Face aux dérives des plateformes, la Commission européenne engage une consultation des partenaires sociaux pour préparer une directive d’ici la fin de l’année. (Photo: Shutterstock)

Face aux dérives des plateformes, la Commission européenne engage une consultation des partenaires sociaux pour préparer une directive d’ici la fin de l’année. (Photo: Shutterstock)

Les trois quarts des travailleurs des plateformes sont payés à la tâche et tout juste au niveau du salaire social minimum. Ce sont principalement des hommes, de moins de 35 ans, et les algorithmes les malmènent sans vergogne. L’Union européenne consulte les partenaires sociaux pour mieux les protéger.

Corvéables et malléables à merci, les travailleurs des plateformes? Les clichés qui racontent leurs histoires sont toujours les mêmes: des cyclistes qui pédalent et pédalent… et pédalent encore pour gagner un salaire de misère; des chauffeurs de VTC qui dorment dans leur véhicule pour ne pas rater un client potentiel ou des exclus que les algorithmes punissent par des «nudges», des interdictions de travailler, parce qu’ils n’ont pas réagi assez vite.

La communication de la Commission européenne, ce mercredi, annonce que 10% de la main-d’œuvre européenne est constituée de travailleurs des plateformes, soit 24 millions de personnes, avant de présenter une situation beaucoup plus nuancée. Le chiffre est issu de la première étude européenne, parue l’an dernier: ils ne sont pas 10%, mais 8,6%; 1,4% travaille avec les plateformes comme activité principale, mais 4,1% comme activité d’appoint pour gagner plus que leur emploi principal et 3,1% de manière ponctuelle ou marginale.

64,9% sont des hommes et 37,1% ont moins de 35 ans – 34 ans, contre 43 ans pour les travailleurs «conventionnels». Les trois quarts sont payés à la tâche, qu’ils soient sur site ou à distance. Ceux qui sont sur site sont 15% à avoir un salaire fixe, contre 9% pour ceux qui travaillent à distance.

335 milliards de chiffre d’affaires en 2025

Et les plateformes qui les emploient ont vu leur chiffre d’affaires passer de 15 milliards de dollars en 2015 à 335 milliards de dollars en 2025, selon une étude mondiale de PwC, soit 35% d’augmentation par an.

«En pleine transition numérique, nous ne pouvons pas perdre de vue les principes fondamentaux sur lesquels repose notre modèle social européen», défend le commissaire européen à l’Emploi et aux Droits sociaux, (LSAP), ce mardi, à l’occasion du lancement d’une consultation européenne des partenaires sociaux. «Nous devrions exploiter au mieux le potentiel de création d’emplois que présentent les plateformes de travail numériques, tout en garantissant la dignité, le respect et la protection des personnes qui travaillent par l’intermédiaire de celles-ci. Les avis des partenaires sociaux sur cette question seront essentiels en vue d’élaborer une initiative équilibrée relative au travail via des plateformes dans l’Union.»

La Commission européenne a identifié une série de points-clés, comme le statut professionnel, les conditions de travail, l’accès à la protection sociale, l’accès à la représentation syndicale, la dimension transfrontalière (notamment sur les plans de la fiscalité et de la contribution aux sécurités sociales), la gestion par des algorithmes ou encore les opportunités de formation ou d’évolution professionnelle pour ces travailleurs.

De nombreuses initiatives dans les États membres

La difficulté, pour les services de la Commission, viendra des différences assez notables entre les États membres, que ce soit en termes de droits sociaux ou d’initiatives déjà prises face aux problèmes que rencontrent ces travailleurs. Deux députées françaises ont présenté il y a un mois , dans lequel elles évoquent de nouvelles législations au Portugal pour les chauffeurs VTC, en Italie pour ceux qui livrent des repas à domicile, en Allemagne, où des pistes sont à l’étude, comme des contributions au système de retraite des travailleurs des plateformes ou des mécanismes d’assurance en cas d’accident «du travail», ou en France, où deux droits sont apparus, celui à la formation professionnelle et à la défense de revendications professionnelles.

Par ailleurs, quelques décisions de justice ont commencé à encadrer le comportement des plateformes, comme d’avril dernier, dont l’ordonnance souligne que le coursier «dispose d’un droit absolu de ne pas accepter les tâches qui lui sont attribuées; en outre, il peut lui-même fixer une limite contraignante au nombre de tâches qu’il est prêt à accomplir». Son indépendance «n’apparaît pas fictive et [qu’]il ne semble, a priori, pas exister de lien de subordination entre lui et son employeur présumé». Elle a par ailleurs rappelé qu’il appartenait à la juridiction britannique de procéder à la qualification du coursier. Comme les arrêts «Uber» en Espagne et en France.

La Commission européenne devrait publier une directive d’ici la fin de l’année.