mal pour un bien. On a amorcé une réforme de la loi sur les avocats. Un projet de loi devrait bientôt être présenté avec une amélioration des compétences du bâtonnier et du Conseil de l’Ordre. On a vraiment fait un travail de fond. Nous avons sorti une circulaire sur la rémunération des jeunes avocats avec des recommandations, notamment que les avocats stagiaires soient rémunérés a minima au salaire minimum.
Généralement, un avocat est bâtonnier une seule fois dans sa vie. Est-ce un regret d’avoir assumé cette fonction pendant la crise sanitaire?
«Non, pas du tout. Je me suis dit que je devais en profiter pour mettre en œuvre certaines choses, dont le Barreau social. On a aussi œuvré pour améliorer les formations pour les avocats. Nous avons profité de ce temps pour professionnaliser le Barreau, recruter du personnel et mettre en place davantage de services pour les avocats.
Quels conseils allez-vous glisser à l’oreille de votre successeur, Me Pit Reckinger?
«Je pense qu’il connaît parfaitement les conseils que je peux lui adresser puisqu’en tant que vice-président de l’Ordre des avocats, nous nous voyons trois à quatre fois par semaine. Ce que je peux lui dire, c’est de ne pas oublier de prendre le temps de respirer et de profiter de sa famille. Le bâtonnier travaille beaucoup et les journées sont souvent très longues. Il faut savoir déléguer, et bien déléguer, travailler avec la Maison de l’avocat, qui possède une belle équipe. Pit Reckinger fera un excellent bâtonnier. Il a également cette fibre sociale, notamment pour ce qui touche au RSE. Il m’a toujours énormément soutenu tout au long de mon mandat. Il vient du monde des affaires et il gardera évidemment son regard sur les avancées législatives dans ce domaine.»