Il existe actuellement un accord interprofessionnel, conclu le 25 juin 2009 entre partenaires sociaux, qui traite du harcèlement et de la violence au travail. (Photo: Shutterstock)

Il existe actuellement un accord interprofessionnel, conclu le 25 juin 2009 entre partenaires sociaux, qui traite du harcèlement et de la violence au travail. (Photo: Shutterstock)

La Chambre de commerce, la Chambre des métiers et l’UEL demandent à ce que le projet de loi relatif au harcèlement moral à l’occasion des relations de travail soit purement et simplement retiré. Elles reprochent notamment au gouvernement qu’aucune concertation préalable avec les partenaires sociaux n’ait eu lieu.

Fait extrêmement rare dans le pays. Trois organisations professionnelles – à savoir l’UEL (Union des entreprises luxembourgeoises), la Chambre de commerce et la Chambre des métiers – demandent le retrait du projet de loi «en vue d’introduire un dispositif relatif à la protection contre le harcèlement moral à l’occasion des relations de travail» du processus législatif. La Chambre des salariés (CSL), de son côté, ne demande pas son retrait mais une nouvelle révision. Tout en sachant que le vote de la loi est prévu pour ce jeudi 9 mars à la Chambre des députés.

Il se trouve qu’il existe un accord interprofessionnel entre partenaires sociaux, conclu le 25 juin 2009, qui traite du harcèlement et de la violence au travail qui a été déclaré d’obligation générale par voie de règlement grand-ducal du 15 décembre 2009. Cet accord, basé sur un accord européen, définit le harcèlement et la violence au travail et prévoit des mesures de prévention et de gestion des actes de harcèlement et de violence dans les entreprises.

Six amendements au projet de loi

«Cet accord fonctionne très bien, et il a été fait en concertation avec les partenaires sociaux. Donc, depuis le dépôt du projet de loi en juillet 2021, nous sommes entre étonnement et incompréhension. Nous dénonçons également dans ce contexte l’insécurité juridique majeure pour les entreprises qui découlerait de la coexistence de deux régimes issus, l’un de la future loi, l’autre de la convention interprofessionnelle existante», analyse , directeur général de la Chambre des métiers. «Quelles failles a la convention pour avoir besoin d’une nouvelle loi?»

Après le dépôt du projet de loi en 2021, le Conseil d’État, la Chambre de commerce, la Chambre des métiers et la CSL ont demandé au ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Économie sociale et solidaire, à l’époque (LSAP), de revoir sa copie. Chose qui a été faite par son successeur, (LSAP), avec la publication de six amendements en décembre 2022.

«Mépris du dialogue social»

Des amendements qui ont en partie convaincu le Conseil d’État, qui, dans son avis complémentaire publié le 7 février dernier, a levé la majorité de ses oppositions formelles au premier texte présenté par le gouvernement et a juste demandé une reformulation d’une partie, mais qui ne convainc toujours pas la Chambre des salariés, la Chambre de commerce et la Chambre des métiers dans leurs avis rendus les 9 et 10 février derniers.


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«Le projet de loi a été déposé au mépris du dialogue social, dans la mesure où il intervient dans un domaine déjà couvert par un accord interprofessionnel sans que ce dernier n’ait été dénoncé par un des partenaires sociaux. Et il n’a fait l’objet d’aucune concertation préalable avec les partenaires sociaux», ajoute Tom Wirion. «Sur le fond, tout le monde est d’accord. Le sujet du harcèlement moral au travail est extrêmement important, mais c’est justement pour cela qu’il nécessite que l’on se mette tous autour de la table pour discuter. Et il faut de la précision, ce qui n’est pas le cas dans le projet de loi. La qualité juridique n’est pas à la hauteur.»

Une nouvelle révision demandée par la CSL

«Au Luxembourg, alors que le modèle social s’inscrit historiquement dans une tradition de dialogue social, le gouvernement et la Chambre des députés en bafouent pourtant les fondements au niveau national dans le cadre (de cette) procédure législative en matière de protection contre le harcèlement moral dont rien ne semble pouvoir arrêter la course», a réagi de son côté l’UEL, le 27 février, parlant de «mépris pour le dialogue social».

«À l’instar de la Chambre de commerce et de la Chambre des métiers qui l’ont également demandé à deux reprises dans leurs avis communs, l’UEL ne peut que réitérer sa demande au gouvernement, et en particulier au ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Économie sociale et solidaire en tant qu’auteur du texte, de retirer le projet de loi n°7864 de la procédure législative. Il en va de la crédibilité du gouvernement et de la Chambre des députés quant à leur volonté de préserver le dialogue social au Luxembourg et de le promouvoir à l’avenir. Les discours et initiatives en matière de dialogue social n’ont de valeur que s’ils sont accompagnés des actes qui s’imposent», insiste l’UEL.

Une loi qui sera votée ce jeudi 9 mars

Parmi les nouveaux amendements, le terme «harcèlement moral au travail» a notamment été remplacé par «harcèlement moral à l’occasion des relations de travail» ; la définition du harcèlement moral a été remplacée par celle d’application dans le secteur public (à caractère plus courte et générale) ; et le texte stipule désormais que, lors de l’examen de l’ITM d’éventuels cas de harcèlement moral, «l’auteur présumé de l’acte de harcèlement moral» doit également être entendu.Pour la CSL, «seule la modification visant à ajouter la notion d’auteur présumé de ‘l’acte de harcèlement moral’ à la liste des personnes devant éventuellement être entendues dans le cadre de l’enquête de l’ITM répond à l’une des demandes de modification de la CSL. Les autres modifications changent plus la forme que le fond, et ainsi cette nouvelle version du projet de loi ne répond toujours pas aux demandes de la CSL», qui, si elle ne demande pas le retrait du projet de loi, ne l’approuve toujours pas, même modifié, et demande qu’il soit révisé en tenant compte de ses exigences.

Reste que le vote de la loi est prévu ce jeudi 9 mars à la Chambre des députés, malgré donc les oppositions fermes formulées par les chambres professionnelles. «C’est Dan Kersch qui a déposé le projet de loi, et il m’a confirmé qu’il a eu beaucoup de discussions avec le salariat et avec le patronat sur ce thème, qu’il y a eu des bilatérales sur ce thème. C’est écrit dans l’accord gouvernemental qu’une telle loi devrait se faire, donc il y a eu ces discussions, il y a eu le dialogue, et maintenant c’est au gouvernement de prendre ses responsabilités», a répondu Georges Engel ce lundi 6 mars en marge d’une conférence de presse du LSAP. «Ce que les chambres salariales et le patronat critiquent, c’est qu’il y a un accord interprofessionnel entre partenaires sociaux et qu’il ne faut pas de loi pour ça. Moi je trouve que premièrement une loi donne beaucoup plus d’importance à un tel sujet et beaucoup plus de sécurité dans ce domaine. En plus maintenant on a introduit le chemin par l’ITM, le chemin de contrôle et de négociateurs aussi dans ce domaine, et je trouve qu’avec cette loi on a beaucoup plus de sécurité dans le domaine du harcèlement moral.»

Article modifié ce lundi 6 mars après la réaction du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Économie sociale et solidaire Georges Engel.