Le problème de la consommation d’eau de l’usine Fage est essentiel: «Ils ont un besoin journalier de 2.500m3 d’eau potable [soit 2.500.000 litres d’eau par jour, soit la consommation journalière d’une ville comme Dudelange, soit, ramené à l’échelle du pays, 2% de la consommation nationale quotidienne] pour la production», rappelle Laurent Zeimet. «C’est beaucoup, donc nous nous demandons si nous avons les moyens de fournir une telle quantité.» (Photo: Matic Zorman/Archives)

Le problème de la consommation d’eau de l’usine Fage est essentiel: «Ils ont un besoin journalier de 2.500m3 d’eau potable [soit 2.500.000 litres d’eau par jour, soit la consommation journalière d’une ville comme Dudelange, soit, ramené à l’échelle du pays, 2% de la consommation nationale quotidienne] pour la production», rappelle Laurent Zeimet. «C’est beaucoup, donc nous nous demandons si nous avons les moyens de fournir une telle quantité.» (Photo: Matic Zorman/Archives)

Alors que la consultation publique sur le projet de l’installation de l’usine Fage à Bettembourg a pris fin, le bourgmestre de la commune, Laurent Zeimet, revient sur la décision du conseil communal de demander au gouvernement de reconsidérer cette implantation. En cause: la consommation d’eau.

L’usine Fage, dont le projet d’implantation à Bettembourg remonte à plus de quatre ans, prévoit la production de 80.000 tonnes de yaourt par an. 300 emplois pourraient être créés. Mais ce projet est controversé, notamment pour son impact potentiel sur l’environnement, en particulier du fait de l’importante consommation d’eau nécessaire et de la dégradation des eaux de l’Alzette qu’il pourrait entraîner.

Alors qu’une consultation publique sur le projet, qui a recueilli 15 avis, , le bourgmestre de Bettembourg, (CSV), revient sur les raisons de l’opposition du conseil communal, qui demande au gouvernement de reconsidérer son autorisation du projet.

Est-ce que vous vous attendiez à ce qu’autant de personnes répondent à la consultation publique?

Laurent Zeimet. – : «Normalement, lors de la procédure ‘commodo’, c’est plus calme. Mais ici il s’agit d’un projet qui a suscité beaucoup de discussions. Nous nous attendions donc à des réactions, même si cette enquête s’est déroulée en plein été, ce qui n’était d’ailleurs pas la décision de la commune: dès que nous recevons le dossier, la loi nous oblige à publier et à démarrer la consultation. Or, nous l’avons reçu mi-juillet.

Quel bilan tirez-vous de cette consultation publique?

«Il apparaît que des questions continuent de réclamer des réponses. Tout d’abord celle de la consommation d’eau. L’usine aura un besoin journalier de 2.500m3 d’eau potable [soit 2.500.000 litres d’eau par jour, soit la consommation journalière d’une ville comme Dudelange, soit, ramené à l’échelle du pays, 2% de la consommation nationale quotidienne, ndlr] pour la production. C’est beaucoup, donc nous nous demandons si nous avons les moyens de fournir une telle quantité.

Et surtout, il y a le problème du rejet de l’eau dans l’Alzette et ses conséquences sur la rivière. L’analyse aurait pu être plus facile à faire si dans le dossier se trouvaient déjà les prescriptions des différentes administrations. Quels paramètres seront à respecter? Cela faisait défaut. Nous aimerions que le contrôle des paramètres soit fait par une instance indépendante, soit par des instances de l’État, soit par une instance communale.

Enfin se pose cette grande question: ce projet a-t-il vraiment du sens, alors que nous voulons à présent une économie plus durable et circulaire? Là, nous ne pouvons vraiment pas suivre l’argumentation du gouvernement. C’est la question que s’est posée le conseil communal, qui a demandé au gouvernement de reconsidérer cette implantation.

Comment ce projet est-il arrivé à Bettembourg?

«Il y a environ 4 ans, j’ai reçu un appel de la part du ministère de l’Économie, qui organisait une conférence de presse le lendemain annonçant la venue du groupe Fage à Bettembourg.

