Claire Leonelli et Claire Denoual, Avocats à la Cour – Etude /c law ( Credit : c law )

Claire Leonelli et Claire Denoual, Avocats à la Cour – Etude /c law ( Credit : c law )

Selon la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE), AirBnB n’est pas un agent immobilier mais Uber est un prestataire de services de transport. #@?! Décryptage.  

Deux poids, deux mesures…

Dans la première affaire, ayant donné lieu à un arrêt de la CJUE du 20 décembre 2017, une association espagnole de taxis reprochait à Uber une concurrence déloyale en passant outre l’obligation espagnole de détenir les licences et agréments imposés pour fournir des services de transports. Uber répliquait que cette législation ne lui était pas applicable car elle se contentait de mettre en relation, via son application, des chauffeurs non professionnels et des clients. La CJUE note, quant à elle, que Uber va en réalité plus loin : elle fixe un prix maximum pour la course, collecte ce prix auprès du client avant d’en reverser une partie au chauffeur non professionnel, et exerce un contrôle sur le service de transport fourni pouvant aller jusqu’à l’exclusion des chauffeurs. La CJUE en conclut que Uber est un service de transport et non un simple service de l’économie numérique.

Les faits sous-jacents de l’arrêt de la CJUE du 19 décembre 2019 concernant AirBnB sont similaires. Une association française du tourisme avait déposé plainte contre AirBnB pour exercice illégal de la profession d’agent immobilier, faute de détenir la carte professionnelle imposée par la législation française. Ici encore, la défense d’AirBnB était qu’elle n’avait qu’un rôle de mise en relation de loueurs de lieux d'hébergement de courte durée et de particuliers. Relevant que AirBnB n'exerce pas de contrôle sur les aspects essentiels du service d'hébergement, tels que sa localisation, son standard ou encore son prix, la CJUE retient que AirBnB fournit un simple « service de la société de l’information » et non des prestations d’agence immobilière.

… pour un enjeu de taille pour les plateformes collaboratives

Les conséquences de la qualification de « service de la société de l’information » ou de service de transport, d’hébergement ou d’agence immobilière sont importantes.

Dans le premier cas, la plateforme peut bénéficier d’une réglementation favorable : nul besoin d’agrément spécifique (hormis l’autorisation générale de faire le commerce au Luxembourg qui s’applique à tous commerçants à partir du moment où ceux-ci y exercent une activité régulière), bénéfice d’un régime de responsabilité allégé en ce qui concerne les contenus mis en ligne, etc..

Dans le second cas, la plateforme doit se conformer à l’ensemble de la législation sectorielle applicable qui vient alourdir les formalités et obligations, que ce soit en termes d’autorisation préalable, de réglementation ou de responsabilité vis-à-vis des consommateurs notamment.

Tout est question d’influence

Contrairement à ce que l’on pourrait penser de prime abord, l’examen détaillé de ces décisions montre-qu’elles ne sont pas inconciliables : tout dépend du rôle de la plateforme dans la détermination des conditions essentielles du service sous-jacent. Si son influence est décisive à cet égard, le rôle de la plateforme va au-delà du simple intermédiaire et elle doit en assumer les conséquences juridiques, notamment à l’égard des autorisations sectorielles éventuellement nécessaires.

Ce critère et ses premières applications posent les jalons de la régulation de l’économie collaborative. Ces conditions, qui ne manqueront pas d’être affinées par la suite, doivent être gardées à l’esprit notamment par toute start-up désireuse de se lancer dans un projet de ce type puisqu’elles peuvent avoir un impact important sur le business model choisi.