Comme c’est un terrain qui appartenait à l’État, dans une zone d’activité gérée par le ministère de l’Économie, il leur revient de décider qui aura la jouissance de ce terrain.

Si la création d’emplois prime toujours, il n’est plus nécessaire de faire des études d’impact sur l’environnement ou de discuter d’une économie plus durable et circulaire.
Laurent Zeimet

Laurent Zeimetbourgmestre de Bettembourg

Il est reproché au ministre de l’Économie d’avoir vendu le terrain avant même l’obtention des autorisations nécessaires. Qu’en pensez-vous?

«C’est une approche plutôt bizarre. Comme vous le dites, le terrain a été vendu à l’entreprise avant que toute procédure ait démarré. Il aurait été préférable, avant de prendre la décision de l’implantation, de suivre les procédures, puis de voir comment mettre à disposition le terrain. La Cour des comptes est d’ailleurs en train de faire l’analyse du déroulé de la vente du terrain.

Ce qui nous a aussi frappés, c’est que, en tant que commune, nous étions alors à la recherche d’un terrain pour nos ateliers communaux. Nous avions envisagé une implantation sur un terrain qui appartenait au ministère de l’Économie. Nous avons aussi un droit de superficie, mais il était hors de question de vendre le terrain à la commune. Peu après, nous avons été informés qu’une entreprise grecque avait eu le droit d’acheter un terrain. 

Une partie du terrain se trouve sur la commune de Dudelange. Or, celle-ci est favorable à l’implantation de l’usine, du fait de la création d’emplois. Cet argument ne vous convient pas?

«Nous avons une approche différente, il est vrai. Mais, si la création d’emplois prime toujours, il n’est plus nécessaire de faire des études d’impact sur l’environnement ou de discuter d’une économie plus durable et circulaire.

Nous n’avons rien contre la création d’emplois. Dans notre région, nous avons créé beaucoup d’emplois, en logistique et dans d’autres branches, donc ce n’est pas ça qui nous freine. Mais il existe quand même d’autres considérations qui nous poussent à remettre en question le bien-fondé de cette décision.

Le gouvernement pourrait-il passer outre l’avis de la commune? Je crains que oui…
Laurent Zeimet

Laurent Zeimetbourgmestre de Bettembourg

En cas de refus, n’est-ce pas un mauvais signal envoyé par le pays aux industriels qui voudraient s’y installer?

«Si! Et si j’étais l’entreprise grecque, je me demanderais: à quoi bon toute cette discussion? Il ne fallait pas vendre le terrain et donner l’impression qu’il n’y aurait aucun souci. Si le dossier avait commencé d’une autre façon, peut-être n’en serions-nous pas là…

Je me souviens qu’il y a 4 ans, la commune a annoncé à Fage qu’il fallait faire un plan d’aménagement particulier. Ils étaient surpris, parce qu’ils croyaient qu’une simple autorisation de construire suffisait. J’ai dû expliquer que ce n’était pas le cas. Avec un projet d’une telle ampleur, il y a quand même des procédures à respecter.

Est-il envisageable que le gouvernement passe outre l’avis de la Commune?

«Je crains que oui. La décision sur l’implantation, ce n’est pas la commune qui va la prendre. Elle a été prise ou elle sera revue par le gouvernement, qui donne son autorisation. La commune peut donner son avis, mais elle ne tranche pas la question de l’implantation. Comme c’est une zone d’activité gérée par l’État, c’est à l’État de prendre ses responsabilités.

Quelles sont les prochaines étapes?

«Nous avons terminé le dossier que nous allons envoyer à la fin du mois à l’Administration de l’environnement. Il appartiendra à la ministre de l’Environnement de l’analyser et de prendre une décision quant au commodo. Puis il y aura d’autres autorisations nécessaires. Nous attendons aussi à l’automne la décision de la Cour des comptes. Je crois que tout cela animera encore le débat. Ensuite nous verrons comment cela va évoluer. Mais le conseil communal maintient sa demande de reconsidérer l’implantation.»